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C'est dans la colonne de droite tout en bas...

1 février 2019 5 01 /02 /février /2019 09:09

L’anthropologue de la nature Philippe Descola explique les raisons de notre aveuglement face à l’urgence écologique, et appelle à repenser notre rapport à la nature. Propos recueillis par Nicolas Truong le 30 janvier 2019 pour Le Monde. Lire aussi Les citoyens ressentent l’urgence climatique et sanitaire et maintiennent la pression sur les gouvernements et Le monde ne prend pas le « tournant climatique » nécessaire pour limiter le réchauffement sous 1,5 °C.

Philippe Descola, Collège de France.

Philippe Descola, Collège de France.

Anthropologue, spécialiste des Jivaros Achuar, en Amazonie équatorienne (Les Lances du crépuscule, Plon, 1993), Philippe Descola est professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’anthropologie de la nature. Disciple de Claude Lévi-Strauss et successeur de Françoise Héritier, médaille d’or du CNRS (en 2012) pour l’ensemble de ses travaux, Philippe Descola développe une anthropologie comparative des rapports entre humains et non-humains qui a révolutionné à la fois le paysage des sciences humaines et la réflexion sur les enjeux écologiques de notre temps (Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005). Dans un entretien avec le journal Le Monde, Philippe Descola analyse la façon dont nous pouvons faire face à la catastrophe écologique.

Depuis que l’information circule en temps réel, nous avons davantage l’impression de vivre dans le même monde et au même instant. Partageons-nous tous le même présent ?

Les systèmes de communication actuels nous donnent cette illusion de simultanéité. La circulation des images et des objets nous fait croire que l’on partage un système de valeurs devenu universel. Or la seule chose qui l’est, c’est le triomphe progressif du marché. En dehors du désir de se procurer des biens sur un marché et d’avoir les ressources pour le faire, chacun des présents varie. Les modes de vie, les aspirations, les valeurs continuent à différer profondément. Notre présent, c’est-à-dire notre capacité à nous projeter dans l’avenir en faisant référence à un passé, diffère selon les lieux et les communautés. Le seul présent collectif, c’est celui de l’état de la planète, mais même celui-là n’a pas la même force, la même pertinence et la même urgence pour tout le monde.

L’idée d’un présent partagé serait donc illusoire ?

Oui. Les présents des communautés autour du monde ne coïncident qu’artificieusement. Le présent d’un Amérindien expulsé de ses terres par une plantation de palmiers à huile ne rencontre le mien que lorsque je vérifie la composition d’un aliment que j’achète. Ce sont des coïncidences de tête d’épingle. On s’imagine partager le même monde, mais nos présents sont fondés sur des prémisses et des agendas différents. Toutefois, aujourd’hui, tous les humains sont confrontés à la question de l’état du système Terre et donc de notre futur commun. Nous devons tous faire face au réchauffement climatique, à l’érosion de la biodiversité, à la pollution, à l’appauvrissement des sols arables. Bref, à la détérioration des conditions d’habitabilité de la terre ; mais là encore, il y a des différences.

L’anthropocène, qui désigne l’âge où les activités humaines modifient l’équilibre de la planète, est-il adéquat pour décrire notre présent ?

Les responsabilités ne sont pas identiques. Le terme « anthropocène » a le mérite de souligner que les humains sont devenus une force naturelle, mettant ainsi à bas le dualisme entre la nature et la culture. Mais, il est inexact parce que ce n’est pas l’anthropos, l’homme en général, qui est responsable de cela. Ce sont certains humains, dans une trajectoire historique particulière, qui ont accouché d’un système singulier d’usage des ressources et d’enquête sur la nature. Et les effets ne sont pas les mêmes pour tous : les populations qui vivent dans des écosystèmes fragiles sont les premières à en souffrir. Celles qui habitent les latitudes les plus septentrionales, dans les régions d’altitude, dans les zones submersibles, où le réchauffement climatique commence déjà à avoir des effets perceptibles.

On assiste à une prise de conscience collective de cette condition planétaire, et en même temps on voit surgir des mouvements populistes autoritaires qui s’opposent totalement à cette sensibilité écologique. Pour quelles raisons ?

C’est un problème de temporalité. C’est comme des trains qui circulent à des vitesses différentes. Comme on croise des trains qui roulent plus lentement, on a l’impression qu’ils sont à l’arrêt, mais c’est une illusion. Il faut du temps pour que les trains avancent à la même vitesse. Cette différence vient de la difficulté à se projeter dans un futur lointain. L’on sait maintenant que l’objectif de limiter le réchauffement à 2 degrés à la fin du siècle est absurde. Les spécialistes du climat envisagent désormais un réchauffement global de l’ordre de 4 degrés. Ce qui suppose que des régions entières de la planète vont devenir inhabitables. Les pays riches s’en sortiront, bien sûr, on construira des digues aux Etats-Unis pour éviter la submersion de New York ou Miami. Mais dans une grande partie du monde, ces solutions sont inadéquates. La fonte des glaciers qui alimentent les grands fleuves d’Asie va avoir des conséquences dramatiques pour des centaines de millions de personnes. Ces présents ne sont pas simultanés. Et face à ce constat, il existe tout un éventail de positions : les « sachants », notamment les scientifiques, ont une idée assez claire de ce qui va se passer ; une partie de la population est plus ou moins sensible à cette idée, qui reste très abstraite ; sans oublier ceux qui pour des raisons politiques de très court terme choisissent de nier le réchauffement, et enfin les populations qui sont en première ligne mais ne comprennent pas toujours ce qu’il se passe.

Quelles causes assignent-elles par exemple ?

Dans les Andes, on voit les montagnes comme des entités spirituelles qui se vengent lorsqu’on les agresse, par des glissements de terrain, le tarissement des sources ou des pluies torrentielles : le circuit des eaux est bouleversé. Or les populations locales pensent que c’est parce qu’on n’exécute plus les rituels, qu’on ne respecte plus les montagnes. C’est paradoxal, on a de plus en plus de chamanerie pour les touristes et de moins en moins de chamanes qui s’occupent des dérèglements climatiques.

Notre présent, c’est celui dans lequel cohabitent à la fois la popularité de l’ancien ministre de l’écologie français Nicolas Hulot et, au Brésil, l’élection de Jair Bolsonaro…

Absolument, et le cas du Brésil est exemplaire parce qu’il y a des régions du pays qui étaient en grande partie boisées au XIXe siècle et qui sont maintenant des déserts. On connaît les effets de la déforestation, étudiés par des agronomes, des historiens… Et on a la gorge serrée de voir que ça continue malgré tout.

Comment expliquez-vous que cette prise de conscience du désastre écologique ne mobilise pas davantage ?

Il faut expérimenter dans sa chair les conséquences de ce que l’on a fait. La France de la fin du XIXe siècle était très déboisée. Quand on regarde des cartes postales de certaines régions du Midi, il n’y avait plus que des cailloux. Le reboisement du mont Aigoual pour empêcher l’envasement du port de Bordeaux, par exemple, a porté ses fruits. Il y a eu à ce moment-là une réaction très vive parce que les conséquences étaient perceptibles. La différence, c’est que là, nous faisons face à des conséquences à beaucoup plus long terme. L’idée que, dans soixante-dix ou quatre-vingts ans, il fera 5 ou 6 degrés de plus dans certaines régions de la planète qui deviendront inhabitables est beaucoup plus difficile à imaginer.

Cette prise de conscience ne peut passer que par l’expérience ?

Oui, celle de la catastrophe. Mais est-elle réversible ou pas ? Les exemples historiques sont plutôt inquiétants : dans Les Somnambules, de Christopher Clark [Flammarion, 2015], sur les origines de la guerre de 1914-1918, on découvre a posteriori cet enchaînement de bévues, de bêtises. Ce n’est qu’après qu’on s’est rendu compte des conditions dans lesquelles l’inimaginable s’est déclenché, sur le moment personne ne pensait que ça allait devenir cette monstrueuse boucherie.

Estimez-vous que nous sommes somnambules ?

Oui, certains moins que d’autres. Les mesures économiques qu’on peut envisager (un marché du carbone, le fait de rapatrier les externalités écologiques) sont utiles, mais au fond, c’est le système général qui est fou. La croissance devenue une divinité, la consommation comme seule valeur, la production de richesses infinie… Le modèle est complètement épuisé mais on continue à y vivre.

Qu’est-ce qui, dans les initiatives présentes, nous laisse penser que l’on pourrait éviter la catastrophe ?

Je ne sais si on pourra l’éviter. Ce sont moins des individus qui sont en cause que le système général du capitalisme. Ce que j’ai appelé le naturalisme se cristallise à la fin du XVIIIe siècle avec le développement de la machine à vapeur et du capitalisme industriel. Tout à coup, on a la possibilité, grâce aux transports maritimes notamment, de faire circuler de grandes quantités de marchandises partout sur la planète, d’obtenir des sources d’énergie qui permettent de produire massivement des biens industrialisés que l’on peut vendre très loin. C’est un dispositif fondé sur l’exploitation effrénée de la nature, sur l’idée que les humains, certains d’entre eux, ont des droits « naturels » sur les ressources et les biens communs : énergies fossiles, terre, air, eau… Ce phénomène de privatisation s’est mis en place avec le mouvement des enclosures à la fin du Moyen Age et n’a cessé de croître. Pour le stopper, il faut une révolution mentale : les humains n’ont pas de droits sur la nature, c’est la nature qui a des droits sur eux. Aussi bizarre qu’elle paraisse, c’est une conception commune et que les anthropologues connaissent bien. Dans les Andes, par exemple, les populations autochtones se voient comme membres de collectifs formés d’humains et de non-humains ; aussi, quand un élément du collectif, une montagne ou une source, est agressé, la totalité des membres doit le défendre.

Est-ce qu’il existe des leviers qui vont dans le sens de cette révolution mentale, intellectuelle ? Des points d’appui, des laboratoires de vie commune qui explorent des fonctionnements dans lequel le respect de nature serait inclus ?

Oui, des expériences comme la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, par exemple. C’est un laboratoire social où la vie commune n’est pas fondée sur les principes du consumérisme capitaliste. Il y a des exemples assez nombreux en Europe et dans le monde. Autre signe intéressant : la personnalité juridique concédée au fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande. On a donné des droits non pas à la nature, qui est une abstraction, mais à un milieu de vie. Si l’on veut dépasser l’individu maître et possesseur de la nature, il faut transformer des milieux de vie en sujets de droit. Ce n’est pas absurde, ça s’est fait dans le droit romain, lorsque des dieux étaient propriétaires de terres dont les temples avaient la charge. Les juristes diront : « Oui, mais les humains sont responsables parce qu’ils ont des droits et des devoirs, et un fleuve n’a pas de devoirs. » Sans doute, mais le fait que les humains tirent leur légitimité juridique du fait qu’ils habitent les rives de ce fleuve, qu’ils contribuent à son bien-être et que, de ce fait, ils contribuent au leur, est une transformation profonde de la philosophie classique du droit de propriété. Ces petites transformations nous orientent vers l’idée d’un monde formé de communautés locales, beaucoup plus indépendantes et pourtant interconnectées.

Le grand défi de ce siècle, c’est d’imaginer des institutions rendant possible la vie commune entre des collectifs territorialisés relativement autonomes mais qui respectent tous des devoirs vis-à-vis du système Terre. Nos instruments internationaux ne permettent pas cela, ce sont des systèmes entièrement interétatiques. Un gigantesque travail conceptuel et philosophique reste à accomplir, analogue à celui réalisé par les philosophes du XVIIIe siècle et les penseurs socialistes du XIXsiècle. Face à une situation très dégradée et injuste, de nouvelles formes politiques sont à inventer.

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31 janvier 2019 4 31 /01 /janvier /2019 09:08

L’association Bloom a déposé un recours contre l’État français pour abus de pouvoir. Elle l’accuse de manquer de transparence concernant les subventions aux pêcheries. Ci-dessous sa campagne INTERPELLEZ VOS ÉLUS . Lire aussi Destruction des océans, sur-pêche, pêche électrique... avec Bloom mardi 20 novembre, La pêche industrielle exploite plus de la moitié de la surface des océans et Les mystérieux canyons sous-marins, trésors en péril.

BLOOM attaque l’Etat pour excès de pouvoir sur les subventions publiques à la pêche

Après quatre années de bataille infructueuse pour obtenir des données essentielles de subventions publiques accordées au secteur de la pêche, BLOOM a introduit hier un recours contre l’État pour excès de pouvoir. Depuis juin 2015, BLOOM réclame sans relâche les données complètes de subventions européennes allouées au secteur de la pêche en France. Un fichier a bien été communiqué à BLOOM mais très incomplet et d’une qualité déplorable le rendant inutilisable.

Après avoir épuisé tous les moyens non contentieux à sa disposition[1] et en l’absence de réponse de l’administration centrale du ministère de l’agriculture,[2] l’association BLOOM se voit contrainte de porter l’affaire en justice afin de briser le mur d’opacité qui interdit aux citoyens l’accès à ces informations cruciales concernant l’usage des fonds publics.

> Lire notre recours auprès du Tribunal administratif de Paris

 

Un enjeu de près de 500 millions d’euros

La demande porte sur les subventions allouées au secteur de la pêche en France entre 2007 et 2016 par le biais de l’instrument financier européen (le Fonds européen pour la pêche, FEP), soit au minimum 484 millions d’euros, représentant 9% de l’ensemble des fonds structurels accordés au niveau européen pour le secteur de la pêche.[3] Cela fait de la France le troisième bénéficiaire des fonds européens après l’Espagne (1,9 milliards €) et la Pologne (695 millions €). Ce chiffre ne correspond pas à l’ensemble des aides publiques versées au secteur de la pêche puisqu’il ne comprend pas les aides d’État,[4] les aides régionales et les aides indirectes, par exemple la détaxe gasoil.

Le secteur de la pêche est, avec les secteurs du transport maritime et aérien, l’un des plus exemptés de taxation sur les carburants en France puisqu’il jouit d’une double exonération de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et de la TVA.

Les subventions publiques : le nerf de la guerre pour protéger l’océan et les pêcheurs

Les subventions publiques ont été identifiées comme la principale cause de la surpêche mondiale. En favorisant la surcapacité chronique des flottes, les subventions perverses provoquent systématiquement la surexploitation des ressources. Aujourd’hui en Europe, seuls 12% des stocks de poissons sont exploités durablement [5] et les petits pêcheurs disparaissent inexorablement. En France, le nombre de marins a été divisé par deux en 30 ans. [6]

À l’instar de l’agriculture paysanne confrontée aux modèles intensifs, la pêche artisanale périclite face à la pêche industrielle. Charly Triballeau/AFP

À l’instar de l’agriculture paysanne confrontée aux modèles intensifs, la pêche artisanale périclite face à la pêche industrielle. Charly Triballeau/AFP

> Lire notre dossier sur les subventions publiques : « BLOOM attaque l’État pour excès de pouvoir »

Sans transparence, pas de durabilité

Obtenir la transparence totale au sujet des subventions accordées à la pêche est la pierre angulaire d’une gestion saine des ressources publiques. C’est aussi la seule façon de transformer le secteur de la pêche pour faire de l’emploi une priorité. « Le gouvernement utilise toujours l’argument massue de l’emploi pour justifier des politiques publiques qui en réalité le détruisent depuis des décennies. Aujourd’hui, l’urgence est autant sociale qu’écologique : les pêcheurs artisans disparaissent aussi vite que les poissons » commente Claire Nouvian, fondatrice de l’association BLOOM.

« Si nous voulons sauver l’océan et les emplois, il faut savoir qui gagne combien au jackpot des subventions publiques » renchérit Valérie Le Brenne, chargée de mission chez BLOOM et doctorante à l’Université Paris I. « Or en l’état, impossible de faire un bilan précis des aides en France : l’administration se comporte en forteresse de protection des intérêts privés. Au pays de Descartes, il faut se battre pour avoir accès à la matière première permettant d’avoir un débat rationnel. Cette attitude ne peut qu’alimenter la défiance et jeter l’opprobre sur l’administration. C’est plus que regrettable. »

L’engagement de la France à éliminer les subventions nocives d’ici 2020

Le recours déposé par BLOOM auprès du Tribunal administratif doit être suivi par un échange contentieux au cours duquel la DPMA et BLOOM vont présenter leurs arguments. Une fois cette phase terminée, une audience se tiendra en présence d’un rapporteur public qui se prononcera sur la requête. BLOOM aura la possibilité de présenter ses observations. Le jugement – rendu par un ou plusieurs juges administratifs – sera prononcé deux à trois semaines plus tard. BLOOM espère que le Tribunal administratif se prononcera d’ici la fin de l’année 2019. Ce serait un premier pas fondamental pour que la France puisse respecter son engagement d’éliminer d’ici 2020 les subventions qui alimentent la surpêche, la surcapacité de pêche et la pêche illégale (ODD 14.6).

Contre la destruction de l’océan et la disparition des pêcheurs artisans  INTERPELLEZ VOS ÉLUS   Une campagne citoyenne de Bloom

BLOOM attaque l’Etat pour excès de pouvoir sur les subventions publiques à la pêche

Chers amis de BLOOM,

Pour la première fois, la Commission européenne nous a sollicités pour un rendez-vous sur la pêche électrique. Nous avions cessé de réclamer ces rendez-vous qui ne venaient jamais. Cette fois, c’est le Directeur général des Affaires Maritimes et de la Pêche, João Aguiar Machado, qui nous a contactés. 

Nous avons été reçus hier, lundi 28 janvier, à la Commission européenne à Bruxelles pour un échange franc sur le dossier pêche électrique. ENFIN. 

Ce rendez-vous est un signal très fort. Il indique que la Commission européenne veut terminer son mandat avec un aboutissement de la réforme du règlement sur les mesures techniques, une réforme entamée en 2009 mais pas encore aboutie ! 
Le principal point de blocage est la pêche électrique

Grâce à votre soutien INCROYABLE, notre campagne a radicalement changé la donne par rapport à cette pratique destructrice. Nous voici donc au moment où il nous revient, avec les pêcheurs artisans, de fixer les lignes rouges à respecter dans un compromis de sortie

Aujourd’hui, le compromis sur la table des négociateurs n’est pas le bon : la proposition est d’interdire la pêche électrique trois ans après l’adoption du règlement. Or les pêcheurs artisans du pourtour de la Mer du Nord auront fait faillite d’ici là. Trois ans est inacceptable

Les industriels néerlandais ont joui de passe-droits, de soutiens politiques et financiers honteux depuis 2006. Désormais, tout l’effort des institutions européennes doit être tendu vers un seul objectif : réparer le mal et éviter la disparition des pêcheurs artisans !

Nous demandons aux institutions européennes de soutenir le compromis de Rosa D’Amato qui propose une interdiction de la pêche électrique au 31 juillet 2019.

Avec votre relais et les moyens que vous nous avez donnés, notre campagne contre la pêche électrique a fonctionné au-delà de tout espoir. Pour gagner dans cette dernière ligne droite avant la dissolution du Parlement européen en mai 2019, nous devons montrer que les citoyens sont mobilisés comme jamais.

C’est un moment de bascule historique : nous pouvons gagner ensemble, ce sera alors NOTRE victoire collective ! Mais nous savons aussi qu’en politique, tout peut capoter jusqu’au dernier instant. 

