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5 novembre 2020 4 05 /11 /novembre /2020 16:58

De plus en plus de nouvelles maladies infectieuses émergent, principalement à cause de la destruction des écosystèmes. Prévenir leur apparition serait la seule solution durable, selon un nouveau rapport international qui juge le coût de la prévention cent fois moindre que celui de l’inaction. D’après la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et Clémentine Thiberge pour Le Monde le 29 octobre 2020. Lire aussi « Nous dépendons fondamentalement de la diversité du vivant ».

Prélèvement nasal sur un pangolin, à la China Biodiversity Conservation and Green Development Foundation, dans le Zhejiang, en juin 2020. AP

Prélèvement nasal sur un pangolin, à la China Biodiversity Conservation and Green Development Foundation, dans le Zhejiang, en juin 2020. AP

« Dans les décennies à venir, les pandémies vont être plus nombreuses, plus meurtrières, se propageront plus rapidement et feront plus de dégâts à l’économie mondiale ; à moins qu’il n’y ait un changement radical dans l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses. » Voici l’alerte lancée par Peter Daszak, chercheur en zoologie et coauteur d’un rapport sur les pandémies publiées le jeudi 29 octobre par la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

Ce groupe d’experts a réuni en début d’année vingt-deux scientifiques internationaux pour répondre à deux questions : comment les pandémies émergent-elles ? Et peut-on les prévenir ? « Habituellement ce type de rapport prend plusieurs années, explique Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES. Nous l’avons sorti très rapidement car il était nécessaire d’avoir à disposition une évaluation du savoir scientifique sur le lien entre pandémies et biodiversité. »
Les auteurs ont analysé et synthétisé environ 700 références scientifiques. « On a beaucoup d’informations sur les pandémies d’un point de vue social, médical, explique Peter Daszak. Et on en a également beaucoup sur la perte de biodiversité, il était important de relier les deux pour répondre à la question : pourquoi les pandémies se produisent-elles ? »

IPBES - Rapport sur les pandémies, résumé en français.

« Une pandémie tous les dix ans »

Selon le rapport, 70 % des maladies émergentes (Ebola, Zika) et la quasi-totalité des pandémies connues (VIH, Covid-19) sont des zoonoses – c’est-à-dire qu’elles sont causées par des virus d’origine animale. Les principaux porteurs sont les mammifères – chauves-souris, rongeurs, primates, bétail – et les oiseaux. Mais bien que les pandémies trouvent leurs origines dans des microbes portés par des animaux, ce sont bien les activités humaines qui amplifient le phénomène. « Il n’y a pas de grand mystère sur la cause de la pandémie de Covid-19, ou de toute pandémie moderne, explique Peter Daszak. Les mêmes activités humaines qui sont à l’origine du changement climatique et de la perte de biodiversité entraînent également des risques sanitaires par leur impact sur notre environnement. L’expansion et l’intensification de l’agriculture, le commerce, la production et la consommation non durables perturbent la nature et augmentent les contacts entre la faune, le bétail, les agents pathogènes et les humains. C’est la voie vers les pandémies. »

Ces maladies émergent à un rythme de plus en plus soutenu. Selon le rapport, il existerait environ 1,7 million de virus non découverts chez les animaux, et 540 000 à 850 000 d’entre eux pourraient potentiellement infecter les humains. « D’ici peu, nous pourrions avoir une pandémie tous les dix ans, alerte Peter Daszak. Les gérer comme nous le faisons avec le coronavirus n’est pas une solution durable. Sinon, tous les pays pourraient connaître une récession économique continue. » Alors quelles sont les solutions pour réduire les risques de pandémies ? « Notre approche actuelle n’est pas la bonne, insiste le chercheur britannique. Nous espérons toujours contenir et contrôler les maladies après leur apparition grâce aux vaccins et aux thérapies. Mais échapper à l’ère des pandémies implique de laisser une place plus grande à la prévention qu’à la réaction. »

Imiter les cellules antiterroristes

Le chercheur préconise une approche à l’égard des pandémies similaire à celle des cellules antiterroristes. « Il faut faire exactement le même travail, explique-t-il. C’est-à-dire surveiller constamment, écouter les rumeurs de maladies émergentes locales pour pouvoir, dès le début d’une épidémie, la contrôler et l’enrayer. Aujourd’hui, nous ne faisons qu’attendre que les épidémies se développent et circulent. » Les programmes de lutte contre les pandémies agissent souvent dans le cadre de mesures d’urgence. Alors que celles-ci, dans un cercle vicieux, peuvent avoir des négatifs sur la biodiversité, par exemple l’abattage d’animaux ou la diffusion d’insecticides. « Il faut faire attention à ne pas faire passer le mauvais message, explique Peter Daszak. Les virus proviennent de la faune sauvage, beaucoup de maladies sont transmises par les chauves-souris, aussi certaines personnes pensent que la solution serait de les éradiquer. Mais si l’on enlève une espèce, une autre viendra prendre sa place. »