Mobilisons-nous comme jamais contre cette méthode destructrice qui laisse exsangues les pêcheurs artisans et endommage irrémédiablement le milieu marin.
Faisons entendre aux décideurs publics que nous voulons la fin de la pêche électrique au 31 juillet 2019.

Pour agir, c'est très simple : sollicitez les décideurs et la Commission européenne sur cette plateforme par mail, sur Facebook et Twitter. 

Ne lâchons RIEN jusqu’à la victoire ! INTERPELLEZ VOS ÉLUS

http://go.bloomassociation.org/img/1p6l/b/lkomj/m4q6z.png Tous les jours vous pouvez envoyer un mail différent, tweeter et faire un post Facebook si vous utilisez ces réseaux. Il vous suffit de vous inscrire dans le bandeau rose pour participer à une action par jour : 25 secondes de votre temps ! Nous vous envoyons un message différent chaque jour à faire parvenir à la cible que vous avez choisie.

 

http://go.bloomassociation.org/img/1p6l/b/lkosw/i4o.png Nous avons vraiment besoin de vous pour gagner ! 

Cette campagne a été financée par vous, citoyens et fondations, nous vous remercions de nous avoir soutenus et d'avoir permis que notre petite équipe dédiée : Laetitia, Mathieu, Frédéric, Sabine et Claire puisse la mener !

Merci de nous aider à donner un dernier coup de collier avant la victoire que nous espérons.

Bien à vous,

L'équipe de BLOOM

Notes et références

[1]  A deux reprises, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) a donné raison à BLOOM sur la nature communicable des données demandées.

[2]  La Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA).

[3]  Ce chiffre correspond à la réalité des crédits consommés entre 2007 et mai 2015. Or, l’instrument financier a couru jusqu’en 2016, il est donc probable que le montant final soit plus important. Chiffres communiqués par la Commission européenne dans un rapport agrégeant les données jusqu’en mai 2015. Disponible ici : https://publications.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/f0ab224d-f34c-11e6-8a35-01aa75ed71a1

[4]  Les subventions européennes doivent être distinguées des aides qui sont distibuées par les Etats au niveau national, régional et local. Dans le rapport produit par la Cour des comptes sur les aides d’Etats au secteur de la pêche, les inspecteurs avaient qualifié de véritable “trou noir” les aides allouées par les collectivités territoriales.

[5]  Selon les dernières estimations scientifiques, seulement 12% des stocks remplissent les objectifs de la Politique commune de la pêche. Froese, R. et al. 2018) Status and rebuilding of European fisheries. Marine Policy 93, 159-170.

[6]  Le Floc’h Pascal, Les Pêches maritimes françaises. 1983-2013, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 33.

[7]  Au travers des Objectifs de développement durable (ODD) adoptés lors de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre 2015, la France a pris l’engagement d’interdire les méthodes de pêche destructrices (ODD 14.4) ainsi que les subventions néfastes (ODD 14.6).

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30 janvier 2019 3 30 /01 /janvier /2019 15:47

Vendredi 1er février à 12 heures, pour exiger que la France respecte ses engagements de désarmement nucléaire (article VI du TNP, Traité de non-prolifération) et s'engage dans le processus du Traité d'interdiction des armes nucléaires adopté par l'ONU le 7 juillet 2017, Michèle Rivasi et Karima Delli, députées européennes Europe écologie-Les Verts, seront devant le ministère des Armées aux côtés de l'association Abolition des armes nucléaires-Maison de Vigilance, membre de la campagne ICAN France, prix Nobel de la Paix 2017. Lire aussi Pour l'arrêt des nucléaires civils et militaires ... avant qu'il ne soit trop tardLe Prix Nobel de la paix pour le désarmement nucléaire, combat très symbolique de l’ICAN et Nucléaire et démocratie dans « Le meilleur des mondes ».

S'engager dans le processus d'interdiction des armes nucléaires

Alors que se déroule un grand débat national initié par le gouvernement, nous demandons pourquoi n'est pas posée la question de la dissuasion nucléaire qui n'assure pas notre sécurité malgré la « pensée magique » de nos gouvernants, une croyance que la pensée crée la réalité ...

Chacun des thèmes proposés par le président Macron — montant des impôts et dépenses publiques, organisation de l'État, transition écologique et exercice de la démocratie et citoyenneté — concerne l'arsenal nucléaire…

• Augmentation de 60 % des dépenses pour l'arme nucléaire votée dans la Loi de programmation militaire 2019-2025 pour assurer la modernisation et le renouvellement de l'ensemble de l'arsenal, soit un budget annuel  qui va passer de 4 milliards à plus de 6 milliards d'euros…

• Changer de paradigme sur la dissuasion en ne menaçant plus avec une force nucléaire, mais en développant une véritable coopération internationale solidaire et une dissuasion civile

• Confiscation d'une large part des crédits pour la recherche en faveur de l'armée au détriment de solutions innovantes pour la transition écologique. Par exemple, plus de 9 % des déchets nucléaires proviennent du militaire…

Le 27 octobre 2016 le Parlement européen avait demandé aux pays de l'Union européenne de soutenir un Traité d'interdiction des armes nucléaires, traité voté à l'ONU en 2017 par 122 pays.

Contrairement à la doctrine officielle, ce n'est pas la « dissuasion nucléaire » qui a évité un affrontement en Europe entre l'Est et l'Ouest durant la guerre froide. Les armes nucléaires ont, au contraire, créé un risque supplémentaire en provoquant des tensions qui auraient pu dégénérer.

Nous avons un choix à faire au regard de l'histoire : rester passifs et conserver une politique basée sur le risque de destruction ou respecter la nouvelle norme internationale constituée par le traité sur l'interdiction des armes nucléaires.

C'est pourquoi nous serons présent.e.s devant le Ministère des armées ce vendredi 1er février pour demander que la France s'engage dans le processus du désarmement nucléaire en suspendant la modernisation et le renouvellement de son arsenal et en signant le traité d'interdiction des armes nucléaires.

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29 janvier 2019 2 29 /01 /janvier /2019 16:21

Près de 150 000 manifestants se sont rassemblés en France et en Belgique les 26 et 27 janvier pour un week-end d’actions (marches, chaînes humaines, die-in, flashmobs, etc.) organisées dans une centaine de villes françaises et étrangères par des collectifs citoyens apparus cet automne et déterminés à se rassembler chaque mois. Les formations à l'action directe et non violente préparent à la désobéissance civile. La prochaine étape devrait être une grève scolaire mondiale, le 15 mars. D’après Audrey Garric, Jean-Pierre Stroobants, Richard Schittly pour Le Monde. Lire aussi Agora pour le Climat le 27 janvier 2018, Le monde ne prend pas le « tournant climatique » nécessaire pour limiter le réchauffement sous 1,5 °C et Des ONG attaquent la France en justice pour inaction climatique.

Les citoyens ressentent l’urgence climatique et sanitaire et maintiennent la pression sur les gouvernements

Ils étaient 70 000 à Bruxelles, 8 500 à Paris, 5 000 à Montpellier et Lyon, 3 500 à Grenoble, 3 000 à Nice, 2 000 à Nantes, Rennes et Toulouse – présents également dans une quinzaine d’autres pays – à dénoncer « l’inaction » des gouvernements et à exiger de leurs dirigeants des politiques ambitieuses face à l’urgence climatique, scandant un slogan devenu leur leitmotiv : « Changeons le système, pas le climat ».

« Une petite révolution » belge

A Bruxelles, le mouvement Rise for Climate Belgium, qui avait appelé à manifester, a vu ses espérances dépassées : son action visait initialement à « maintenir la pression » après une première manifestation qui avait réuni 65 000 personnes le 2 décembre 2018, à l’appel d’une « Coalition climat » regroupant des mouvements de défense de l’environnement, des ONG et des syndicats.

Depuis, des jeunes ont eux aussi défilé à trois reprises dans la capitale belge. Séchant les cours, ils étaient 35 000 réunis par le groupement Youth for Climate, jeudi 24 janvier. Ils affirment qu’ils seront encore plus nombreux jeudi 31 janvier, quand leur action sera appuyée par des étudiants des universités.

Beaucoup d’entre eux, rejoints par leurs parents et/ou leurs grands-parents, étaient en tout cas à nouveau présents dans le cortège dimanche. La manifestation comptait également des groupes de citoyens prônant des actes de désobéissance civile non violente. Quelques-uns de leurs membres ont été appréhendés à l’approche de la zone neutre, siège des institutions politiques fédérales.

Quelques délégations de partis politiques ont participé au défilé, dont celle des formations écologistes Ecolo et Groen. Actuellement dans l’opposition, ils comptent bien capitaliser sur cette mobilisation dont l’ampleur surprend tous les observateurs. Une étude menée par l’Université de Gand et l’institut néerlandais Burat indique que si la question environnementale occupe la septième place dans les préoccupations des Belges de plus de 50 ans, elle arrive en tête pour les 18-25 ans.

Manifestation pour le climat à Bruxelles, dimanche 27 janvier. YVES HERMAN/REUTERS

Manifestation pour le climat à Bruxelles, dimanche 27 janvier. YVES HERMAN/REUTERS

« Une petite révolution », selon les termes du politologue Carl Devos, qui pourrait bénéficier d’abord aux Verts lors des prochaines élections fédérales et régionales qui seront couplées, en Belgique, avec les européennes du 26 mai. Déjà en forte progression lors des municipales qui ont eu lieu en octobre 2018, les partis écologistes exploitent, en outre, les carences des partis au pouvoir, auxquels Anuna De Wever, 17 ans, figure déjà emblématique du mouvement des jeunes, a lancé un nouvel appel, dimanche.

« Je suis un peu déçue par leurs réactions, affirmait dimanche la jeune étudiante de Gand, à l’issue de la manifestation. J’ai le sentiment qu’ils ne perçoivent pas la nécessité d’agir d’urgence. Les solutions existent. Les experts indiquent qu’il faut décider maintenant, mais pour les politiques, ce n’est pas totalement clair. » Elle exhorte les dirigeants à élaborer rapidement une politique cohérente fondée sur les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) – dont le dernier, publié en octobre 2018, appelait à une action « sans précédent » pour limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Ce n’est pas la voie suivie par la Belgique. Faute d’un accord entre les quatre ministres de l’environnement du royaume début décembre, le pays s’est rangé aux côtés de la République tchèque pour tenter de rejeter les objectifs européens en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables. Ce vote, lors d’un conseil des ministres européens, a été l’un des moteurs de la contestation actuelle. Comme les incertitudes quant à la sortie du nucléaire : promise pour 2025 compte tenu, notamment, du vieillissement du parc de centrales, elle semble toujours très incertaine.

Action en justice contre l’Etat

En France, la mobilisation prend des formes différentes de la grande manifestation bruxelloise : marches multiples, agoras, chaînes humaines, flashmobs, die-in et actions non violentes dans 120 villes. « Le mouvement ne fait que s’amplifier », affirme François Dubreuil du collectif Unis pour le climat, créé en septembre 2018. Il en veut pour preuve les 2,1 millions de personnes qui ont signé la pétition soutenant l'action en justice contre l'Etat pour inaction climatique, un record. Quelques « gilets jaunes » étaient visibles parmi la foule dans plusieurs villes, venus partager leur préoccupation écologique en défendant un référendum d’initiative citoyenne sur le sujet.

A Paris, c’est Place de la République que s’est tenue l’Agora pour le climat, le 27 janvier. RAFEL YAGHOBZADEH / AP

A Paris, c’est Place de la République que s’est tenue l’Agora pour le climat, le 27 janvier. RAFEL YAGHOBZADEH / AP

« Nous sommes ceux qui regardons la réalité en face »

8 500 personnes ont participé à un Grand Débat place de la République à Paris dimanche 27 janvier, lors d’une après-midi d’« agora », afin de proposer des pistes d’action dans la lutte contre le dérèglement climatique, au niveau local et global. Mais c’était leur grand débat à eux, ni voulu ni encadré par le gouvernement. Au contraire, ceux qui se rassemblaient souhaitaient dénoncer l’inaction des Etats contre le changement climatique. « Plus chaud, plus chaud que le climat », les manifestants ont bravé la pluie et le froid.

 

« Face à l’urgence climatique, avez-vous vu des actions du gouvernement ? La politique des petits pas ne suffit pas ! », ont lancé les cinq collectifs citoyens organisateurs (Alternatiba, le Collectif citoyen pour le climat, Unis pour le climat, Rise for climate et Il est encore temps), qui cherchent à maintenir la pression. Les citoyens, de tous âges et toutes professions (dont une majorité d’étudiants), étaient appelés à débattre, d’abord en binôme, puis à quatre et enfin à huit, dans le cadre de cinq ateliers thématiques : « Fin du monde, fin du mois », « Changer sa ville », « Mobilisation étudiante et lycéenne », « Le grand débat » et « Désobéir pour le climat ».

« Bloquer des institutions »

« J’ai du mal à croire que l’on va faire bouger les choses en discutant. Je commence à m’imaginer bloquer des institutions et des points de passage, comme le fait Extinction Rebellion à Londres », lance Xavier Capet, 45 ans, océanographe à l’Institut Pierre-Simon Laplace, en référence au mouvement de désobéissance civile créé en novembre au Royaume-Uni et qui essaime partout dans le monde. « Avoir des scientifiques au sein de ce mouvement permet de le légitimer de manière institutionnelle », ajoute-t-il. « Je suis d’accord, mais c’est risqué dans le climat de répression actuel, avec les forces de l’ordre qui usent de fumigènes ou de Flash-Balls », prévient Laurent Le Guyader, un électronicien de 56 ans, ancien « faucheur volontaire » d’OGM.

Plus loin, sous une autre tente, on s’interroge sur comment « consommer moins et mieux ». Valentine, libraire de 23 ans à Paris, défend le modèle de la Louve, un supermarché coopératif du 18e arrondissement de la capitale. « On devrait multiplier ce type d’initiatives, pour accéder à des produits bio et locaux peu chers », affirme la jeune femme, qui se dit prête à y « bosser deux heures par semaine ». « Dès que l’on s’éloigne de Paris, c’est difficile d’adopter un mode de vie écolo », rétorquent Rebecca, Johanne, Augustin et Michaël, un groupe d’étudiants en première année de HEC.

Sur leur campus de Jouy-en-Josas (Yvelines), ils ont développé des paniers bio et remplacé les gobelets en plastique par des verres réutilisables. « Ce n’est pas parce qu’on étudie dans une école de commerce que l’on est tous des capitalistes débridés », s’amusent les deux jeunes filles, qui se destinent à l’entreprenariat social et l’action publique.

Sensibiliser les enfants pour toucher les adultes

Autre grande école, autre lutte : Djamila Vuilleumier-Papaloïzos et Alexia Beaujeux, deux étudiantes en urbanisme à Sciences po, ont créé en janvier 2018 l’association Villes & décroissance, qui réfute l’idée que « développement et durabilité puissent être compatibles ». « On nous apprend à imaginer des politiques publiques pour agrandir les villes ou accroître les déplacements mais pas comment réduire les émissions de gaz à effet de serre », regrette Alexia, 22 ans, qui propose, entre autres, de stopper la métropolisation et de relocaliser la production de nourriture dans les villes.

Les familles ne sont pas en reste : à l’atelier « kids », animé par l’association Little citizens for climate, créée en novembre, on cherche à sensibiliser les plus jeunes pour toucher les adultes. « Notre idée, c’est de donner aux enfants une tribune et d’agir dans les écoles, avec les enseignants, pour montrer ce que l’on peut faire à notre niveau », expliquent Stéphane et Anne Dierick, un informaticien et une médecin investis dans le Collectif citoyen pour le climat. « Les solutions, c’est le zéro-déchet, manger moins de bœuf, utiliser les transports en commun, acheter d’occasion », récitent leurs enfants, Pauline, 12 ans, Lucie 9 ans et Baptiste, 6 ans.

« S’approprier » le grand débat national

A l’issue de trois heures de débat, on convient d’occuper des mairies, de changer de banque « tous en même temps », de récupérer la nourriture non consommée dans les supermarchés et les écoles, de taxer les logements énergivores et les entreprises polluantes, de dénoncer les magasins qui n’éteignent pas la lumière, d’occuper le nouveau site d’Amazon en France, de permettre un accès moins cher au bio, ou d’organiser des conférences dans les établissements scolaires avant la grève internationale des étudiants prévue le 15 mars.

Quant au grand débat national, les citoyens ont décidé de « s’approprier le questionnaire » jugé « trop orienté » et aux « thématiques trop restreintes » en faisant leurs propres propositions. « Il y a aussi l’idée de se rassembler dès que possible avec la famille, les amis, les voisins, les collègues pour débattre, ainsi qu’avec les gilets jaunespour trouver des points de convergence », précise Gabrielle Valente-Le Pors, professeure des écoles à Meudon (Hauts-de-Seine), qui a modéré l’atelier « Le grand débat ».

« Dès demain, j’espère que vous passerez à l’action. Il faut enclencher un vrai rapport de force », a lancé à la foule Victor Vauquois, l’un des fondateurs de la campagne « Il est encore temps » des youtubeurs engagés pour la protection de l’environnement. « On vous traite de radicaux, d’illuminés, d’extrémistes ou d’utopistes, poursuit-il. Mais ce que nous ont appris des milliers de scientifiques, c’est que nous sommes les gens raisonnables, ceux qui regardent la réalité en face. »

A Marseille, plusieurs centaines de personnes ont participé à deux flashmobs, restant figées durant cinq minutes, pour symboliser l’immobilisme de la société face à l’urgence climatique, avant de chanter « Nous, nous changerons ».

« On veut respirer », clament ces manifestants à Lyon dimanche 27 janvier, pour enjoindre aux autorités d’agir pour le climat. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

« On veut respirer », clament ces manifestants à Lyon dimanche 27 janvier, pour enjoindre aux autorités d’agir pour le climat. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

A Lyon, les manifestants, toutes générations confondues, ont constitué une immense chaîne humaine, encerclant complètement la presqu’île entre le Rhône et la Saône. Deux grandes banderoles noires emmenaient les défilés étirés sur plusieurs kilomètres. « Lyon suffoque » disait l’une ; « On veut respirer », répondait l’autre. « On veut démontrer à quel point le climat préoccupe la population, et pas seulement une poignée de bobos », explique Maxime Forest, 25 ans, membre d’Alternatiba, l’un des principaux mouvements organisateurs, qui propose de limiter les voitures dans le centre des villes, et de programmer la fin du diesel et de l’essence.

Grève scolaire mondiale

La pollution de l’air était au cœur de la plupart des conversations. Les associations de défense de l’environnement réclament l’expérimentation d’une journée par mois sans voiture en ville. « Il est grand temps de faire quelque chose, on pense à nos enfants, nos petits-enfants, les décisions politiques ne sont pas à la hauteur de l’enjeu », estime Pierrette, 65 ans, venue d’Oullins avec un masque sur la bouche, décoré en papillon et portant le message : « Je ne veux pas disparaître ».

Dans tous les rassemblements, chacun avait en tête la prochaine étape : l’appel à une grève scolaire mondiale, le 15 mars, lancé par l’adolescente suédoise Greta Thunberg. Elle sera suivie par une journée internationale de mobilisation le 16 mars.

Les citoyens ressentent l’urgence climatique et sanitaire et maintiennent la pression sur les gouvernements

Extinction Rebellion se prépare à « entrer en résistance » en France

C’est un logo qui devient viral sur les réseaux sociaux : un sablier à l’intérieur du cercle de la Terre, peint en noir. Cet emblème est celui d’Extinction Rebellion, un mouvement actif depuis novembre 2018 au Royaume-Uni, qui appelle à la désobéissance civile pour dénoncer la passivité des gouvernements face à la crise écologique et climatique.

Blocages des ponts de Londres, interruption du trafic automobile ou obstruction d’un ministère : ces militants, qui luttent de manière radicale mais non violente, sont prêts à risquer la prison pour se faire entendre. Leur message a rapidement séduit : 40 000 personnes ont désormais rejoint le mouvement dans 119 pays, dont la France.

« Le succès du mouvement est lié à l’urgence de la situation. Nous sommes en rébellion pour changer l’ensemble du système et non le climat », affirme Tina, d’Extinction Rebellion Royaume-Uni. Le soutien de la jeune Suédoise Greta Thunberg, qui a lancé un mouvement international de grève scolaire pour le climat, a contribué à populariser Extinction Rebellion, notamment auprès des plus jeunes. Et l’appui de 200 universitaires et intellectuels (dont le linguiste américain Noam Chomsky et l’essayiste canadienne Naomi Klein) lui a donné ses lettres de noblesse.

« On tente de contourner les GAFA »

En France, plus de mille militants sont désormais inscrits sur le forum interne, hébergé sur un serveur privé et alimenté par des énergies renouvelables. « Les services de messagerie et de partage de documents ont tous été décentralisés pour éviter que nos données soient récupérées par les autorités, et aussi parce que l’on tente de contourner les GAFA [les entreprises les plus puissantes d’Internet, Google, Apple, Facebook et Amazon] », explique Armelle, 26 ans, l’une des membres d’Extinction Rebellion France, « XR » comme tous le surnomment. 

Des citoyens se forment à la désobéissance civile à l’appel du mouvement Extinction Rebellion France. Julien Daniel

Des citoyens se forment à la désobéissance civile à l’appel du mouvement Extinction Rebellion France. Julien Daniel

« Déclaration de rébellion »

Dans les conversations en ligne, les « rebelles », sous pseudos, débattent pour savoir si le mouvement est anticapitaliste, quelle convergence est possible avec les « gilets jaunes » ou comment « faire bouger les lycées ». On s’échange des articles, on organise des rencontres, on se répartit les groupes de travail (actions et logistique, coordination internationale, arts ou médias et messages). Surtout, on prépare les actions à venir, c’est-à-dire l’entrée en résistance concrète.

Elle aura lieu le 24 mars, officialisée par une « déclaration de rébellion », en présence d’activistes et de personnalités écologistes qui liront les revendications à tour de rôle. Comme outre-Manche, les Français demandent aux gouvernants de reconnaître la gravité des crises actuelles, de réduire immédiatement les émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2025 et de créer une assemblée citoyenne chargée de décider des mesures à mettre en place pour atteindre ces objectifs. S’y ajoute une quatrième revendication propre à l’Hexagone : l’arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques, terrestres et aériens.

« Faire perdre de l’argent au système »

« Les actions débuteront de une à deux semaines après cette déclaration pour ne plus s’arrêter, dans une logique d’escalade de la rébellion », explique Damien, 25 ans, un autre membre d’« XR » France. Comme à Londres, ils imaginent bloquer et occuper l’espace public, détourner des publicités ou immobiliser des voitures. « L’idée finale, c’est quand même de cibler les lieux de pouvoir, comme par exemple le quartier de la Défense à Paris ou des banques, pour déranger l’économie et le système, lui faire perdre du temps et de l’argent », poursuit Damien.

En parallèle des grandes opérations spectaculaires, Extinction Rebellion incite à la multiplication des actions locales et spontanées, à partir du moment où trois personnes sont d’accord. « On se veut un mouvement très décentralisé, horizontal, sans porte-parole et accessible à tous », avance Damien. Une manière de recruter largement des profils de tous âges (même si les jeunes sont majoritaires) et de tous métiers (ingénieur, psychologue, maraîcher, artiste, etc.) Tous s’attellent déjà à la préparation de la Semaine internationale de la rébellion, prévue mi-avril. L’insurrection est lancée.

Face à l’urgence climatique, les militants se tournent vers la désobéissance civile

L’action directe s’est démocratisée. Elle attire de plus en plus de citoyens, qui veulent inverser le rapport de force et retrouver un collectif. Avec l’arrivée de cette armée de militants prêts à aller en prison pour leur cause, mais aussi la contestation sociale des « gilets jaunes », les stages de désobéissance civile font le plein. « Les gens veulent savoir comment réagir face aux violences policières et au contexte de tensions. On organise désormais des stages tous les week-ends, contre une fois par mois auparavant », constate Rémi Filliau. Le jeune homme de 35 ans appartient au collectif des Désobéissants, qui a formé près de 2 000 personnes depuis sa création en 2006 par un ancien de Greenpeace.

Apprentissage des techniques pour ralentir l’évacuation par les forces de l’ordre. JULIEN DANIEL

Apprentissage des techniques pour ralentir l’évacuation par les forces de l’ordre. JULIEN DANIEL

Agir de manière non violente et à visage découvert est « essentiel », juge-t-il. Il invoque des raisons éthiques : « On ne peut pas construire un monde plus juste en utilisant des moyens injustes. » Mais aussi d’efficacité, pour recruter largement, en dehors des cercles militants traditionnels : « La violence dissuaderait beaucoup de gens de nous rejoindre. Or plus nous sommes nombreux, plus nous avons du poids et plus nous pouvons créer un rapport de force avec nos adversaires. »

Car c’est bien là la spécificité du mouvement actuel : la démocratisation de l’accès à la désobéissance civile, un concept imaginé par le philosophe, naturaliste et poète américain Henry David Thoreau au milieu du XIXe siècle.

« On se met physiquement en danger »

Les stagiaires ont de 18 à 75 ans, dont une majorité de jeunes et de femmes. Certains ont déjà milité, voire participé à des actions, mais tous cherchent à « aller plus loin » dans leur engagement. Il y a Carolina Granado Torres, 24 ans, étudiante catalane en master d’histoire et de philosophie des sciences à Paris, qui considère que les « actions individuelles, même si elles sont importantes, ne changent pas grand-chose » : « C’est une façon pour les gouvernements de ne pas agir, assure-t-elle. Nous devons changer le système capitaliste. »

Il y a aussi Valérie, 47 ans, libraire-épicière en Corrèze, qui a fait sa « première manif écolo à l’âge de trois semaines » mais a « l’impression que rien n’a avancé depuis quarante ans dans la protection de l’environnement ». Comme d’autres, elle se demande jusqu’où aller dans la désobéissance civile. « J’ai un gamin de 8 ans », justifie-t-elle. « C’est un gros engagement, qui a un coût émotionnel, économique, en temps et en responsabilité, abonde Paul (le prénom a été changé), un ingénieur de 26 ans. On se met physiquement en danger. Je dois réfléchir à quels risques je suis prêt à prendre. »

Le premier exercice apporte un début de réponse. Les stagiaires doivent se positionner en fonction de leur adhésion ou non aux actions proposées. S’allonger par terre devant l’Elysée pour symboliser les morts du changement climatique ? « Cela nécessiterait une action de masse pour que je le fasse et que je prenne le risque d’une garde à vue », affirme Véronique, une ingénieure dans la gestion de l’eau. Hélène, de l’équipe médias d’Extinction Rebellion, est plus confiante et table sur « un écho médiatique intéressant ». Taguer une pub d’EDF ? « On ne sait plus quel message on fait passer : contre la pub ou contre EDF », juge Paul.

L’humour pour « désarmer l’adversaire »

Le formateur dévoile ensuite un éventail de techniques utiles lors des actions pour ralentir l’évacuation par les forces de l’ordre : « la tortue » ou « le petit train » qui consistent à s’emmêler bras et jambes, « le poids mort » ou le fait de s’enduire de peinture. L’humour est également un outil efficace afin de « désarmer l’adversaire » et s’attirer « la sympathie de l’opinion publique », explique Rémi Filliau.

L’humour est un outil efficace afin de « désarmer l’adversaire » et s’attirer « la sympathie de l’opinion publique », explique le formateur Rémi Filliau, du collectif des Désobéissants. JULIEN DANIEL

L’humour est un outil efficace afin de « désarmer l’adversaire » et s’attirer « la sympathie de l’opinion publique », explique le formateur Rémi Filliau, du collectif des Désobéissants. JULIEN DANIEL

Au-delà de la méthodologie, c’est aussi une quête du collectif que viennent chercher les stagiaires. « Je vois la désobéissance civile comme un moyen de ne pas rester inactif ou résigné, mais aussi d’éviter de déprimer grâce à la rencontre de personnes qui ont le même engagement », témoigne Phillip Shapiro, un informaticien de 60 ans, venu d’Auray (Morbihan).

« L’élément moteur, c’est de retrouver la montée d’adrénaline, avec des actions théâtralisées et souvent spectaculaires, comme interrompre une assemblée générale d’un groupe du CAC 40. C’est plus stimulant et amusant que de faire une énième fois le trajet République-Bastille, à Paris, avec le camion de la CGT et les merguez », analyse Manuel Cervera-Marzal, postdoctorant à l’université Aix-Marseille, qui a réalisé une thèse sur la désobéissance civile.

« Une méthode qui montre des résultats »

Un engagement d’autant plus attirant qu’il est devenu accessible et non plus réservé aux militants les plus chevronnés. Depuis 2015, des ONG comme Alternatiba (avec sa branche de désobéissance civile ANV-COP21), Les Amis de la Terre ou 350.org ont développé des formations faciles à mettre en place et à reproduire, sorte de kits pour apprentis désobéissants.

De début juin à début octobre 2018, l’association a organisé son Tour Alternatiba, 5 800 km à vélo à travers la France, qui a donné lieu à 105 formations à l’action non violente, rassemblant près de 2 500 participants. Elles ont débouché sur la création d’une quarantaine de nouveaux groupes d’action locaux ANV-COP21. Et sur une mise en pratique immédiate, avec 253 actions de « nettoyage », balais et éponges à la main, menées de septembre à décembre devant les locaux de la Société générale pour protester contre son financement des énergies fossiles.

 « Les gens ont désormais confiance dans une méthode qui montre des résultats », justifie Elodie Nace, la porte-parole d’Alternatiba France. Au-delà de la légendaire occupation du plateau du Larzac dans les années 1970 ou du mouvement des « faucheurs volontaires » anti-OGM, elle cite, plus récemment, la décision de la banque BNP Paribas de ne plus soutenir les énergies fossiles les plus sales, en octobre 2017, ou l’abandon du projet d’autoroute 45 entre Lyon et Saint-Etienne, en octobre 2018.

« Ce n’est pas seulement grâce à la désobéissance civile, prévient-elle, mais aussi au travail de plaidoyer pour proposer des revendications concrètes et des alternatives crédibles. » Grâce également à la mobilisation citoyenne plus classique. Manuel Cervera-Marzal résume : « C’est souvent parce qu’on participe aux marches qu’on veut ensuite aller plus loin. »
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25 janvier 2019 5 25 /01 /janvier /2019 15:59

Ce week-end, une grande agora citoyenne aura lieu place de la République pour préparer la suite des marches pour le climat. Festive et familiale, cette agora sera l’occasion de présenter les réalisations et les engagements des écolos mais aussi de participer à l’ébullition citoyenne et militante. Il y sera question de notre combat : La forêt de Romainville, un enjeu écologique et politique. Rendez-vous dimanche 27 janvier à 13h30 Place de la République. Lire aussi Le monde ne prend pas le « tournant climatique » nécessaire pour limiter le réchauffement sous 1,5 °C, Des ONG attaquent la France en justice pour inaction climatique et Marche pour le climat, Défendons la forêt de la Corniche des Forts.

Agora pour le Climat le 27 janvier 2018

Evenement Facebook à partager : https://www.facebook.com/events/303148756976205/ Référente : Léa Balage (06 85 97 70 81)

Programme de l’Agora pour le Climat

13h30 : accueil Place de la République

14h : lancement des commissions et ouverture des animations sur place (“Place aux Jeunes” et “Kiosque des Sciences”)

  • Fin du monde, fin du mois ? par Greta Thunberg
  • Changer Paris et l’Ile de France Comment faire en sorte que Paris et l’Ile de France relèvent le défi climatique ? Suivi du Plan Climat, lutte contre la pollution de l’air, luttes locales franciliennes (triangle de Gonesse, forêt de Romainville, projet d’incinérateur d’Ivry…)
  • Mobilisations étudiantes et lycéennes Comment accompagner et amplifier les mobilisations estudiantines pour le climat ?
  • Le Grand Débat, c’est nous Comment faire de la justice sociale et climatique LE sujet du grand débat ? 
  • Désobéir pour le climat ? Pourquoi une stratégie non-violente ? Comment être de plus en plus nombreux.euses à passer à la désobéissance civile pour la justice climatique Comment accompagner la société française de manière juste et inclusive sur les enjeux climats ?climat, notamment la grève mondiale du 15 mars lancée ?

15h30 : prises de paroles

16h15 : retours des commissions

17h : concert

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25 janvier 2019 5 25 /01 /janvier /2019 09:05

Développée aux États-Unis dans les années 1950, la fabrication de neige artificielle s’est répandue en Europe depuis une trentaine d’années. En France, la neige de culture, utilisée sur 120 hectares au milieu des années 1980, s’étendait vingt ans plus tard sur plus de 4 500 hectares, soit 18 % de l’ensemble du domaine skiable. Depuis, l’industrie de l’or blanc n’a cessé de mettre de nouvelles installations en service, menaçant l’ensemble du cycle hydrologique naturel, et désormais jusqu’à la production d’eau potable. Par Marc Laimé, le 21 janvier 2019 pour son blog « Carnet d’eau » sur mondediplo.net. Lire aussi La corruption du marché des eaux usées remonte à la surface en Île-de-France et La politique de l’eau dans la ligne de mire de la réforme des politiques publiques.

Dans les Alpes, la neige artificielle menace l’eau potable

Dans les Alpes, le réchauffement des températures, estimé entre 1,6°C et 2,2°C depuis 1950, s’est accéléré depuis la fin des années 1980, entraînant la fonte des glaciers et la diminution de l’enneigement au sol, à raison de vingt-cinq jours de moins par an, en moyenne.

Au début des années 2010, le Conseil général de l’Isère finance à hauteur de 100 000 euros les travaux de restructuration d’une piste de ski au sein de la station de sports d’hiver de Chamrousse. La communauté de communes du Grésivaudan, à laquelle appartient Chamrousse, a pour sa part accordé à ces mêmes travaux une subvention de 450 000 euros.

Dépassant les 10 millions d’euros, le coût des aménagements, justifié par l’objectif de « diversifier et rajeunir sa clientèle », provoque en juillet 2016 une pollution des sources qui alimentent en eau potable cinq communes voisines de Chamrousse, dont Herbeys. La consommation de l’eau du robinet est interdite durant près d’une semaine.

Pour réaliser ces travaux de grande ampleur, terrassements, défrichage, construction de bâtiments etc, la société des remontées mécaniques de Chamrousse n’a pas craint d’enfreindre une Déclaration d’utilité publique (DUP), qui interdit précisément tous les aménagements précités dans cette zone située, pour l’essentiel, dans les périmètres de protection immédiate et rapprochée des sources de Fontfroide.

Nullement rebutée par l’incident, la commune de Chamrousse, soutenue par la Caisse des dépôts et consignations, se lance, un an plus tard, dans un vaste projet de « requalification urbaine et développement économique du secteur du Recoin », qui menace à nouveau la pureté des sources de Fontfroide. En effet, la « retenue collinaire » de la Grenouillère va alimenter pour partie l’usine de fabrication de neige artificielle, à partir d’une eau de qualité médiocre. La raison : en infraction, là encore, avec un arrêté préfectoral de 2009 qui a autorisé sa construction, la Grenouillère est alimentée, non seulement par l’eau de deux ruisseaux — conformément au texte —, mais aussi par des eaux de pluie et de ruissellement, ce que l’arrêté ne prévoit nullement.

Ainsi, la retenue contribuera à fournir de l’eau pour des canons à neige d’ores et déjà implantés tout au long de la piste Olympique, jusqu’au périmètre de protection rapprochée des captages. Signalons au passage que, alors que la station compte d’ores et déjà deux « retenues collinaires » le lac des Vallons et la Grenouillère, chacune d’une capacité de 45 000 mètres cubes, la commune de Chamrousse envisage la construction d’une troisième retenue, dans le secteur de Roche Béranger, qui doublerait à elle seule la capacité de stockage.

Canon à neige

Canon à neige

Ainsi, dans un premier temps, et à l’issue d’une enquête publique menée au pas de charge, et en catimini, en 2016, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), la Direction départementale des territoires (DDT) comme l’Agence régionale de santé (ARS) ont fait à plusieurs reprises référence à la DUP de 1995 pour finalement accorder, à l’unisson, leur aval aux travaux précités… pourtant strictement interdits par ce texte censé être protecteur. Mais lorsque les habitants d’Herbeys et des communes voisines mesurent la situation, les délais de recours devant la justice administrative sont déjà dépassés.

Ce n’est pas le cas lors de la nouvelle enquête publique sur les projets concernant le Recoin, dont les conclusions sont attaquées en mars 2018 devant le Tribunal administratif par l’Association de sauvegarde des eaux de Casserousse (ASEC), une association de riverains créée après les travaux de restructuration de la piste de Casserousse et l’épisode de pollution. Deux cent personnes se mobilisent. Leur action paraît d’autant plus légitime que Grenoble-Alpes Métropole, gestionnaire des captages depuis janvier 2015, a fait parvenir à la Commissaire-enquêtrice une note dans laquelle la collectivité exprime ses inquiétudes quant aux répercussions du projet sur la qualité de l’eau potable.

À raison, comme le souligne Jacques Derville, résident de la commune d’Herbeys et président de l’ASEC : « En décembre 2016, l’hydrogéologue-agréé mandaté par l’ARS écrivait dans son rapport final consacré aux mesures complémentaires exigées par la pollution persistante des sources : “Cette retenue [la Grenouillère] doit être considérée comme une ressource sensible.” »

L’alimentation de la Grenouillère par les eaux de pluie et de ruissellement est déjà effective, en violation de l’arrêté préfectoral de 2009, des engagements de Chamrousse, et des préconisations de l’hydrogéologue-expert mandaté par l’ARS. Or la commune de Chamrousse a saisi l’opportunité des travaux au Recoin pour attribuer à la Grenouillère un rôle central : - « Le bassin collecte naturellement les ruissellements du secteur ». - « Les eaux stockées dans le bassin de la Grenouillère sont pompées et refoulées vers le lac des Vallons, lequel alimente le réseau d’enneigement artificiel de la station ». - « Le système des eaux pluviales déjà mis en place (...) permettra de diriger la quasi-totalité des eaux de ruissellement du Recoin vers le bassin de la Grenouillère ».

Et que nous apprend le compte-rendu du conseil municipal de Chamrousse du 3 octobre 2017, destiné à lever les réserves de la Commissaire-enquêtrice ? Que le dispositif de traitement par phytoépuration n’est pas sûr, d’une part. Que la pollution du bassin risque d’être sévère puisque la commune reconnaît que « la fauche annuelle du filtre pourrait être évacuée suivants (sic) les teneurs accumulés (sic) dans les plantes », d’autre part.