Les chercheurs sont unanimes : il est indispensable de changer radicalement de mode de consommation et d’exploitation. « Il faut réduire la consommation non durable de produits provenant des zones réservoirs de maladies émergentes, ainsi que celle, excessive, de produits issus de l’élevage », soutient Peter Daszak. Serge Morand, chercheur en écologie au CNRS, confirme : « Il faut vraiment remettre l’agriculture au centre des problèmes, et par conséquent au centre des solutions. » Selon le rapport de l’IPBES, le risque de pandémie peut être considérablement réduit en freinant la perte de biodiversité – qu’elle découle du commerce d’animaux sauvages ou de l’agriculture intensive – et en s’efforçant de conserver des habitats naturels propices.

Taxes sur la consommation de viande

Et pour convaincre du bénéfice des approches préventives, les chercheurs mettent en avant les avantages économiques. Le coût de l’inaction en matière de pandémie serait ainsi cent fois plus élevé que le coût de la prévention. Selon leurs calculs, les pandémies et autres zoonoses émergentes coûtent plus de mille milliards de dollars (857 milliards d’euros) de dommages économiques par an. Ils estiment à l’inverse que les stratégies de prévention basées sur la réduction du commerce des espèces sauvages, le changement d’utilisation des terres et une surveillance accrue, coûteraient entre 40 et 58 milliards de dollars par an. A titre d’exemple, les dépenses liées au Covid-19 ont été estimées entre 8 000 et 16 000 milliards de dollars entre le début de l’épidémie et juillet 2020 et pourraient s’élever à 16 000 milliards de dollars rien qu’aux Etats-Unis d’ici à 2021.

Les chercheurs s’agacent du manque d’actions politiques en réponse à leur diagnostic. « Ce rapport, très bien rédigé, est très important, mais le constat qu’il fait l’a déjà été il y a des années, souligne Serge Morand. En 1968 déjà, l’Unesco faisait le rapprochement entre destruction de la biodiversité et pandémie. Maintenant, il faut aller au-delà des constats, il faut aller plus loin ! » Le rapport propose des options politiques qui contribueraient à lutter contre le risque sanitaire : lancer un conseil intergouvernemental sur la prévention des pandémies afin de fournir aux décideurs les meilleures données scientifiques sur les maladies émergentes, prédire les zones à haut risque, évaluer l’impact économique des pandémies potentielles ; rédiger des accords internationaux fixant des objectifs contraignants ; inclure des taxes sur la consommation de viande et la production animale ; renforcer l’application des lois sur le trafic d’espèces sauvages. « Le Covid-19 a mis en évidence l’importance de la science et de l’expertise, soutient Anne Larigauderie. Nous espérons que ce rapport offrira aux décideurs de nouvelles perspectives sur la réduction du risque de pandémie et les options de prévention. »

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3 novembre 2020 2 03 /11 /novembre /2020 16:35

Une étude internationale évalue à 15 % la part de décès dus au nouveau coronavirus liée à l’exposition aux particules fines. D’après Stéphane Mandard le 3 novembre pour Le Monde. Lire aussi La pollution de l’air est un « facteur aggravant » des impacts du Covid­19 et La première conférence mondiale sur la pollution de l'air s'est ouverte à Genève.

La mauvaise qualité de l’air est un facteur supplémentaire de décès du Covid-19

Respirer un air de mauvaise qualité accroît le risque de mourir du Covid-19. Telle est la conclusion d’une étude internationale parue fin octobre dans la revue Cardiovascular Research. Selon les estimations des chercheurs, environ 15 % des décès dans le monde dus au Covid-19 pourraient être attribués à une exposition à long terme à la pollution de l’air. Une proportion qui monte à 27 % dans les régions les plus polluées de la planète, comme l’Asie de l’Est. Elle s’élèverait à 18 % en France, juste en dessous de la moyenne européenne, estimée à environ 19 %.