L’eau stockée dans le bassin de la Grenouillère sert donc à fabriquer de la neige de culture, une neige qui sera ensuite dispersée jusqu’au bas de la piste olympique, à l’intérieur du périmètre de protection rapprochée du captage… Les sources se trouvent par conséquent exposées au risque d’une nouvelle pollution, ne serait-ce qu’à l’occasion d’une contamination accidentelle de l’eau utilisée pour la neige artificielle.

Dans un rapport de l’AFFSET daté de 2008, les risques permanents liés à l’usage de la neige artificielle étaient déjà soulignés :

« Considérant la vulnérabilité aux pollutions des aquifères et des captages d’eau potable en zone de montagne, notamment ceux localisés au sein des domaines skiables, voire à proximité immédiate des pistes, les experts mentionnent que la fonte d’une neige de culture de mauvaise qualité microbiologique peut impacter la qualité sanitaire de l’eau destinée à la production d’eau destinée à la consommation humaine ».

L’association décide aussi d’adresser un « recours hiérarchique » à la ministre de la santé, Mme Agnès Buzin, et demande à M. Olivier Véran, neurologue, député grenoblois LREM et rapporteur général du budget des affaires sociales, de bien vouloir le transmettre au cabinet de la ministre. Contenant des critiques en règle de l’ARS, ce courrier ne quittera jamais Grenoble. Un autre recours, adressé cette fois à M. Nicolas Hulot, tout aussi critique à l’égard des services de l’État, subira le même sort.

Dans le même temps, en réponse à un courrier du député, l’ARS ne craint pas d’affirmer, dans une lettre signée par le préfet, que ce qu’il convient de faire désormais, c’est de... veiller à la bonne application de la DUP de 1995 ! Eu égard aux lenteurs de la justice administrative, les usagers décident dès lors de déposer, à la rentrée 2018, une plainte devant la justice pénale. Pour l’étayer, ils sollicitent la communication des résultats d’analyses effectuées dans la retenue d’eau concernée, dite de la Grenouillère.

Un document révélateur. Il mentionne plusieurs points de prélèvements « dans le lac », en omettant de préciser où Ils sont précisément situés. On espère que ce n’est pas à proximité d’un des deux ruisseaux alimentant la retenue, comme le tuyau d’alimentation collectant les eaux de ruissellement du Recoin de Chamrousse, tuyau qui y a été installé en dépit de l’avis négatif de l’hydrogéologue agréé et mandaté par l’ARS elle-même.

Autre étrangeté, ledit rapport mentionne que l’analyse des prélèvements effectués atteste que l’eau est conforme à la « qualité baignade », alors même qu’un panneau bien en évidence au bord de la retenue stipule… que la baignade y est interdite. Et sans compter que les critères de qualité des eaux de baignade n’ont rien à voir avec ceux de l’eau potable.

Là encore, l’ARS n’y trouve rien à redire, et se montre très rassurante, alors qu’un profane voit immédiatement que plusieurs résultats sont « en dehors des clous » et paraissent inquiétants pour la santé publique. Nos usagers découvrent ensuite que les prélèvements effectués à la demande de l’ARS ont en réalité été effectués par un laboratoire privé, mobilisé par Veolia qui gère l’eau potable dans la station.

Début décembre 2018, l’association d’usagers sollicite l’ensemble des acteurs concernés pour organiser une réunion publique dans le village d’Herbeys, afin d’y évoquer les risques de pollution de l’eau par la neige artificielle. Dans les quarante-huit heures qui suivent, l’ARS et les services de l’eau de Grenoble-Alpes-Métropole lui adressent les éléments qu’elle réclamait en vain depuis de longs mois, précisant de surcroît que le nombre d’analyses sera sensiblement augmenté, et porté à… un prélèvement par mois en période de fonctionnement des canons à neige.

L’environnement au risque de l’artificialisation

Lac artificiel pour alimenter les canons à neige

Lac artificiel pour alimenter les canons à neige

En 2016, les stations de ski françaises diffusaient déjà l’équivalent de 600 litres de neige artificielle par seconde pour produire 19 millions de mètres cubes de neige artificielle chaque année. Le procédé est simple : il consiste à expulser de l’eau dans l’air ambiant par l’intermédiaire de canons à neige ou de perches lorsque la température est négative, afin qu’elle se transforme en cristaux de glace avant d’atteindre le sol.

Pour ce faire, l’eau est mise en contact avec des « germes » (1) fabriqués en mélangeant eau et air comprimé. Le liquide va alors se fractionner en micro gouttelettes qui vont rapidement geler. Elles doivent être minuscules, environ 0,5 mm, pour pouvoir geler le plus vite possible. Et ce sont ces cristaux que l’on va mélanger à nouveau avec de l’eau pour la faire geler elle-même. Le résultat sort des canons à neige sur les pistes.

Le fonctionnement des canons mobilise de très importantes ressources en eau. Il faut 1 mètre cube d’eau pour 2 mètres cube de neige, ce qui, pour un hectare de neige fabriquée sur une épaisseur de 60 cm, nécessite 4 000 mètres cubes d’eau, soit un peu moins de deux piscines olympiques à l’hectare. Ces installations sont tout aussi gourmandes en énergie : 10 000 canons à neige consomment 108 millions de kWh (2).

La production à cette échelle nécessite donc d’énormes quantités d’eau et d’énergie. Cela nécessite de construire des canalisations, des centrales, installer des canons le long des pistes, engendrant de très lourds investissements, avec un impact majeur sur la ressource en eau. Deux solutions s’offrent aux collectivités : soit créer des retenues d’eau, aux dépens de zones humides, soit prélever dans les barrages ou les lacs de montagne au risque d’entrer en conflit avec d’autres usages de l’eau. Sachant qu’il fait parfois trop chaud pour que les canons à neige puissent fonctionner correctement.

Les premiers canons sont apparus dans les Vosges à la fin des années 1960. Mais c’est surtout à partir du début des années 1990, après trois hivers sans neige, que les stations ont commencé à s’équiper massivement.

En 2009, un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) estimait à 20 % le nombre de pistes équipées de canons à neige. « Cette dynamique s’est non seulement poursuivie mais accélérée, assure Pierre Spandre, chercheur à l’Irstea. Dorénavant, 30 % des surfaces de pistes sont équipées, et d’après nos estimations, ce chiffre devrait grimper à plus de 40 % en 2020. »

Pour éviter des conflits autour de la ressource en eau, les nivoculteurs ont trouvé la parade : la multiplication de « retenues collinaires », qui stockent l’eau de pluie ou de ruissellement depuis la saison précédente.

Une étude de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, portant sur plus d’une centaine de stations dotées de canons à neige, a confirmé que cette eau est puisée pour moitié dans des retenues artificielles aménagées à cet effet — les « retenues collinaires » alimentées par des ruisseaux ou par pompage —, mais aussi, pour 30 %, dans les cours d’eau eux-mêmes et, pour les 20 % restants, dans les réseaux d’eau potable. Même si les cas de pénurie d’eau demeurent rares jusqu’à présent, cette situation risque de conduire à des difficultés d’approvisionnement pendant la saison hivernale, au moment où les cours d’eau sont à l’étiage et où la fréquentation touristique des stations culmine, selon nombre d’experts.

S’il fallait à l’avenir enneiger l’ensemble du domaine alpin, ce sont en effet près de 100 millions de mètres cube qui devraient être mobilisés, l’équivalent de la consommation annuelle d’une agglomération de 1,5 million d’habitants.

Or la multiplication de ces bassins d’altitude n’est pas sans conséquences. Portant atteinte au paysage, ces retenues sont souvent construites sur des zones humides, dont l’utilité pour le bon fonctionnement des écosystèmes est reconnue. « Construites sur des terrains qui ne sont pas forcément stables, ces retenues peuvent présenter des risques pour la sécurité en cas de défaut de surveillance », ajoute Michel Badré.

Paul Voirin, résident dans la petite station de Carroz d’Arrache, s’interroge quant à lui sur d’autres sources de pollutions potentielles :

« Certains captages d’eau de notre commune sont situés à proximité des pistes et ne semblent avoir nécessité jusqu’à aujourd’hui aucune obligation de contrôle spécifique lié à ce type d’activité.

Étant moi-même “ski-man”, je me rends bien compte de la quantité importante de paraffine et autres produits d’entretien que je mets sur les skis. Depuis quelques années, on trouve des farts à base de graisse animale mais leurs effets sur la santé et l’environnement sont-ils vraiment meilleurs que les farts “classiques” ? De plus, leur usage reste minoritaire à ce jour.

Par ailleurs, les remontées mécaniques de la station nécessitent l’utilisation de graisses qui se dispersent progressivement dans l’environnement, d’où le besoin de graisser régulièrement. L’usure des pièces, notamment les galets, crée de la poussière qui s’infiltre dans les sols. Ces deux éléments sont d’ailleurs clairement visibles l’hiver avec les traces noires présentes sous les pylônes de télésiège.

On peut également penser aux explosifs utilisés par les pisteurs ou encore les polluants émis par les dameuses (graisses et résidus de carburant, poussières d’usure des matériaux, etc.)

Toutes ces sources potentielles de pollution devraient conduire à s’interroger quant à la qualité de nos ressources en eau. »

2016 : Laurent Wauquiez investit 50 millions d’euros dans la neige artificielle

La région Auvergne Rhône-Alpes va investir 50 millions d’euros dans les six ans à venir pour aider les stations de ski à équiper leurs pistes en enneigement artificiel, annonçait-elle le 2 mai 2016.

« L’objectif, c’est de générer un plan d’investissement sur la neige de 200 millions d’euros. La région apportera 50 millions sur la durée du mandat, dont 10 millions en 2016 », déclarait à l’AFP Laurent Wauquiez, président (LR) de la région, à l’occasion du lancement du plan « neige stations » à Lans-en-Vercors (Isère). La région financera 25 % des investissements portant sur l’enneigement artificiel et proposera aux départements de faire de même. « L’Isère a donné son accord pour apporter un euro à chaque euro versé par la région », précisait Laurent Wauquiez.

En France, un tiers des pistes environ sont équipées en canons à neige, soit deux fois moins qu’en Autriche, précisait Domaines skiables de France (DSF), qui fédère plus de 200 opérateurs de remontées mécaniques dans l’hexagone. Faute de neige, beaucoup de stations n’avaient pas pu ouvrir les pistes lors des dernières vacances de Noël, hormis les stations d’altitude et celles équipées en neige artificielle.

Pour Laurent Wauquiez, il s’agit de « soutenir les stations modestes qui, si elles n’ont pas d’enneigeurs, sont condamnées » en raison du réchauffement climatique. « On croit vraiment à la vocation du ski dans la région. On est la région qui doit défendre la montagne en France », poursuivait le président de l’exécutif régional, parlant d’une « rupture très claire » avec l’ancienne majorité de gauche qui prônait le tourisme doux sur quatre saisons.

« Nous, on faisait le plan montagne 2040. Eux, c’est la version 1970. C’est de la rétro innovation », réagissait Claude Comet, ancienne conseillère régionale écologiste chargée de la montagne, citée dans Le Dauphiné Libéré. En mars, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, présidée par Christian Estrosi (LR), avait pour sa part annoncé un plan de 100 millions d’euros « afin de créer la nouvelle génération des stations de demain », qui comprend notamment les équipements en neige.

Une sévère mise en garde de la Cour des comptes

Dans son rapport annuel rendu public en février 2018, la Cour des comptes constatait que ses précédentes recommandations émises en 2011 à l’adresse des stations de ski ont été « peu entendues ». Confrontés au déficit de neige, les gestionnaires ne miseraient pas suffisamment sur le développement durable. Partant d’un constat connu de tous, elle rappelle que la température moyenne enregistrée au Col de Porte a augmenté de 1,3 degrés en 50 ans. Chaque décennie, la hauteur moyenne de neige y diminue de 11,6 centimètres.

La Cour a étudié la gestion de 17 stations des Alpes du Nord, dont quatre situées en Isère : Les Deux-Alpes, Villard-Corrençon, Autrans-Méaudre et Saint-Pierre-de-Chartreuse. Selon elle, les gestionnaires privilégient trop souvent le court terme et mettent en oeuvre des réponses « inadaptées » face au réchauffement climatique. L’installation de canons à neige notamment représente « une solution partielle et onéreuse ». Et si les enneigeurs sécurisent l’enneigement des stations d’altitude, soumises par ailleurs à une forte concurrence, on ne peut pas en dire autant des stations de basse et moyenne montagne : ici les canons ne permettent « au mieux et à un coût très élevé, que la préservation d’un enneigement minimal » sans pour autant dissuader les skieurs d’aller voir plus haut.

Cette stratégie soulève aussi la question de l’approvisionnement en eau, selon le rapport, où sont cités les chiffres de Villard-Corrençon : durant l’hiver 2014-2015, 117 000 mètres cube d’eau potable ont été utilisés pour produire 292 000 mètres cubes de neige.

Canon à neige, Espace Villard-Corrençon (Isère)

Canon à neige, Espace Villard-Corrençon (Isère)

Toujours sur le volet environnemental, la Cour déplore dans le rapport l’absence de réflexion sur les alternatives à la voiture pour accéder aux stations. Sur ce point, les auteurs reconnaissent que le législateur n’encourage pas vraiment de telles démarches. Soulignant que le marché du ski est arrivé à maturité, elle pointe aussi le fait que les jeunes générations skient moins que leurs aînés. À l’avenir, le ski et les sports de neige ne seront « plus l’unique ressource » des stations qui devront donc s’adapter en proposant d’autres activités tout au long de l’année.

C’est particulièrement vrai pour les stations de faible altitude déjà fragilisées par le déficit d’enneigement des dernières saisons. La Cour encourage donc les stations les plus vulnérables face au changement climatique comme Saint-Pierre-de-Chartreuse à « envisager une reconversion plus complète de leur offre touristique ». Il convient donc de diversifier les activités tout au long de l’année. Les sages déploraient enfin une « asymétrie dans les relations » entre les autorités organisatrices d’un côté (essentiellement des petites communes), et les gestionnaires (des entreprises privées). En clair, les élus locaux n’ont pas assez de poids face aux géants de l’industrie des remontées mécaniques comme, par exemple, la Compagnie des Alpes. En 2011 déjà, la Cour des comptes enjoignait aux communes de se regrouper. Une préconisation pas suffisamment suivie, constatent les auteurs du dernier rapport.

L’Isère va investir à nouveau massivement dans la neige artificielle

Le 11 décembre 2018, le président du département de l’Isère organisait à grands sons de trompe une conférence de presse à Grenoble, afin d’y présenter les résultats d’une étude diligentée par les cabinets IRSTEA-CEN, KPMG et Natura Scop. Intitulée « Perspectives d’enneigement et impacts sur les stations iséroises à l’horizon 2025-2050 », ses objectifs sont sans équivoque :

« La démarche responsable et innovante initiée par le Département [a] pour objectif d’accompagner les stations de sports d’hiver dans leur adaptation aux défis environnementaux et économiques majeurs.

Unique en France, l’étude s’est déroulée d’avril 2017 à octobre 2018 dans les 23 stations de l’Isère. Elle a pour but d’étudier la pertinence des projets de neige de culture sur la base des projections d’enneigement des stations, de la disponibilité de la ressource en eau et des équilibres financiers. Elle comprend trois volets distincts : - l’analyse des conditions d’enneigement des domaines skiables de l’Isère et une étude sur l’évolution de ces conditions à échéance 2025 et 2050 en s’appuyant sur les scénarios du GIEC (3), étude menée par l’IRSTEA (4) et Météo France-CNRS-Centre d’Etudes de la Neige (5). - l’évaluation de l’impact actuel et futur de la production de neige de culture sur la ressource en eau et les milieux en Isère, réalisée par la coopérative Natura Scop. - les enjeux et la faisabilité économiques de la neige de culture en Isère : une analyse de la capacité des stations à porter financièrement le coût des installations liées à la neige de culture, étude réalisée par le cabinet KPMG. »

On notera que des organismes publics comme Météo-France, le CNRS et l’IRSTEA prêtent la main à une apologie du véritable désastre environnemental que constitue l’extension forcenée de la neige artificielle dans toutes les stations de ski alpin.

Une soumission qui fait écho au sort réservé à l’hydrologue Carmen de Jong il y a quelques années. Directrice scientifique à l’Institut de la montagne, dont les travaux font autorité parmi ses pairs, elle fut évincée de son programme de recherche par le président de l’Université de Savoie en 2010, qui n’eut de cesse de l’intimider et de décrédibiliser ses travaux sur la neige artificielle. Son unité de recherche a été supprimée par le CNRS et son salaire amputé des deux tiers, sans qu’elle n’ait eu la possibilité de se défendre. Il faut dire qu’avec une université toujours plus dépendante des financements privés, qui a soutenu la candidature d’Annecy pour les jeux olympiques, il est difficile pour une chercheuse de s’attaquer au lobby de l’or blanc.

Dans ce contexte les conclusions de l’étude du département de l’Isère sont bien évidemment sans surprise.

« Innovante et unique en France, (la démarche) apporte des données scientifiques, et financières, des éléments concrets et objectifs pour accompagner chaque station iséroise dans son développement futur. Et permet de répondre aux problématiques rencontrées dans l’élaboration des stratégies de développement des stations.

(…) L’analyse montre qu’en 2025 la surface équipée en Neige de Culture passera à 42 % contre 27 % actuellement. D’une façon générale, à l’échelle de l’Isère, les équipements en neige de culture envisagés sur les domaines skiables d’ici 2025, permettraient de maintenir un niveau d’enneigement en 2050 similaire à celui d’aujourd’hui.

Concernant la ressource en eau, la production de neige de culture se concentre en amont de la saison en prévention et préparation de la saison et ce, quel que soit l’enneigement à venir. Avec les projets en cours, la capacité de stockage des retenues d’altitude serait multipliée (extension, création) par deux entre 2017 et 2025. Aujourd’hui et dans les années à venir, il y a peu de réels conflits d’usage sur la ressource en eau sur le département de l’Isère.

L’analyse financière montre de son côté que les très grandes stations sont en capacité de financer les investissements prévus en sécurisant leur chiffre d’affaires et leurs marges actuelles. Pour les autres stations, la réalisation des investissements passera par des choix stratégiques de priorisation des investissements.

Les stations de sports d’hiver jouent un rôle essentiel dans l’économie touristique du département. La montagne, à elle seule, concentre 60 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises touristiques iséroises dans les secteurs de l’hébergement et des activités de loisir. La consommation annuelle dans les stations s’élève à près de 500 millions d’euros.

En Isère, 23 000 emplois directs et indirects sont liés à l’activité touristique. En montagne, ce sont 53 % des emplois qui sont liés au tourisme. À eux seuls, les domaines skiables de l’Isère ont enregistré 4,8 millions de journées skiées lors de l’hiver 2017/2018, pour une recette de 123,1 millions d’euros (+5 % par rapport à la moyenne des quatre dernières saisons), soit 9 % de l’activité nationale. »

« Nous avons affaire à un argumentaire à sens unique en faveur d’investissements massifs dans les stations iséroises, pour la production de neige artificielle, alors même que des dizaines de millions d’euros ont déjà été engagés pour la période allant jusqu’en 2025 ! Et ils s’ajoutent aux financements très conséquents de la Région Auvergne Rhône Alpes et à la contribution budgétaire des stations elles-mêmes », réagit Jacques Derville, résident du village d’Herbeys et président de l’Association de sauvegarde des eaux de Casserousse.

L’étude fait ainsi largement l’impasse sur les aspects environnementaux de la question. Cela en dit long sur l’absence de conscience écologique, hormis dans les luxueuses plaquettes d’autopromotion de certaines stations, d’ailleurs non exemptes d’enjolivements. Ensuite, grâce aux canons à neige, « et à condition d’investissements », « l’impact du réchauffement climatique serait quasi nul jusqu’en 2050 ». Si un « indice de viabilité », opportunément forgé pour l’occasion, nous le dit, soyons rassurés, notre argent est bien placé, pour au moins 30 années ! La conciliation des usages, avec la consommation humaine, les besoins de l’agriculture, le débit des rivières, la pêche, etc., aucun souci, là non plus. « Compte tenu des projections climatiques, il y aura peu de conflits d’usage et de tension sur l’eau en Isère. Du moins jusqu’en 2050. » Une assertion fantaisiste questionnée par la récente validation, en présence du Préfet, du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Drac-Romanche, un document on ne peut plus sérieux, volumineux et très interrogatif sur la question.

Quant au risque de manque d’eau, on pourrait tout bonnement l’écarter… Qu’en pensent les préfets des départements alpins qui ont pris, à différentes reprises en 2018, des arrêtés à titre préventif pour tenir compte de l’état de sécheresse de divers territoires ?

Et financièrement ? Selon l’un des consultants associés à l’étude : « Les très grandes stations sont en capacité de financer les investissements prévus en sécurisant leur chiffre d’affaires et leurs marges actuelles ». Traduire : en augmentant leurs tarifs, déjà prohibitifs pour la clientèle ordinaire. Pour les plus petites stations – merci de penser au populo -, « la réalisation des investissements passera par des choix stratégiques de priorisation des investissements ». Comprendre, pour ceux qui ne captent pas la novlangue : une fois les besoins des stations de ski satisfaites, il faudra tailler dans des secteurs moins prioritaires. La santé, l’éducation, les transports, l’éducation, la culture par exemple ? »

Dans tous les cas, axer tous les investissements vers les sports d’hiver alors que le tourisme l’été représente plus de 50 % des nuitées en montagne pose question. L’enneigement artificiel augmente l’emprise des stations sur la nature, ce qui est contre-productif pour un tourisme montagnard hors ski de plus en plus important.

Crise de l’eau en Haute Savoie

En Savoie, sur soixante stations de ski, qui totalisent 46 % des recettes des exploitants de remontées mécaniques en France, quarante-neuf sont équipées en installations de neige de culture. Les « retenues collinaires » - ou retenues d’altitude - d’une capacité moyenne de 65 000 m3, concernent vingt-neuf sites. À la mi-décembre 2018, cette fois, c’est à Avoriaz, autre station prestigieuse du département voisin de la Haute-Savoie, que l’état d’alerte est proclamé. Comme les retenues d’altitude utilisées traditionnellement pour fabriquer de la neige artificielle manquent d’eau, et que la production de neige de culture, qui démarre traditionnellement en novembre, n’a pu s’effectuer, le service des pistes a jeté son dévolu sur un lac destiné à alimenter la station en eau potable.

Les trois retenues d’altitude du domaine skiable sont alimentées grâce à la fonte du printemps. La première se situe à Montriond (46 000 mètres cubes d’eau) et les deux autres à Morzine (84 000 mètres cubes). La station dispose également d’une autorisation préfectorale de prélever de l’eau dans le lac de Montriond dans la limite de 120 000 mètres cubes, à condition que le niveau du lac n’atteigne pas une certaine limite. Mais ce lac naturel n’est pas étanche. La sécheresse de l’été a interdit son remplissage. Le service des pistes de la société d’exploitation des remontées mécaniques de Morzine-Avoriaz (Serma) n’a donc pas pu puiser dans le lac durant l’automne pour débuter l’enneigement du domaine.

Il a donc fallu organiser un nouveau plan d’enneigement pour l’hiver sur le secteur de Montriond mais aussi celui de Morzine. « On ne sait pas si les retenues pleines aujourd’hui se rempliront demain », confiait Thomas Lemasson, directeur adjoint du service des pistes à l’hebdomadaire local Le Messager. En effet, l’eau qui se trouve dans les retenues côté Morzine ne peut être transférée côté Montriond car « elle doit retourner sur le bassin-versant d’où elle vient ».

La solution ? Réduire les secteurs d’intervention des enneigeurs. La moitié des pistes seront enneigées artificiellement à Montriond et les deux tiers à Morzine. « Nous avons choisi de miser sur la qualité de la neige donc nous attendons qu’il fasse très froid et peu humide. C’est un pari risqué car la date d’ouverture approche », poursuit Thomas Lemasson. Les enneigeurs n’ont donc commencé à fonctionner qu’à partir du 27 novembre, mais les basses températures n’ont pas permis de fabriquer de la neige tous les jours.

Autre front, l’alimentation de la station en eau potable, assurée par Suez. Comme l’autorité préfectorale n’a pas jugé bon de prendre un arrêté autorisant la réquisition de l’eau des retenues d’altitude afin d’alimenter les réseaux d’eau potable dans le Chablais, l’opérateur privé s’est retrouvé en difficulté. Il dispose de deux lacs destinés à alimenter la station d’Avoriaz en eau potable en février, lorsque les besoins sont les plus importants. Mais l’un des deux, « Lac 2000 » a dû être vidangé pour une opération de maintenance en juin dernier.

La sécheresse prolongée n’a pas permis qu’il se remplisse à nouveau. Suez a donc dû demander aux services des pistes de transférer le surplus d’eau du lac « 1730 » vers le lac « 2000 ». Le pompage s’est effectué, via le réseau de neige de culture, durant neuf jours mi-novembre. Pendant ce temps, la station n’a pas pu faire fonctionner ses enneigeurs et préparer les pistes pour l’hiver. « Ça nous a pénalisés mais on ne pouvait pas faire les deux en même temps, précise Thomas Lemasson. Mais c’est normal de prêter main forte au gestionnaire d’eau potable. C’était la priorité. Aujourd’hui, nous devons partager nos ressources. Nous ne pouvons pas garder l’eau destinée à la neige de culture pour nous. En période de crise, on doit partager. »

Les Pyrénées de moins en moins enneigées

Pas de répit non plus dans les Pyrénées. Publié à la mi-novembre, un rapport de l’Observatoire pyrénéen du changement climatique, rédigé par une centaine d’experts, recense les répercussions du réchauffement des températures planétaires sur cette « biorégion » où les températures moyennes ont déjà augmenté – mais de manière irrégulière –, de 1,2°C par rapport à 1950. Cette hausse moyenne du mercure sous l’effet du changement climatique n’est pas sans effet sur les phénomènes météorologiques. Concernant les précipitations, les volumes annuels ont baissé d’environ 2,5 % par décennie sur la même période, surtout en hiver et de manière plus importante sur le versant sud.

« Dans les Pyrénées centrales, à une altitude de 1800 mètres, l’épaisseur moyenne de la neige pourrait diminuer de moitié d’ici 2050 selon la référence actuelle, tandis que la période de permanence de la neige au sol réduirait de plus d’un mois », précisent les scientifiques. Car la fonte des glaciers pyrénéens, également observée dans les Alpes, semble désormais irréversible : entre 1984 et 2016 plus de la moitié des glaciers comptabilisés au début des années 80 ont ainsi disparu. »

L’alternative : une nouvelle hydro-solidarité

Chacun s’accorde sur le caractère inéluctable des nouvelles tensions qui vont découler du changement climatique. Les températures ne vont pas cesser d’augmenter ; la diminution de l’enneigement et la fonte des glaciers vont ainsi perturber les régimes hydrauliques des grands fleuves européens qui ont leurs sources essentiellement dans les Alpes, ceci à une échéance annoncée de quarante à cinquante années.

Les précipitations qui tombent aujourd’hui sous forme de neige tomberont sous forme de pluie, ce qui augmentera le risque d’inondations à l’aval en période hivernale, tandis que la disparition de la masse glaciaire engendrera une baisse conséquente des niveaux d’eau à la fin de l’été. Le niveau des barrages en sera naturellement affecté, entraînant une baisse de la production d’hydroélectricité évaluée à 15 % en moyenne. Tous les acteurs concernés devraient donc rapidement anticiper un changement de pratiques. Les montagnards sont ainsi incités à économiser l’eau et à trouver tous les moyens de la stocker avant qu’elle ne s’échappe trop rapidement vers les plaines.

Il faudrait dès lors élaborer de nouvelles stratégies de stockage, ce qui passe par la redécouverte que les lacs, les tourbières, la forêt, les pâturages ou certaines formes de pratiques agricoles favorisent le stockage de l’eau, ou en ralentissent à minima l’écoulement vers les plaines, ce qui dessine une opportunité pour réinventer une nouvelle utilisation du sol. Il s’agirait de passer d’une logique réparatrice des milieux naturels à des procédures solides de prévention, et de prendre en compte les milieux aquatiques en préalable à l’aménagement du territoire. Ce qui permettrait de passer de la culture du « jour d’après » la catastrophe à la culture du « jour d’avant ».

Mais le développement de cette nouvelle culture a un coût que les communautés montagnardes entendent partager avec les habitants des plaines. Il ne s’agit plus de demander des compensations, mais bien l’identification des services rendus, et qu’ils soient à l’avenir rémunérés à ce titre.

Il s’agirait donc de développer une nouvelle forme « d’hydro-solidarité » par des mécanismes financiers compensatoires aux aménagements, à l’instar de la taxe sur les espaces naturels sensibles prélevée par les départements sur toutes les constructions. Une fiscalité qui permettrait d’instaurer une solidarité des plaines vers les montagnes et reconnaîtrait le rôle stratégique des politiques de gestion de la ressource en altitude. Il reste toutefois à faire partager cette conviction au-delà des massifs alpins, car la Directive-cadre européenne sur l’eau n’a pas traité la question de la montagne, et la Commission européenne n’a qu’une vision très lointaine de celle-ci, celle d’un territoire qui dispose de ressources propres importantes : la neige, mais jusqu’à quand ?

Cette nouvelle hydro-solidarité suppose surtout d’en finir avec les mirages de l’or blanc. Nous n’en prenons pas le chemin.

(1) Le terme « germe » désigne ce mélange eau-air comprimé.

(2) Soit la consommation annuelle de 13 300 foyers français.

(3) Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

(4) Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.

(5) Centre d’étude la neige de Météo France.

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24 janvier 2019 4 24 /01 /janvier /2019 09:04

Comment éviter l’échec du grand débat ? Le collectif Démocratie ouverte mêlant des militants de la démocratie participative, des écologistes, des élus et des Gilets jaunes avance ses propositions. D’après Charles de Saint-Sauveur et Henri Vernet le 23 janvier 2019 pour Le Parisien.

Les « Gilets citoyens » écrivent au Président de la République

Emmanuel Macron voulait voir fleurir mille débats, quitte à ce que les citoyens soient eux-mêmes directement à l’initiative. Le voilà servi. Le collectif Démocratie Ouverte, rassemblant des gens de tous horizons, Gilets jaunes, Gilets verts - c’est-à-dire écolos -, élus locaux, experts, et tout simplement citoyens « concernés », adresse ce mercredi une lettre ouverte au chef de l’Etat.

La centaine de signataires exprime une double crainte : « que le débat se transforme en énorme défouloir de colères, qui n’aurait ni queue ni tête », alerte Mathilde Imer, coprésidente de Démocratie ouverte, et l’une des initiatrices de la vidéo de « l’affaire du siècle », cette campagne de « justice climatique » contre l’Etat appuyée sur une pétition de plus de 2 millions de signataires.

« Un moyen de nous endormir »

Le deuxième risque, souligné par le collectif, c’est celui de « l’enfumage ». « Il n’y a aucune garantie sur la transparence des débats et surtout aucun engagement concret du pouvoir sur les débouchés de cette consultation », reprend Mathilde Imer. « Tel qu’il a été lancé par Macron, ce grand débat est un moyen de nous endormir », gronde Grégory Signoret, Gilet jaune du Vaucluse.

Une assemblée de citoyens tirés au sort

Comment éviter ce fiasco ? Dans leur lettre, intitulée « Pour un nouveau souffle démocratique », ces militants de tous bords — de la présidente de la région Occitanie Carole Delga au réalisateur écolo du film « Demain » Cyril Dion, en passant par la négociatrice de la COP21 à Paris Laurence Tubiana ou encore la Gilet jaune Priscillia Ludosky — détaillent au président de la République leurs propositions chocs. D’abord, la création d’un observatoire indépendant et transparent, dont les membres ne seront pas nommés par l’Etat comme c’est le cas des cinq « garants » du grand débat. Ensuite, et c’est leur principale revendication, la mise sur pied d’une « Assemblée citoyenne », de quelques centaines de membres tirés au sort — comme l’Irlande l’a expérimenté pour la très délicate réforme du mariage pour tous.

Leur mission ? Faire le tri parmi les propositions qui émergeront des deux mois de grand débat, sans exclure les idées qui émaneront des forums alternatifs, jusqu’aux ronds-points des Gilets jaunes. Les travaux de cette Assemblée, filmés et retransmis en continu, déboucheront, rapidement, sur un référendum à choix multiple. Cette formule, compatible avec le RIC (référendum d’initiative citoyenne exigé par les Gilets jaunes), permettrait d’éviter un référendum « oui ou non », qui se transformerait à coup sûr en vote pour ou contre Macron. « Il y a un vrai engouement et une volonté d’apporter des solutions concrètes dont les citoyens peuvent s’emparer pour reprendre un peu de pouvoir », constate le politologue Romain Slitine, coauteur du « Coup d’Etat citoyen » (la Découverte).

« Il nous semble indispensable que le grand débat ne soit pas un moment isolé après lequel on reviendrait aux pratiques politiques traditionnelles », préviennent les signataires. Sinon, la France risque, selon eux, de s’enfoncer dans l’indifférence, l’abstention ou le triomphe des extrémistes. « Si un grand nombre de citoyens se mobilise et que le gouvernement n’en fait rien, la déception sera explosive », prophétise Loïc Blondiaux, professeur à la Sorbonne. A Emmanuel Macron de saisir la perche.

Réussir le Grand Débat National : pour un nouveau souffle démocratique

Lettre ouverte au Président de la République par Démocratie Ouverte.

Monsieur le Président de la République,

Le 15 janvier dernier, vous adressiez à l’ensemble des Français une lettre nous invitant à participer au Grand Débat National, déclenché suite au mouvement des Gilets jaunes. Le lancement d’un tel débat, qui crée une occasion d’inventer collectivement de nouvelles pratiques démocratiques, est enthousiasmant. Néanmoins, la précipitation, le flou, les incertitudes, le manque d’engagement et de transparence risquent fort de bloquer la participation d’un nombre significatif de Français, entachant ainsi la légitimité et l’efficacité du Grand Débat National.

Pour que les Français y participent massivement et sereinement cela suppose de mettre au point collectivement une méthode qui assure un débat transparent, aux contributions réellement prises en compte et débouchant sur des avancées concrètes. Nous, acteurs œuvrant en faveur de l’innovation démocratique depuis plusieurs années, groupements de gilets jaunes, représentants de mouvements écologistes et associatifs, acteurs de la société civile, chercheurs et citoyens craignons qu’un certain nombre de conditions ne soient pas remplies pour garantir la réussite de ce Grand Débat.

Pour appeler à participer et appuyer votre démarche, il manque en effet trois conditions essentielles. Afin de garantir aux Français son utilité, nous déploierons un dispositif à même de les satisfaire au mieux.

En premier lieu, il nous semble indispensable que ce débat soit mené de manière indépendante et avec une transparence exemplaire. Ainsi, afin d’analyser les conditions de sa mise en œuvre et en lien avec des médias, nous participerons dans les prochains jours à la mise en place d’un Observatoire qui étudiera les dispositifs et méthodes utilisés dans les débats, qu’ils soient organisés dans ou en dehors du cadre du Grand Débat. Ces éléments nous permettront de mettre en avant les réussites mais aussi d’alerter sur les dysfonctionnements.

En deuxième lieu, il nous semble indispensable qu’un engagement politique clair et fort soit pris sur le débouché concret des propositions qui émergeront, avant même de savoir ce que seront ces propositions. Ainsi, pour garantir la crédibilité et l’intérêt de la démarche, nous recommandons la mise en place d’une Assemblée citoyenne tirée au sort, représentative de la société, chargée de faire des propositions donnant lieu à un référendum à choix multiples. Les débats de cette assemblée seraient filmés et retransmis en continu.

Si un référendum seul peut faire peur à certains, articulé à une large délibération il permet de construire collectivement des solutions ayant une réelle cohérence d’ensemble. Les assemblées régionales prévues actuellement ne semblent pas pouvoir jouer ce rôle car, en l’état, elles n’auront pas la composition, le temps et les possibilités de délibération nécessaires. Compte tenu des circonstances et de l’enjeu, il est nécessaire d’être ambitieux en créant une assemblée réunissant quelques centaines de personnes, bénéficiant d’un temps suffisant et suivant une méthodologie rigoureuse ayant fait ses preuves. Elle traitera du RIC bien sûr puisqu’il a émergé comme une priorité ces dernières semaines, mais au-delà, elle reverra plus largement nos pratiques démocratiques afin qu’elles soient plus à même d’impliquer les citoyens de façon régulière et pas seulement lors des échéances électorales. De plus, cette assemblée hiérarchisera les propositions émanant des débats pour définir les priorités qui pourraient faire l’objet du référendum à choix multiples.

Ce n’est que par une démarche politique et démocratique ambitieuse que la confiance pourra revenir. Nous sommes prêts à soutenir et/ou réaliser par nous-même la mise en œuvre d’un tel dispositif, qui a déjà fait ses preuves ailleurs, dans des contextes très divers (notamment en Irlande, en Islande, ou encore au Canada). Les moyens, les outils, les recherches et retours d’expérience nécessaires à l’organisation d’une telle dynamique existent.

Nous entamons d’ores et déjà une réflexion collective sur les conditions de mise en œuvre d’une telle assemblée par des acteurs de la société civile, au cas où vous ne vous engageriez pas en ce sens. Nous travaillerons au rapprochement avec des initiatives convergentes.

En troisième lieu, il nous semble indispensable que le Grand Débat ne soit pas un moment isolé après lequel on reviendrait aux pratiques politiques traditionnelles. Ainsi, nous lançons également une boîte à outils (plateformes délibératives en ligne, méthodes d’animation, décryptages, etc.) destinée à tous les citoyens qui souhaitent s’inscrire dans un engagement de court ou long terme, dans le cadre du Grand Débat National ou en dehors. En effet, il nous semble essentiel de tirer parti des « énergies citoyennes » qui se sont exprimées, notamment de la part de personnes qui s’étaient éloignées de tout engagement. C’est une chance formidable pour réussir les transitions économiques, sociales et environnementales. Nous devons pouvoir tirer parti des débats locaux pour engager concrètement un travail de terrain afin de trouver des solutions aux problèmes qui ont été à l’origine de la crise.

Notre pratique démocratique doit devenir plus régulière, plus concrète, à toutes les échelles et sur tous les thèmes !

Monsieur le Président, vous avez appelé à « transformer les colères en solutions », voilà la manière dont nous pensons que nous pouvons y parvenir.