Dans une démarche inédite, les scientifiques ont cherché à évaluer la part de la mortalité due au Covid-19 attribuable à une exposition à long terme aux particules fines (PM2,5, de diamètre inférieur à 2,5 micromètres), les plus dangereuses pour la santé car elles pénètrent profondément dans l’organisme. « Le nombre de décès dus au Covid-19 augmentant de façon continue, il n’est pas possible de déterminer le nombre exact ou définitif de décès par Covid-19 par pays pouvant être attribués à la pollution de l’air », précise Jos Lelieveld, de l’Institut Max-Planck de chimie à Mayence (Allemagne) et auteur principal de l’étude.

Les résultats se fondent sur des données épidémiologiques collectées jusqu’à la troisième semaine de juin, dans le cadre d’études scientifiques menées aux Etats-Unis, en Chine et en Italie. Pour construire leur modèle de calcul, les chercheurs les ont combinées avec les données sur l’exposition des populations aux PM2,5 issues des observations satellitaires et des réseaux de surveillance de la qualité de l’air dans les villes.

Même s’ils n’en écartent pas la possibilité, les auteurs ne vont pas jusqu’à établir une relation de cause à effet directe entre pollution de l’air et mortalité due au Covid-19. Ils concluent qu’elle est « un facteur important » et « aggravant » de comorbidité. La littérature scientifique a déjà établi de façon solide le lien entre particules fines et décès par maladie respiratoire, accident vasculaire cérébral ou infarctus.

La France, mauvaise élève

« Lorsque les gens inhalent de l’air pollué, les PM2,5 migrent des poumons vers le sang et les vaisseaux sanguins. Cela endommage l’endothélium, la paroi interne des artères. Le coronavirus pénètre également par les poumons, causant des dommages similaires aux vaisseaux sanguins, décrit Thomas Münzel (université Johannes-Gutenberg, Mayence), coauteur de l’étude. Si vous avez déjà une maladie cardiaque, par exemple, la pollution de l’air et l’infection par le coronavirus causeront des problèmes pouvant entraîner des crises cardiaques, une insuffisance cardiaque et un accident vasculaire cérébral. »

La pollution de l’air aurait deux autres effets, relève l’étude. Elle favoriserait l’émergence de foyers épidémiques, en prolongeant la durée de vie du virus dans les aérosols. Elle augmenterait l’activité d’un récepteur, appelé ACE2, situé à la surface des cellules et connu pour être impliqué dans la manière dont le Covid-19 infecte les patients. « Il y a coup double, commente le professeur Munzel. La pollution de l’air endommage les poumons et augmente l’activité de l’ACE2, ce qui conduit à une meilleure absorption du virus ».

Santé publique France (SPF) considère la pollution de l’air comme « un facteur de risque aggravant ». L’organisme doit lancer prochainement une étude sur « le lien entre exposition à long terme aux particules fines et le risque de décès et d’hospitalisations pour Covid-19 ». Au moment du déconfinement, SPF rappelait que « la reprise des activités ne [devait] pas se faire au détriment de la qualité de l’air, déterminant majeur de la santé ». Dans une étude publiée en mars, les professeurs Lelieveld et Munzel avaient revu très significativement à la hausse la mortalité globale due à la pollution de l’air. Selon leurs calculs, elle serait ainsi responsable chaque année, en France, d’environ 67 000 morts. Beaucoup plus que l’estimation de 48 000 morts retenue depuis quelques années par SPF.

Mauvaise élève, la France a de nouveau été renvoyée devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par la Commission, vendredi 30 octobre, pour avoir exposé les Parisiens et les Martiniquais à des niveaux de particules fines supérieurs aux normes légales depuis plus de douze ans. En octobre 2019, la CJUE avait condamné la France pour des dépassements répétés au dioxyde d’azote, un gaz toxique émis principalement par le trafic routier, dans une dizaine d’agglomérations.

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17 octobre 2020 6 17 /10 /octobre /2020 09:18
Devant le Bataclan, à Paris, le 22 décembre 2015, un peu plus d’un mois après les attentats. FRANCOIS GUILLOT/AFP

Devant le Bataclan, à Paris, le 22 décembre 2015, un peu plus d’un mois après les attentats. FRANCOIS GUILLOT/AFP

Trois mois après être sortie de l’état d’urgence sanitaire, le 10 juillet, la France va de nouveau rentrer samedi 17 octobre à 0 heure dans cet état d’exception qui permet au gouvernement de déroger au droit commun. Mercredi, quelques heures avant l’intervention du président de la République à la télévision annonçant notamment des mesures de couvre-feu, le conseil des ministres a décidé de rétablir par décret l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire.

« Eu égard à sa propagation sur le territoire national, l’épidémie de Covid-19 constitue une catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Elle justifie que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré afin que les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu puissent être prises », indique le compte rendu du conseil des ministres. Créé par la loi du 23 mars 2020, ce régime s’inspire largement des dispositions de l’état d’urgence régi par la loi de 1955 qui avait été mobilisé après les attentats terroristes du 11 novembre 2015.