Nous souhaitons vivement la réussite d’une démarche démocratique ambitieuse et inédite. Nous sommes déterminés à y participer si les conditions sont réunies pour que ces transformations s’enclenchent réellement. Il faut pour cela reconnaître aux citoyens une compétence d’acteurs et pas seulement de spectateurs ou de commentateurs d’un jeu qui se passe ailleurs. Les Français veulent entrer dans le jeu !

Nous vivons une opportunité historique pour que les citoyens inventent la démocratie de demain. Soyons ensemble à la hauteur des enjeux.

Signataires :

Acteurs œuvrant en faveur de l’innovation démocratique, groupement de gilets jaunes, représentants de mouvements écologistes, chercheurs et experts de la démocratie participative, et acteurs de la société civile. Tous citoyens.

– Kévin André, Co-Président de Démocratie Ouverte et Fondateur de Kawaa

– Fanny Agostini, Journaliste et co-fondatrice LanDestini

– Sophie Aouizerate, Fondatrice de Raisonnances

– Achille Audouard, Co-responsable de l’antenne parisienne de I-buycott

– Jean Louis Bancel, Président du Crédit Coopératif 

– Julien Bayou, Conseiller régional d’ile de france

– Mathieu Baudin, Directeur de l’Institut des Futurs souhaitables

– Lucie Berson, membre et administratrice d’Astérya

– Grégory Bertrand, Simple citoyen, fondateur de Nous Rassemble

– Aurore Bimont, Co-fondatrice de Système D, l’incubateur de Démocratie Ouverte

– Loïc Blondiaux, Professeur à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne 

– Delphine Blumereau, Directrice de la communication, Institut des Futurs souhaitables

– Lisa Basty, co-coordinatrice des Connecteurs citoyens d’Astérya 

– Christian de Boisredon, Fondateur de Sparknews 

– Medhi Bolic, Gilet Jaune, Association France Unité, référents Marseille 

– Dominique Bourg, philosophe français, professeur ordinaire à l’université de Lausanne

– Marie-Hélène Bacqué, professeure à l’Université Paris Ouest-Nanterre 

– Pierre-Marie Boulle, Gilet Jaune d’Apt

– Antoine Brachet, Co-Président de Démocratie Ouverte

– Cécile Calé, Agrégé Chercheur Arts & Philosophie politique, Co-Fondatrice Cercle Spiridion & Coop Cité Arts & Démocratie

– Mikael Carpentier, Gilet Jaune, référent Châteaurenard et membre du MTRF (Mouvement des Transmetteurs Réunis Français)

– Francois Cathelineau, Co-président de Tous Elus

– Hervé Chaygneaud-Dupuy, Innovateur sociétal et blogueur, membre de Démocratie Ouverte

– Tarik Chekchak, Directeur du pôle biomimétisme, Institut des Futurs souhaitables

– Enora Conan, Co-fondatrice du Labo de Démocratie Ouverte

– Danielle Le Coq, Gilet Jaunes, co-administratrice plateforme des revendications Bretagne, co-administrateur www.le-vrai-debat.fr

– Julian Couderc, Citoyen, Gilet jaune & Modérateur groupe facebook

– Lydie Coulon, Gilet Jaune, co-administratrice plateforme des revendications PACA et plateforme nationale www.le-vrai-debat.fr

– Dimitri Courant, chercheur en science politique,Université de Lausanne et Université Paris 8, spécialiste des assemblées citoyennes

– Laurie Debove, journaliste

– Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée

– Alexandre Detroux, ingénieur de concertation chez Bluenove

– Valérie Deldrève, directrice de recherche en sociologie, Irstea Bordeaux

– Quentin Desvigne, fondateur de Demodyne

– Cyril Dion, écrivain, poète et militant écologiste français, réalisateur du film DEMAIN

– Céline Evita, Fondatrice consultante Réponses Citoyennes, membre de Démocratie Ouverte

– Eric Favre, simple citoyen de seine et marne, gilet vert, bénévole du mouvement colibris

– André Feigeles, citoyen solidaire membre du Cercle des engagés de Démocratie Ouverte, Commission économique Nuit Debout, Conseiller de Quartier Paris.

– Frédéric Fleurié, Les-Gilets-Jaunes.re, plateforme de démocratie ouverte à l’île de la Réunion, co administrateur de la plateforme nationale www.le-vrai-debat.fr

– Jean-Marc Fortané, Président du MTRF (Mouvement des Transmetteurs Réunis Français) et co-initiateur de Fédération Citoyenne

– Jean-Baptiste de Foucauld, coordinateur du Pacte civique

– Jean-Michel Fourniau, président du Gis Démocratie et Participation

– Bruno Fournier, Gilet Jaune d’Apt

– Charles Fournier, Vice Président région centre Val de Loire

– Didier Fradin, La Belle Démocratie, Groupe de travail sur le Municipalisme

– Claude Grivel, Président de l’Union Nationale des Acteurs du Développement Local (Unadel)

– Florent Guignard, co-fondateur du journal Le Drenche

– Pierre-Yves Guihéneuf, délégué général de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne (ICPC)

– Pierre Guilhaume, coordinateur du Pacte civique. Guillaume Ginier, membre et administrateur d’Astérya

– Clément Girard, consultant D21 et militant associatif, membre de Démocratie Ouverte

– Léa Giraud, Animatrice de communautés de Démocratie Ouverte

– Manon Godefroi, coordinatrice de la vie associative, du développement et de la mobilisation d’Astérya

– Pierre-Louis Guhur, co-fondateur du collectif Mieux Voter

– Philippe Honigman, Co-fondateur de Tribute

– Mathilde Imer, Co-Présidente de Démocratie Ouverte, co-coordinatrice de la campagne “On Est prêt”, et co-productrice de la vidéo de diffusion de la pétition “L’Affaire du Siècle” 

– Luc Jacob, Gilet jaune, co-administrateur plateforme des revendications Bretagne et plateforme nationale www.le-vrai-debat.fr

– Antonin Jourdan, responsable technique iD CITY , civic-tech 

– Janique Laudouar, fondatrice Le Blog de la Ménagère

– Brice Jehanno, Co-fondateur de Tous élus – Julien Joxe, directeur marchés francophones CitizenLab.

– Danielle Kerbrat, Gilet Jaune, Association France Unité, référents Marseille – Sophie Labrunie, membre et administratrice d’Astérya

– Ninon Lagarde, Co-présidente de Tous élus

– Henri Landes, co-fondateur de Landestini et CliMates ancien Directeur Général de la fondation Good Planet

– Claudy Lebreton, Membre de Démocratie Ouverte et ancien président de l’ADF. – Armel Le Coz, Co-fondateur de Démocratie Ouverte et Parlement et Citoyens

– Claire Lejeune, responsable du bouquet Transition Ecologique chez Bleu Blanc Zebre

– Anne-Elise Lenne, animation de concertations avec co-création de contenu multimédia en temps réel Cycla Wap

– Franck Lenoir, membre de Démocratie ouverte

– Olivier Lenoir, Co-fondateur d’Osons Ici et Maintenant

– Patrice Levallois, 4ème chambre

– Simon Leurent, Co-fondateur d’Osons Ici et Maintenant

– Cécile Lizé, co-coordinatrice des Connecteurs citoyens et administratrice d’Astérya

– Vianney Louvet, co-président de Tous Elus

– Clément Mabi, maître de conférences, Université de Technologie de Compiègne

– Basile Mace de lepinay Co-responsable de l’antenne parisienne de I-buycott Antoine Jestin, co-fondateur iD CITY, civic-tech

– Flora Magnan, cofondatrice de l’outil de lobbying citoyen United4Earth 

– Camille Marguin, Co-présidente de Tous Elus

– Fabien Martre, co-fondateur de Livedem

– Jean Massiet, Fondateur d’Accropolis

– Angélica Montes, philosophe, chercheuse associée au LLCP, Université Paris 8.

– Paloma Moritz, réalisatrice à Spicee média, co-fondatrice de Mieux Voter

– Catherine Neveu, directrice de recherche au CNRS, Tram-IIAC

– Anne-Sophie Novel, Journaliste et fondatrice de Place to B

– Kathleen Olanor, membre et administratrice d’Astérya

– Cécile Ostria, Directrice générale de la Fondation pour la Nature et l’Homme

– Chloé Pahud (co-fondatrice) et toute l’équipe de Civocracy

– Olivier Pastor, co-fondateur de l’Université du Nous

– Magali Payen, fondatrice de la campagne « On Est Prêt » et co-productrice de la vidéo de diffusion de la pétition “L’Affaire du Siècle”

– Nils Pedersen, Président de La Fonda

– Bertrand Pancher, Président de Décider Ensemble

– Aurélien Paccard, Institut des Futurs souhaitables

– Dominique Poirier, Retraité, ex “Architecte fonctions collaboratives” à la DGA

– Henri Poulain, Réalisateur, co-auteur et co-producteur du programme #DataGueule et réalisateur du film Démocratie(s)

– David Prost, gilet jaunes du vaucluse co-administrateur de la plateforme revendications PACA et plateforme nationale LE VRAI DEBAT

– Simon Quatrevaux, responsable conseil et développement iD CITY , civic-tech – Sylvain Raifaud, adjoint à la maire du Xème arrondissement de Paris 

– Gabriel Ray, Gilet jaune, co-administrateur plateforme des revendications Toulouse, co-administrateur www.le-vrai-debat.fr

– Alain Renk, Co-fondateur 7 Milliards d’Urbanistes

– Jean-Rémy Ricordel, citoyen engagé.

– Juliette Rohde, co-fondatrice de Saisir

– Julien Roirant, président d’AgoraLab

– Steven Rostren, Gilet Jaune, co-administrateur plateforme des revendications Bretagne, co-administrateur www.le-vrai-debat.fr

– Maxime de Rostolan, Fondateur de Fermes d’Avenir et Blue Bees

– Marion Roth, Directrice Décider Ensemble

– Gabriel Rouqueirol, Gilet Jaune d’Apt

– Quentin Sauzay, Co-fondateur du lobby citoyen ECHO

– Maxime Senzamici, Co-fondateur de l’outil de lobbying citoyen United4Earth – Grégory Signoret, gilet jaune du Vaucluse co-administrateur de la plateforme revendications PACA et plateforme nationale www.le-vrai-debat.fr

– Thomas Simon, Démocratie Ouverte et Co-fondateur de Les voies de la démocratie

– Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à l’université de Paris

– Martin Serralta, Prospective des organisations Institut des Futurs souhaitables

– Blandine Sillard, administratrice d’Astérya et doctorante en science politique à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne

– Elfaniel Sonnard, Citoyenne Gilet jaune & Modératrice groupe facebook

– Romain Slitine, Co-fondateur de Système D, l’incubateur de Démocratie Ouverte et auteur de “Le Coup d’Etat citoyen” (La Découverte)

– Maxime Souque, Gilet Jaune, Référent Avignon Sud, co-administrateur plateforme des revendications PACA, co-administrateur www.le-vrai-debat.fr

– Joe Spiegel, Maire de Kingersheim

– Julien Talpin, chargé de recherche au CNRS, Ceraps

– Frédéric Tinel, Gilet Jaune d’Apt

– Marie Toussaint, Présidente de Notre Affaire à Tous, une des 4 ONG portant le recours en justice “L’Affaire du Siècle”

– Jacques Trentesaux, journaliste et co-fondateur de Mediacités

– Laurence Tubiana, professeur à Sciences Po

– Valérie Urman, journaliste, membre de Démocratie Ouverte

– Marie Valéro, Gilet Jaune référente au Thor. Membre du cercle de gouvernance de la plateforme des revendications PACA et de www.le-vrai-debat.fr

– Aurélien Vernet, co-fondateur de CLIC (Citoyennes.ens lobbyistes d’intéret commun) : lobby-citoyen.fr

– Jean-Luc Verreaux, Délégué Général Institut des Futurs souhaitables

– Laetitia Veriter, Directrice des programme de Citizens for Europe

– Clément Viktorovitch, docteur en science politique, fondateur de l’Université populaire Politeia

– Stéphane Vincent, Délégué général et cofondateur de La 27e Région et administrateur des Halles Civiques

– Patrick Viveret, Co-fondateur des dialogues en humanité – Bulent Acar, Co-fondateur de I-buycott

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23 janvier 2019 3 23 /01 /janvier /2019 14:52

Limiter le réchauffement global à 1,5 °C implique d’atteindre le pic mondial d’émissions de CO2 en 2020. L’orientation n’est pas tenue, alerte un rapport du World Resources Institute. D’après Marie-Noëlle Bertrand et Audrey Garric le 22 janvier 2019 pour Le Monde et l’Humanité. Lire aussi Des ONG attaquent la France en justice pour inaction climatique, Des Etats inCOPables de sauver l’humanité ? et Un maire attaque l’Etat pour inaction climatique pour la première fois en France.

La centrale thermique de Cordemais (Loire-Atlantique)

La centrale thermique de Cordemais (Loire-Atlantique)

Se demander si l’on suit le bon cap en matière de lutte contre le réchauffement relève de la rhétorique. Savoir dans quelle mesure on dévie de l’objectif, et dans quelle direction braquer le gouvernail pour rejoindre la bonne voie, reste, en revanche, une question à se poser, et vite.

Un rapport du World Resources Institute (WRI), un think tank américain travaillant sur les sujets environnementaux, tente d’y répondre. Mis en ligne lundi soir, il dresse une photographie des progrès réalisés mondialement en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES) et les met en regard avec des ambitions que se sont fixées les États dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Adopté en 2015, celui-ci engage la communauté internationale à limiter la hausse globale des températures bien en deçà de 2 °C, et si possible à 1,5 °C par rapport aux niveaux enregistrés avant l’ère industrielle – le rapport du Giec, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié en octobre est venu préciser que viser la cible la plus ambitieuse était primordial. Or, rappelle le WRI, « la meilleure chance de limiter la hausse des températures à 1,5 °C est d’atteindre le pic mondial d’émissions de gaz à effet de serre en 2020 et de les réduire drastiquement après cela ».

L’objectif d’un pic des émissions en 2020 s’éloigne

En 2017, un consortium d’universités et de think tanks (Yale, Potsdam Institute for Climate Impact Research, Carbon Tracker Initiative, etc.), réunis dans le cadre d’une campagne nommée « Mission 2020 », avaient défini six étapes à atteindre dans les domaines clés de l’énergie, des transports, de l’utilisation des sols, de l’industrie, des infrastructures et des finances – chacune divisée en objectifs précis. L’idée était d’infléchir les courbes et de mettre le monde sur une trajectoire de réchauffement « bien en deçà de 2 °C », « si possible 1,5 °C », comme le prévoit l’accord de Paris adopté en 2015.

Dans ce scénario, dès 2020, les énergies renouvelables devront détrôner les combustibles fossiles pour la production d’électricité dans le monde entier, la déforestation à grande échelle sera stoppée au profit de la restauration des terres et la majorité des nouveaux projets de mobilités s’avéreront propres.

Mais alors qu’il reste moins de deux ans pour y parvenir, presque tous les voyants sont encore au rouge. Dans un rapport d’étape publié mardi 22 janvier, le World Resources Institute, un think tank américain spécialisé dans les questions environnementales, montre que les progrès sont insuffisants dans la majorité des secteurs, de sorte que l’humanité n’est pas sur les rails pour viser un pic des émissions en 2020.

Le boom des énergies renouvelables

Part d’énergies renouvelables dans la production d’électricité mondiale. Elle était de 25 % en 2017 et pourrait atteindre 30 % en 2020. WRI

Part d’énergies renouvelables dans la production d’électricité mondiale. Elle était de 25 % en 2017 et pourrait atteindre 30 % en 2020. WRI

Cette synthèse, qui compile des études d’agences internationales, contient une seule lueur d’espoir : l’envolée spectaculaire des énergies renouvelables, portées par une baisse rapide de leurs coûts. Elles ont fourni 25 % de la production d’électricité mondiale en 2017, comptant pour plus de deux tiers des nouvelles capacités électriques

Selon les estimations, elles s’avéreront compétitives avec la plupart des combustibles fossiles d’ici à 2020. De sorte que pour le WRI, l’objectif d’atteindre au moins 30 % de renouvelables dans le mix électrique mondial est « à portée de main si les tendances actuelles s’accélèrent ». Dix-sept pays produisent déjà plus de 90 % de leur électricité à partir du solaire, de l’éolien ou encore de l’hydraulique.

Le tableau s’assombrit en revanche pour les deux autres objectifs énergétiques : ne plus construire de centrale à charbon et programmer la fermeture de celles existantes. Malgré un ralentissement de l’usage de ce combustible, le plus émetteur de CO2, la puissance installée nette des centrales thermiques au charbon continue de croître à l’échelle mondiale – avec 65 gigawatts (GW) de nouvelles capacités en 2017, en particulier dans les pays en développement, pour 28 GW d’installations fermées.

Transports : trop peu de voitures électriques

Nombre de voitures électriques en circulation dans le monde (en millions). WRI

Nombre de voitures électriques en circulation dans le monde (en millions). WRI

Deuxième levier essentiel dans la lutte contre le changement climatique : les transports, responsables de 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les ventes mondiales de voitures électriques ont considérablement augmenté (+ 54 % en une année) pour atteindre 1,1 million en 2017. Mais en raison de leur prix souvent prohibitif, elles ne représentaient alors que 1,4 % des ventes totales de nouveaux véhicules et ne devraient pas dépasser 3 % en 2020, très loin de l’objectif de 15 % à 20 % établi par la « Mission 2020 ».

Les progrès sont aussi insuffisants dans le domaine des transports en commun qui totalisaient 19 % des déplacements dans le monde en 2015, moins que les 32 % fixés par les experts. En outre, un carton jaune est adressé au secteur de l’aviation, dont l’intensité énergétique a diminué de 4,5 % entre 2013 et 2015 ; « il faut accélérer le rythme pour atteindre une réduction des émissions de 20 % d’ici à 2020 », écrivent les auteurs. De manière plus surprenante, le rapport donne un bon point au transport maritime pour s’être engagé à réduire ses émissions de carbone de 50 % d’ici à 2050 par rapport à 2007, même si aucune avancée tangible n’est pour l’instant enregistrée.

Sols : hausse de la déforestation

Déforestation (en millions d’hectares). En noir, la perte de couvert forestier, et en bleu la perte nette de forêts (différence entre la déforestation et le reboisement). WRI

Déforestation (en millions d’hectares). En noir, la perte de couvert forestier, et en bleu la perte nette de forêts (différence entre la déforestation et le reboisement). WRI

La situation n’est guère plus optimiste en ce qui concerne l’usage des sols. La déforestation a augmenté au cours des dernières années, en grande partie à cause de la consommation de bois, de bœuf, de soja ou encore d’huile de palme. La perte nette de couvert forestier (différence entre la déforestation et le reboisement) est en baisse, se félicitent les auteurs. Mais de prévenir : « Regarder juste les chiffres peut nous tromper car la perte de forêt à un endroit ne peut pas être comptée de manière équivalente que le reboisement à un autre. » Près de 23 millions d’hectares de terres dégradées ont été restaurés, loin des 150 millions promis d’ici à 2020. Et les émissions agricoles ont poursuivi leur croissance, de 4,6 gigatonnes de gaz à effet de serre en 2000 à 5,3 Gt en 2016.

Les industries lourdes comme la chimie, l’acier et le ciment sont, elles, collectivement responsables d’environ un quart des émissions mondiales de CO2. Si certaines entreprises se sont engagées à réduire leurs rejets, le rapport note que les données publiques font défaut pour en mesurer les effets. Du côté des infrastructures, les bâtiments à énergie positive, malgré une forte croissance, représentent toujours moins de 5 % des constructions et bien moins de 1 % du parc immobilier mondial.

Finance : des investissements en hausse

Evolution des financements climat (en milliards de dollars). WRI

Evolution des financements climat (en milliards de dollars). WRI

Reste la question cruciale des financements, clé du succès de l’ensemble des objectifs pour 2020. Selon le rapport, les investissements mondiaux destinés à la lutte contre le changement climatique se sont élevés à entre 455 milliards de dollars et 681 milliards de dollars (jusqu’à 600 milliards d’euros) en 2016. « L’objectif de 1 000 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pourrait être atteint même si le manque de données ne permet pas de trancher », expliquent les auteurs. En revanche, les subventions aux énergies fossiles restent encore trop élevées (373 milliards de dollars en 2015).

« Malgré quelques progrès, ces tendances montrent que nous n’atteindrons pas le pic des émissions en 2020 », regrette Kelly Levin, l’une des auteures du rapport, chargée du programme climat au WRI, alors que les rejets de CO2 sont repartis à la hausse en 2018. « Les pays doivent se présenter au secrétaire général des Nations unies avec des annonces en vue d’accroître rapidement leurs engagements », ajoute-t-elle, en référence au sommet spécial que convoque Antonio Guterres en septembre à New York.

« Cette étude prouve qu’il est impossible de limiter le réchauffement à 1,5 °C, car aucune politique n’est en place pour y parvenir dans les secteurs déterminants », constate Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. Il en va pourtant de notre environnement, de notre santé, de notre économie, bref de notre vie.

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18 janvier 2019 5 18 /01 /janvier /2019 11:33

Pour que 10 milliards de personnes, dont 3 milliards de personnes supplémentaires, mangent à leur faim en 2050, en préservant leur environnement, une commission internationale d’experts préconise d’accroître certaines productions et d’en diminuer d’autres, comme l’élevage. Un changement profond de modes de production et de consommation. D’après Aude Massiot, Nelly Didelot et Pierre Le Hir le 17 janvier 2019 pour Libération et Le Monde. Lire aussi L’agriculture bio est plus efficace que les pesticides contre les agents pathogènes, démontrent des chercheurs français, Nourrir la planète avec une agriculture 100% biologique en 2050, c’est possible et aussi L’alimentation bio est bénéfique pour la santé !

Banquet pour l’ouverture d’un festival agricole, dans la province du Henan, en Chine, le 15 septembre. Photo Wang Zhongju. China News Service. VCG via Getty Images

Banquet pour l’ouverture d’un festival agricole, dans la province du Henan, en Chine, le 15 septembre. Photo Wang Zhongju. China News Service. VCG via Getty Images

Comment nourrir 10 milliards de personnes en 2050, alors que 800 millions d’humains souffrent déjà de la faim et que le changement climatique réduit les rendements agricoles dans certaines régions ? C’est l’épineuse question à laquelle se sont attaqués 37 chercheurs de 16 pays pendant trois ans. Et, bonne nouvelle, il est possible de nourrir 3 milliards d’humains supplémentaires, tout en respectant les limites de notre écosystème. Mieux, cela nous obligerait à adopter un régime alimentaire plus sain.

Pourtant on ne trouve pas de trace dans cette étude, publiée ce jeudi par la revue The Lancet et la fondation Eat, de solutions révolutionnaires reposant sur l’ingurgitation d’insectes ou la cuisine moléculaire. L’assiette qui permettrait de nourrir correctement l’humanité contient simplement le double de fruits, légumes, céréales complètes et légumineuses que celle devant laquelle nous nous asseyons habituellement. Si elle conserve une place pour la volaille ou les produits laitiers, la viande rouge ou transformée, comme les féculents de type pomme de terre, les sucres raffinés sont, eux, réduits à la portion congrue. Un régime « gagnant-gagnant », bon pour la planète comme pour la santé.

« Intensification durable »

L’objectif est réalisable, mais il va falloir agir vite et radicalement. « Même de faibles augmentations de la consommation de viande rouge ou de produits laitiers rendraient ce but [de nourrir la planète, ndlr] difficile voire impossible à atteindre », pointe le rapport. Le secteur agricole représente déjà 30 % des émissions de gaz à effet de serre et occupe 40 % des terres. Des chiffres promis à augmenter avec l’amélioration du niveau de vie dans le monde.

Telle une double peine, les dégradations environnementales causées par la production de ces aliments malsains ont des impacts sur la santé : réduction des nutriments dans certaines cultures à cause des fortes concentrations en CO2 dans l’atmosphère, décès prématurés dus à la pollution de l’air émise par la combustion des déchets agricoles, famines provoquées par la multiplication des catastrophes naturelles liées au changement climatique…

Pour rester viable, l’agriculture doit cesser d’utiliser des terres supplémentaires, d’émettre des gaz à effet de serre et réduire sa consommation d’eau d’au moins 30 % grâce à de meilleures techniques agricoles, et de 13 % en limitant le gaspillage (lire ci-contre). Pour nourrir 10 milliards de bouches, il faudra logiquement produire beaucoup plus qu’aujourd’hui. Comment faire sans accaparer d’autres terres ? Contre toute attente, le rapport prône une « intensification durable » grâce à « une réduction d’au moins 75 % des écarts de rendement, une amélioration radicale de l’efficacité de l’utilisation des engrais et de l’eau, la redistribution globale d’azote et de phosphore » utilisés comme fertilisants. Mieux adapter les cultures aux sols et aux climats locaux permettrait également d’accroître la production sans épuiser les terres. La diminution de l’élevage devrait de son côté libérer des terres cultivées jusque-là uniquement pour fournir des aliments au bétail.

Le « régime de santé planétaire » conseillé se compose majoritairement de fruits, légumes, graines complètes et légumineuses, avec une portion congrue de viande et de poisson. EAT-LANCET COMMISSION

Le « régime de santé planétaire » conseillé se compose majoritairement de fruits, légumes, graines complètes et légumineuses, avec une portion congrue de viande et de poisson. EAT-LANCET COMMISSION

Créativité culinaire

Une révolution tant agricole que culinaire, qui va bouleverser notre rapport à la nourriture. « Cela va nous obliger à redécouvrir certaines variétés de céréales et de légumes, qui permettront de sortir d’une cuisine un peu stéréotypée et de nourrir des millions de personnes », estime Pierre Thiam, chef sénégalais installé aux Etats-Unis. Il milite pour que la cuisine joue un rôle dans la lutte contre le dérèglement du climat. « Contrairement à ce que certains croient, une cuisine à base de légumes et de céréales est une nourriture aussi réconfortante que la viande », ajoute le cuisinier.

Comme lui, les auteurs de l’étude estiment que ces contraintes peuvent être source de créativité culinaire. « Ce modèle [nutritionnel] est universel, avec un grand potentiel d’adaptation » aux spécificités culturelles et géographiques. Pour que cette assiette saine et durable devienne planétaire d’ici 2050, elle doit commencer à être largement adoptée dès aujourd’hui.

Réduire drastiquement le gaspillage

A l’échelle mondiale, 1,3 milliard de tonnes d’aliments sont gaspillés tous les ans. Soit environ un tiers de la production alimentaire mondiale qui échappe à la consommation. Pour nourrir l’ensemble de l’humanité en 2050, il faudra réduire ces pertes d’au moins 50%.

Le rapport suggère plusieurs pistes dans ce sens, différenciées en fonction des régions. Dans les pays à revenus moyens ou faibles, les pertes se produisent surtout lors des phases de production et de distribution. Des problèmes de stockage et d’accès aux marchés incitent parfois les cultivateurs à laisser leur récolte sur pied, au risque qu’elle pourrisse ou soit attaquée par les insectes. Pendant les phases de transport, c’est l’absence de réfrigération qui est souvent problématique. Investir dans des infrastructures de stockage collectives pour sécher ou emballer les aliments, voire dans des chaînes de froid, réduirait les pertes. Dans les pays développés, une bonne part du gaspillage est imputable aux consommateurs eux-mêmes. En France, par exemple, chacun jette tous les ans entre 20 et 30 kilogrammes de nourriture.

Les auteurs du rapport publié par The Lancet et la fondation Eat suggèrent de multiplier les campagnes de sensibilisation pour apprendre à accommoder les restes ou pour mieux comprendre les mentions « à consommer de préférence », combinées à des politiques nationales antigaspillage impliquant notamment la grande distribution. « Consommer chaque jour plus de 2 500 kilocalories peut être considéré comme une forme de gaspillage, analyse Fabrice DeClerck, coauteur de l’étude. Un gaspillage qui, en plus d’être mauvais pour la santé, oblige tous les ans à convertir des terres boisées ou des réservoirs de biodiversité en terres agricoles pour de mauvaises raisons. »

Recourir aux leviers politiques

Une « grande transformation alimentaire ». C’est l’appel, « nécessaire et urgent », des auteurs de cette étude internationale. « L’humanité n’a jamais mené de changement de son système alimentaire mondial à l’échelle envisagée par ce rapport, détaille le texte signé par trente-sept chercheurs. Cet objectif est un territoire politique inexploré et les problèmes mis en avant par cette étude ne seront pas facilement réglés. […] Une large variété de leviers politiques, du plus aux moins coercitifs, sera indispensable. » Les citoyens ont un rôle à jouer car la demande peut infléchir l’offre. Les modes de production agricole, dans leur majorité dévastateurs pour la planète, peuvent être réorientés par de nouvelles habitudes alimentaires. Les politiques aussi peuvent accompagner et accélérer cette transition. « Il faut réorienter les priorités agricoles, pour produire de la nourriture saine plutôt que de grandes quantités, réclament les chercheurs. Il ne faut plus se concentrer sur l’augmentation du volume de production de quelques cultures, dont la plupart sont utilisées pour l’alimentation animale. »

A Copenhague, la municipalité a lancé un programme pour que 90 % de la nourriture des cantines deviennent bio. Les financements ont été trouvés grâce à la réduction des achats en viande. Plus ambitieux, la Grande-Bretagne est actuellement agitée par un débat sur une possible taxation de la viande. Une mesure déjà discutée dans les Parlements allemand, danois et suédois. La Chine a, elle, réduit ses quantités de viande recommandées de 45 % en 2016. Selon Fabrice DeClerck, coauteur de l’étude, « pour encourager les entreprises à mener cette transition, les politiques pourraient aussi subventionner les productions saines et durables en fonction de ce critère » 

Selon les chercheurs, même dans un contexte de croissance démographique, il est possible de manger de façon à la fois plus saine et plus durable. MARIANA BAZO / REUTERS

Selon les chercheurs, même dans un contexte de croissance démographique, il est possible de manger de façon à la fois plus saine et plus durable. MARIANA BAZO / REUTERS

Manger sain pour éviter morts et maladies

Passer de nos régimes alimentaires actuels à celui mis en avant dans l’étude permettrait d’éviter environ 11 millions de morts par an à partir de 2030, tant les améliorations en matière de santé seraient importantes. Aujourd’hui, 820 millions de personnes souffrent de sous-nutrition, alors que 2,4 milliards d’autres consomment tous les jours trop de calories. Un déséquilibre qui pèse sur la santé mondiale : les risques de mortalité et de morbidité liés à une mauvaise alimentation sont plus élevés que ceux liés à la consommation d’alcool, de drogue et de tabac, et aux relations sexuelles non protégées cumulés. Attaques cardiaques, diabètes ou cancers sont les affections les plus fréquentes liées à l’alimentation. « Ces risques sont surtout liés à la surconsommation d’aliments non sains, comme la viande rouge ou les produits sucrés », explique Fabrice DeClerck, coauteur de l’étude. Les recommandations du rapport, qui visent une consommation journalière de 2 500 kcal, sont universelles : « Dans les pays développés, cela implique une réduction des calories consommées. Dans ceux en développement, les enjeux sont un peu différents, avec plus de gens qui n’ont pas accès à suffisamment de nourriture, explique le chercheur. Mais on retrouve globalement une surconsommation de produits malsains et une sous-consommation de produits sains. » Des produits sains qui sont parfois difficiles d’accès : plus chers que bien des aliments à faible valeur nutritive, plus longs à préparer et tout simplement mal connus. « On manque d’éducation nutritionnelle, on ne sait pas forcément quels sont les aliments sains ni comment les cuisiner. Proposer plus de plats préparés sains pourrait être un bon départ », suggère Fabrice DeClerck.

Plus de diversité dans les assiettes

La clé est la diversité, assure Fabrice DeClerck, directeur scientifique de l’institut Eat et coauteur de l’étude : « Les Européens, par exemple, souffrent de carences en vitamines A et C, en fer et en iode. Ces manques peuvent être comblés par une alimentation mêlant principalement fruits, légumes et diverses noix. » A partir de cinq par jour, fruits et légumes préviennent les maladies cardiovasculaires. Les noix, elles, constituent une alternative à la viande rouge car elles fournissent de l’énergie tout en limitant les risques d’obésité. Dès 2015, le Comité consultatif de recommandations diététiques américain concluait que manger végétarien est bénéfique pour la santé, pour les personnes de plus de 2 ans. D’après un autre article scientifique publié en 2013, les régimes végétalien, végétarien, pescetarien (poisson) ou flexitarien (semi-végétarien) réduisent de 12 % les risques de mortalité par rapport aux régimes riches en viande, le plus sain étant le pescetarien. L’idée n’est pas de remplacer la viande par des produits laitiers. Contrairement aux croyances répandues en France, ces derniers doivent être consommés avec modération, si on veut éviter une fragilisation des os.

A quoi peuvent alors ressembler nos assiettes ? A des plats « délicieux et colorés », affirme Fabrice DeClerck. Le régime « crétois » en est un bon exemple. Faible en viande rouge, principalement constitué de plantes, avec des graisses saines apportées par l’huile d’olive, il a permis aux anciens Grecs de se targuer de la plus haute espérance de vie. D’autres régimes traditionnels peuvent servir d’exemple pour les Occidentaux, comme en Indonésie, au Mexique, en Inde, en Chine et en Afrique de l’Ouest, où la viande est consommée seulement pour les grandes occasions.

Le « régime de santé planétaire » ? Des protéines végétales et un steak par semaine !
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17 janvier 2019 4 17 /01 /janvier /2019 12:37

Besoin de nature, désastre écologique, retour à une ­fascination antique ? Le succès d’ouvrages récents sur la vie ­secrète des arbres ­semble répondre au souhait de la société de mieux comprendre ces êtres immobiles qui communiquent et coopèrent entre eux. D’après Catherine Vincent le 20 décembre 2018 pour Le Monde. Lire « L’Arbre-monde » de Richard Power et Sylvothérapie : « les bains de forêt » améliorent votre santé, et aussi Les forêts françaises ne sont pas à vendre ! et « Le Temps des forêts » : l’exploitation de la forêt est entrée dans la démesure.

Baum 1532/7, image extraite de la série Baum, 2017. ANNE SCHWALBE

Baum 1532/7, image extraite de la série Baum, 2017. ANNE SCHWALBE

Le sapin de Noël est une tradition qui remonte au moins au début du XVIsiècle dans les pays germaniques. Une vieille histoire, donc. Mais depuis quelques années, en déposant leurs cadeaux sous ses branches, certains ne regardent plus leur sapin comme naguère. Quelque chose a changé dans la considération que nous portons au règne végétal. L’arbre en particulier, cet être vertical dont la présence obstinée triomphe sur le temps et suscite un intérêt mêlé de fascination.

En témoigne le succès phénoménal, en Allemagne comme en France, de La Vie secrète des arbres (Les Arènes, 2017), dans lequel l’ingénieur forestier allemand Peter Wohlleben nous fait découvrir les mille et une manières dont hêtres et chênes communiquent entre eux et coopèrent. Depuis, ouvrages et émissions consacrés aux plantes se multiplient. Après les animaux, il semble que ce soit au tour du règne végétal de sortir du « lumpenprolétariat du vivant » – le terme est du philosophe Dominique Bourg. Comment expliquer ce soudain engouement ? Un besoin de nature exacerbé par nos modes de vie trop urbains ? Le désastre écologique en cours, qui vient nous rappeler l’importance des plantes pour la bonne marche de notre planète ? Des racines plus profondes, plongeant dans les temps préhistoriques où l’homme et la forêt ne ­faisaient qu’un ?

Troncs morts dans la forêt primaire de Białowieża. Photo Creative Commons by Ralf Lotys.

Troncs morts dans la forêt primaire de Białowieża. Photo Creative Commons by Ralf Lotys.

Quand la France était un immense manteau vert

Il y a vingt mille ans, au maximum du dernier âge glaciaire, le territoire correspondant à la France était à peu près vide – d’arbres, d’animaux et d’hommes. Quelque dix mille ans plus tard, le niveau des mers a monté de plus de 100 mètres et un immense ­manteau vert a recouvert l’Hexagone... Aucun témoignage direct ne nous est parvenu de cette grande forêt française, mais il est certain que les premières populations humaines la fréquentaient assidûment. « Avant le radoucissement du climat, il y avait tout au plus quelques milliers d’humains dans toute ­l’Europe. C’est seulement ensuite que les populations ont commencé à croître, en même temps que la forêt : toutes les civilisations européennes y sont donc nées », affirme Stéphane Durand, qui vient de publier un passionnant ouvrage à remonter le temps, 20 000 ans ou la grande histoire de la nature (Actes Sud, 250 p., 22 euros).

Tout change il y a environ huit mille ans, lorsque ­apparaissent sur le pourtour de la Méditerranée les premiers éleveurs et cultivateurs. A peine débarqués sur les côtes provençales, ils s’empressent de couper et brûler les antiques chênes pour ouvrir des clairières. La déforestation progresse à l’intérieur des terres, remonte les fleuves, escalade les montagnes : quand les Romains envahissent la Gaule, lors du premier siècle avant notre ère, ils trouvent un pays en grande partie déboisé.

Entre 1800 et 1830, sous le Premier Empire et la Restauration, la forêt française atteint son niveau le plus bas : 9 millions d’hectares, soit environ un sixième du territoire métropolitain actuel. Après quoi de vigoureuses politiques de ­reforestation seront mises en œuvre afin de freiner le déboisement des montagnes, donné comme ­responsable d’inondations catastrophiques dans les années 1840.

Depuis, la forêt française a doublé de surface – « de par la main de l’homme, mais aussi de manière spontanée, du fait de la déprise agricole », précise Stéphane Durand. Cette extension a permis la réapparition de nombreuses espèces animales depuis longtemps disparues de notre territoire. Dans le concert des catastrophes écologiques actuelles et à venir, voilà au moins une bonne nouvelle.

La forêt primaire de Nyungwe. © Yakov Oskanov / 123RF

La forêt primaire de Nyungwe. © Yakov Oskanov / 123RF

De l’arbre à l’homme

« L’arbre n’est pas une plante comme les autres, rappelle Laurent Tillon, chargé de mission en biodiversité à l’Office national des ­forêts (ONF) et auteur de l’ouvrage Et si on écoutait la nature ? (Payot, 400 p., 22 euros). Il nous dépasse et nous transcende en termes de taille et de durée : dans la forêt, on côtoie facilement des arbres de deux cent cinquante ans nés avant la Révolution française. Cet être vivant qui reste silencieux n’en est pas moins très puissant, et garde une part de mystère. » En ce sens, estime-t-il, La Vie secrète des arbres a répondu à une attente de la société : elle souhaite mieux comprendre ces êtres si différents de nous. Avec un anthropomorphisme assumé qui lui a valu de sévères critiques, mais qui a largement contribué à en faire un best-seller.

« Quand Peter Wohlleben parle de l’allaitement des adultes vers les jeunes semis de hêtres, il suggère une similitude entre l’homme et l’arbre qui nous rassure, nous fait nous sentir plus proches de lui », poursuit Laurent Tillon. « Interroger les plantes, c’est comprendre ce que signifie “être-au-monde” », renchérit le philosophe Emanuele Coccia, dont La Vie des plantes (Rivages, 2016) se taille également un joli succès.

Bien que son approche prenne une autre direction, il ne considère pas, lui non plus, que la posture volontairement anthropomorphique de Wohlleben soit un problème. Et rappelle qu’elle ne date pas d’hier. Aristote, par exemple, considérait dans son Traité de l’âme que « ce qu’est la tête dans les animaux, les racines le sont dans les plantes ».

Ce à quoi le philosophe andalou Averroès ajoutait, quinze siècles plus tard : « L’action des deux est identique. » Emanuele Coccia rappelle que cette analogie entre tête et racine, qui fonde celle entre homme et plante, a connu « un succès extraordinaire dans la tradition philosophique et théologique médiévale, jusqu’à la modernité ». Le philosophe Francis Bacon (1561-1626) l’utilisera encore.

Baum 1533/4, image extraite de la série Baum, 2017. ANNE SCHWALBE

Baum 1533/4, image extraite de la série Baum, 2017. ANNE SCHWALBE

Quoi d’étonnant à cela ? Notre relation à ­l’arbre remonte à la nuit des temps. Jacques Brosse, spécialiste de botanique et des religions mort en 2008, retrace dans sa Mythologie des arbres (Payot, « Petite bibliothèque », réédition 2015) l’omniprésence dans les rites anciens de ces végétaux, considérés comme les manifestations de la présence des dieux sur terre. « Lorsque l’on étudie les religions de jadis, note-t-il, on rencontre, à peu près chez toutes, des cultes rendus à des arbres considérés comme sacrés, et singulièrement au plus vénéré d’entre eux, l’Arbre cosmique. Celui-ci constituait le pilier central, l’axe autour duquel ­s’ordonnait l’Univers, naturel et surnaturel, physique comme métaphysique. »

L’Arbre de vie

Chêne, figuier ou olivier : l’arbre tient une place de choix dans l’antiquité gréco-romaine. Dans la Bible et les textes de l’exégèse chrétienne, il devient même essentiel : au milieu du paradis céleste se dresse l’Arbre de vie et, non loin, celui de la connaissance du bien et du mal dont Eve et Adam mangeront le fruit malgré l’interdiction divine. Depuis toujours, le pouvoir émotionnel de cet être immobile s’est exercé sur nous. Sa taille et son silence nous ont sidérés, ses bois morts nous ont effrayés, sa longévité nous a fascinés. L’historien Michelet (1798-1874), parlant aux arbres : « Vous voyez passer l’homme et vous durez mille ans. » Le poète Lamartine (1790-1869), à propos des ­cèdres du Liban : ils « savent l’histoire de la terre mieux que l’histoire elle-même ».

Dans La Douceur de l’ombre (Flammarion, « Champs Histoire », 2014), l’historien du sensible Alain Corbin évoque longuement l’âme prêtée aux arbres par les savants, les philosophes, les poètes et les artistes. Les présocratiques nommaient « homicides » les coups qui leur étaient portés. Aristote comme Platon leur accordaient une âme « végétative ». A l’aube des temps modernes, tandis que ­Descartes (1596-1650) impose l’idée de l’animal-machine, s’amorce paradoxalement en France une réévaluation de la sensibilité ­végétale sous l’influence du botaniste du roi Guy de La Brosse (1586-1641), qui s’enhardit jusqu’à prêter aux arbres des affects. « A ses yeux, le poirier se plaît dans la compagnie des hommes, précise Alain Corbin. L’arbre se ­délecte de la mangeaille et s’attriste de la ­disette. Celui qui est agressé par la hache se resserre sur l’outrage. »

Viendra ensuite, dès le début du XVIIIsiècle en Angleterre et en Allemagne, puis en France, le grand courant du romantisme, réaction ­directe au rationalisme des Modernes. Goethe s’émerveille de La Métamorphose des plantes, Rousseau élabore ses Rêveries d’un promeneur solitaire, Chateaubriand affirme que « l’amour et les passions agitent unanimement les hommes, les animaux et les plantes ». Outre-Atlantique, le philosophe et poète américain Henry David Thoreau se passionne pour l’érable rouge et évoque la douceur des émotions éprouvées par les feuilles mourant de leur chute automnale.

« Les arbres parlent ! »

Mais si l’imaginaire qui entoure l’arbre et la ­forêt n’a pas attendu le XXIsiècle pour se déployer, la redécouverte actuelle se situe dans un paysage nouveau. D’abord, parce que nos connaissances du règne végétal ont ­explosé ces dernières décennies. Ensuite, parce que la crise écologique s’est installée dans les ­consciences, et avec elle un regard inédit sur la nature avec laquelle nous cohabitons.

En 1990, au Congrès mondial de l’arbre qui se tient à Montpellier, une publication scientifique fait les grands titres de la presse. « Les ­arbres parlent ! », affirment-ils. L’étude explique le mal mystérieux qui, depuis dix ans, frappe les antilopes dans une réserve du Transvaal, en Afrique du Sud. Ces bêtes se nourrissent principalement des feuilles des acacias qui les entourent. Lorsque, devenues très nombreuses, elles se mettent à mourir de manière inexpliquée, on mesure dans les feuilles que contenait leur estomac un taux anormalement élevé de tanins – un poison que cet arbuste ­fabrique pour se défendre contre un prédateur. On découvre alors que les feuilles d’un arbre agressé peuvent prévenir ses voisins par un message chimique, afin qu’ils élèvent préventivement leurs teneurs en tanin.

 « Des histoires comme celle-ci, les arbres en ont des centaines à nous raconter ! », affirme Laurent Tillon. En se penchant sur leurs signaux électriques et hormonaux, la neurobiologie végétale a révélé la complexité du comportement des plantes, qui captent, analysent, stockent et partagent quantité d’informations afin de croître et s’adapter au mieux à leur environnement : elles font des choix en permanence.

Où et quand puiser ses nutriments ? Quel ­organe développer ou réduire ? A quel taux se reproduire ? Faut-il faire appel aux autres, ­répondre à leurs messages de détresse ? Autant de questions auxquelles les végétaux ne cessent de répondre. Au point de mériter, selon certains chercheurs, le terme d’intelligence. Et d’avoir gagné le droit à l’estime.

« Depuis les Lumières, le champ de la considération n’a cessé de s’élargir, souligne le naturaliste Stéphane Durand. On a d’abord donné la parole et des droits aux femmes, aux enfants, aux ­minorités, puis on a étendu cet intérêt au-delà de la simple humanité, jusqu’aux animaux et maintenant aux plantes. » Auteur de 20 000 ans ou la grande histoire de la nature (Actes Sud, 250 p., 22 euros), il souligne une autre mutation : « Jusqu’à ces dernières décennies, pour étudier les espèces animales ou végétales, on travaillait essentiellement sur des dynamiques de populations. Désormais, les travaux se concentrent de plus en plus sur les individus… et cela change tout ! »

« Baum 1530/9 », image d’Anne Schwalbe, extraite de la série « Baum », 2017. ANNE SCHWALBE

« Baum 1530/9 », image d’Anne Schwalbe, extraite de la série « Baum », 2017. ANNE SCHWALBE

Lorsque Laurent Tillon part en mission dans la forêt, il regarde la forme des arbres, puis leurs défauts et cicatrices. « A travers tous ces détails, on comprend l’histoire de chaque arbre », affirme-t-il. Et à partir du moment où l’on commence à entendre l’histoire de vie personnelle d’un bouleau ou d’un palmier, ­notre regard sur lui se modifie inévitablement.

Recrudescence des visites en ­forêt

L’autre raison de cet intérêt soudain pour le végétal : la crise écologique en cours. Prendre conscience de ce qu’on inflige à notre environnement – et donc à nous-mêmes – suscite le besoin de se reconnecter à la nature. Réalisées par l’ONF et l’université de Caen, plusieurs enquêtes de fréquentation ont ainsi montré une recrudescence des visites en ­forêt au cours de la dernière décennie : près de 87 % des Français y sont allés en 2015, soit au total plus d’un milliard de visites.

Plus profondément encore, la catastrophe climatique à venir et l’implication de notre espèce dans ce désastre suscitent désormais l’émergence d’une vaste réflexion sur la réinsertion de l’humanité au sein de la nature. Cette remise en question du dualisme ­nature-culture va évidemment bien au-delà de l’arbre, incluant le règne du vivant dans son ensemble.

Mais le réchauffement de notre planète sous l’impact des gaz à effet de serre n’incite pas moins à la reconnaissance vis-à-vis de ce compagnon discret et quotidien, dont les feuilles absorbent jour après jour du gaz ­carbonique pour restituer de l’oxygène – concourant, comme toutes les plantes, à rendre notre atmosphère respirable. Plus de dix ans après sa parution, c’est avec un intérêt renouvelé qu’on relit ainsi le botaniste Francis Hallé, qui, dans son Plaidoyer pour l’arbre (Actes Sud, 2005), relate l’intense dialogue de certaines espèces tropicales avec l’homme, regrettant qu’elles lui aient tant apporté en ayant si peu reçu en retour.

Plaidoyer pour l’arbre, mais aussi plaidoyer pour l’homme

Plaidoyer pour l’arbre, mais aussi plaidoyer pour l’homme. Dans un article récemment mis en ligne sur le site Terrestres, intitulé : « Suivre la forêt. Une entente terrestre de ­l’action politique », les philosophes Lena ­Balaud et Antoine Chopot observent que des habitants de San Francisco greffent des tiges d’arbres fruitiers de manière illégale sur les ­arbres ornementaux des quartiers pauvres, « pour que l’espace urbain redevienne un commun comestible et non marchand pour tous ». Qu’en France, amoureux et techniciens de la forêt « se rassemblent pour racheter collectivement de nombreux hectares forestiers pour les sortir des griffes du marché ».

Dans la pensée écologique contemporaine comme dans les combats citoyens qui s’ébauchent pour lutter contre le réchauffement climatique, le non-humain commence ainsi à jouer son rôle. Dans ce contexte, par les capacités d’entraide et de coopération qu’il révèle, l’arbre pourrait également nous servir d’exemple. Pour le philosophe Emanuele ­Coccia, là réside même le principal message de La Vie secrète des arbres. « Ce que dit Peter ­Wohlleben, précise-t-il, c’est que pour comprendre ce qu’est la cohabitation, ce ne sont pas les animaux qu’il faut regarder : c’est la forêt, qui constitue en quelque sorte le paradigme de la cohabitation parfaite. En ce sens, l’arbre devient un sujet politique. »

Parc national de Białowieża, Pologne

Parc national de Białowieża, Pologne

Les bénéfices de contacts plus réguliers avec les milieux naturels sont à la fois psychiques, physiques, mais aussi sociaux

Alors que nos vies urbaines nous ­coupent de plus en plus des milieux naturels, un nombre croissant de chercheurs soulignent les bienfaits, pour notre santé, d’une plus grande fréquentation des espaces verts. Alix Cosquer, chercheuse en psychologie environnementale au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive du CNRS (Montpellier), spécialiste des interactions entre individus et environnements naturels, développe leurs arguments : « Ces chercheurs sont partis d’un constat : nos pratiques se sédentarisent, la nature s’éloigne de nos espaces de vie et on ­observe, en même temps, l’augmentation d’un certain nombre de troubles – stress, allergies, obésité. A côté des raisons sociales et économiques, l’une des hypothèses expliquant cette évolution pourrait être la raréfaction de nos rapports avec le milieu naturel – l’écologue américain Robert Pyle parle même d’une « extinction de l’expérience » de nature.

Des travaux ont donc été menés pour tester les bénéfices de contacts plus réguliers. Ils ont confirmé que la fréquentation de la nature améliore l’estime de soi ainsi que les capacités d’attention et ­d’apprentissage, qu’elle réduit le stress et la fatigue. Elle prévient même certaines ­pathologies virales par l’intermédiaire des phytoncides – des huiles essentielles émises par les arbres qui favorisent l’activité de certaines cellules immunitaires. »

Dans le numéro de novembre-décembre 20128 de la revue « Pour la science » - « La révolution végétale », Alix Cosquer affirme que les bienfaits des « bains de nature » ne sont pas seulement psychiques et physiques, mais aussi sociaux : « Des recherches menées sur des groupes d’enfants ont montré que les environnements naturels favorisent le calme, la maîtrise de soi, et réduisent les sentiments de frustration ou de colère. Ils ­favorisent donc les comportements ­prosociaux et la coopération plutôt que la compétition. Plusieurs études, menées notamment à l’Institut de la santé et du bien-être de l’université de Glasgow (Ecosse), ont par ailleurs montré que l’accès à des espaces verts atténue les inégalités liées aux revenus en termes de santé.

C’est là une donnée ­sociale qui mériterait d’être prise en compte politiquement, car il existe une forte inégalité sociale en matière d’accès aux espaces de nature : les catégories aisées fréquentent plus souvent les parcs et jardins que les populations défavorisées, et elles pratiquent plus largement des sports de plein air. »

Dans « Les Rêveries du promeneur ­solitaire », Rousseau évoquait le sentiment de nature comme un transport des sens et de l’âme pouvant aller jusqu’à l’extase. « Rousseau parlait d’une rêverie, d’un ­accord, d’une ivresse provoquée par ­l’immensité d’un système dont il se sentait partie prenante », explique Alix Cosquer. « Aujourd’hui, alors qu’on redécouvre aujourd’hui avec la sylvothérapie et ses expériences immersives en forêt, on parlerait plutôt de connexion à la nature. Mais le positionnement du promeneur en forêt reste le même : il est à la fois un observateur extérieur et un être participant à un monde plus vaste qui l’inclut. »

L’engouement actuel pour l’arbre et la forêt s’inscrit dans un contexte de forte prise de conscience écologique. « Redécouvrons l’hypothèse de « biophilie » émise dans les années 1980 par le biologiste américain Edward O. Wilson. Cette hypothèse postule que l’espèce ­humaine a une tendance innée, inscrite génétiquement, à rechercher le contact de la nature dans le but d’assurer la meilleure adaptation possible à son ­environnement. Il ne s’agit que d’une proposition théorique, mais elle fait sens au regard des bienfaits sur la santé que nous venons d’évoquer. Cette hypothèse ouvre également la voie à un rapport plus politique à l’environnement. Prendre conscience de son inscription dans le système écologique en tant qu’acteur du vivant plutôt que comme humain ­déconnecté, c’est un premier pas vers le changement de nos comportements. »

Pour accélérer cette prise de ­conscience écologique, il faut développer nos contacts avec la nature : « C’est la pierre angulaire de la construction d’interactions plus harmonieuses avec notre environnement. Je suis persuadée que nos relations à la nature, la manière dont elles se déploient dès l’enfance et tout au long de notre vie, sont susceptibles de contribuer au développement d’un autre imaginaire avec le monde qui nous entoure. Et que ces ­représentations, à terme, peuvent s’incarner dans des choix de société.

Mais il faudrait pour cela une politique nettement plus ambitieuse en matière d’éducation à la nature, assortie d’actions ­concrètes. En particulier le développement, dans les villes, d’espaces verts à proximité des lieux de vie, et la mise en œuvre de moyens efficaces pour que chacun d’entre nous soit régulièrement confronté à des expériences de nature. »

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Toxic Tour de Pantin à Romainville dimanche 16 juin 2019

Une Biorégion Ile-de-France résiliente en 2050

Merci aux 1779 Lilasiennes et Lilasiens qui ont voté " Pour le climat, tout doit changer ! "

Pollution de l’air dans les écoles et crèches franciliennes

Volonté politique de créer une régie publique de l’eau à Est Ensemble, mythe ou réalité ?

À la base … un revenu ?

Balade naturaliste Parcs de la Corniche des Forts et abords de la forêt de Romainville le 9 mars 2019 à 11h

La forêt de Romainville, un enjeu écologique et politique

La Forêt passe à l'attaque !

Plâtre et béton sur la Corniche

Agir ensemble pour les Coquelicots le 7 décembre

Marche pour le climat, Défendons la forêt de la Corniche des Forts

Destruction des océans, sur-pêche, pêche électrique... avec Bloom mardi 20 novembre

À Romainville, les habitants défendent une forêt sauvage contre une base de loisirs régionale

Marches pour le climat et la biodiversité 13 et 14 octobre

Les amis des coquelicots étaient bienvenus...

Amis des coquelicots, agissons ensemble vendredi 5 octobre à 18H30

La forêt urbaine de la Corniche des Forts - une chance unique à nos portes

Mobilisation citoyenne à la marche pour le climat samedi 8 septembre à Paris

Un coup de pouce Vert pour les Électrons solaires ! 

Le collectif Eau publique des Lilas invite au dialogue le 21 mars

Entre le nucléaire et la bougie, il y a l’intelligence - du 10 au 18 mars aux Lilas

En Ile de France, les énergies renouvelables citoyennes ont le vent en poupe...

Le Syctom a organisé une concertation réservée aux sachants – et après ?

Une enquête publique sur le PLU des Lilas… qui change la donne !

Une victoire pour l'eau publique en Île-de-France

L’eau publique, c’est maintenant !

L’Ouest de la Seine Saint-Denis se mobilise pour la création d’un service public de l’eau

Romainville : le Syctom lance une concertation préalable pour la modernisation du centre de transfert et de tri des déchets

Que sont ces CSR - Combustibles Solides de Récupération - qu’on veut brûler à Romainville ?

Ces parents qui mijotent une cantine publique

De nouvelles préconisations nutritionnelles... Pas d'usine, on cuisine !

À Romainville contre l’incinération

Une victoire de l'engagement citoyen aux cantines rebelles du 10 novembre

Derniers échos de la révision du PLU des Lilas

Les Sans Radio retrouvent les ondes

Europacity : le débat public se conclut sur des positions inconciliables

Le parc (George-Valbon La Courneuve) debout !

Grand Paris : non à la logique financière

Pour une gestion publique, démocratique et écologique de l'eau

Le revenu de base ? Débat mardi 14 juin 20h

C'était la Grande Parade Métèque 2016...

La nature : une solution au changement climatique en Île-de-France

Participer à la Grande Parade Métèque samedi 28 mai 2016

PLU des lilas: enfin un diagnostic et état initial de l'environnement ... à compléter

Avec la loi « Travail », où irait-on ? Débattons-en mercredi 30 mars

Réduire la place de la voiture des actes pas des paroles

La COP 21 aux Lilas

La nature est un champ de bataille

Alternatiba et le Ruban pour le climat des Lilas à la République

Un compost de quartier aux Lilas

Devoir d'asile : de l'Etat jusqu'aux Lilas

Un ruban pour le climat aux Lilas

Six propositions vertes pour une révision du PLU véritablement utile

La Grande Parade Métèque samedi 30 mai

Fête de la transition énergetique et citoyenne le 9 mai aux Lilas