Décrété pour un mois par l’exécutif, l’état d’urgence sanitaire pourra être prorogé au-delà par une loi votée au Parlement, après avis du conseil scientifique. Au printemps, l’état d’urgence avait ainsi été prorogé jusqu’au 10 juillet, avant qu’une loi du 9 juillet de « sortie » de ce régime d’exception organise un régime transitoire qui devait se prolonger jusqu’au 1er avril 2021.

Entre le terrorisme et la crise sanitaire, le pays des droits de l’homme aura donc passé depuis les attentats du Bataclan plus de la moitié de ces cinq années sous un état d’urgence, un régime qui autorise le gouvernement et les préfets à suspendre certaines libertés publiques et individuelles ou à les restreindre dans des proportions exorbitantes par rapport au droit commun.

Politiquement piégé

L’exécutif n’a pas pour autant les mains totalement libres sous l’état d’urgence sanitaire puisqu’il doit « informer sans délai »le Parlement des mesures qu’il prend. Elles sont de plus, comme les arrêtés préfectoraux, susceptibles de recours devant le juge administratif. Depuis le début de la crise sanitaire, le Conseil d’Etat a été saisi de plus de 300 requêtes en référé.

Hasard du calendrier, au moment où Emmanuel Macron annonçait à la télévision de nouvelles mesures pour tenter de juguler l’épidémie de Covid-19 se tenait au Conseil d’Etat la conférence inaugurale d’un cycle de conférences devant s’achever en juin sur « les états d’urgence ».

Pour Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’Etat, la multiplication des états d’urgence conduit à « s’interroger sur le fonctionnement des pouvoirs publics en période normale, car l’état d’exception ne fait qu’exprimer leurs limites ». Celui qui présidait la section de l’intérieur du Conseil d’Etat au moment de la proclamation de l’état d’urgence en 2015 et de ses prorogations successives en 2016 estime que, « sans une vision à long terme de la gestion des risques qui nous menacent, le recours aux états d’exception a toutes les chances de s’imposer de plus en plus fréquemment ». « Le risque serait d’aller vers un état d’urgence permanent qui entretiendrait l’illusion d’éliminer tout risque dans une société de la peur habitée par un sentiment de danger toujours présent », lit-on dans l’analyse préparatoire au cycle de conférences du Conseil d’Etat.

Car l’accoutumance n’est pas le moindre des défis posés par la proclamation de l’état d’urgence. François Hollande s’était retrouvé politiquement piégé pendant les dix-huit derniers mois de son mandat, contraint de demander des prolongations successives de l’état d’urgence pour ne pas se faire accuser de désarmer le pays face à la menace terroriste.

Acceptabilité très variable

L’autre conséquence d’un recours croissant à ces régimes dérogatoires est qu’ils infusent le droit commun. La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017 voulue par la majorité actuelle pour sortir de l’état d’urgence a introduit dans la loi ordinaire des mesures, comme les perquisitions administratives ou des restrictions à la liberté d’aller et venir, directement inspirées de la loi de 1955.

Le même phénomène s’est répété, certes de façon plus limitée dans le temps, avec la loi du 9 juillet sur la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Elle permet aux préfets de prendre des mesures comme celles qui sont encore en vigueur aujourd’hui dans les départements les plus touchés par l’épidémie, déclarés en « zone rouge écarlate ».

Dans ce type de situation, l’acceptabilité des mesures d’exception est très variable. Contre le terrorisme, les restrictions de liberté étaient largement approuvées par l’opinion car elles faisaient peser leurs contraintes les plus lourdes sur une petite fraction de la population. Aujourd’hui, les mesures sont susceptibles de toucher tous les Français.

Selon un sondage publié jeudi 15 octobre, réalisé par le cabinet MRCC pour le barreau de Paris, 55 % des Français ne percevaient pas en juillet de menace sur leurs libertés individuelles, mais 42 % estimaient au contraire qu’elles sont de plus en plus menacées. En revanche, pour 60 % des avocats du barreau de Paris, les libertés individuelles sont aujourd’hui menacées en France et s’inscrivent dans une mauvaise dynamique.

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16 octobre 2020 5 16 /10 /octobre /2020 15:58

L’Autorité de sûreté nucléaire affirme qu’il ne sera pas possible de valoriser l’ensemble des 318 000 tonnes d’uranium appauvri entreposées en France. D'après l'Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) et Perrine Mouterde pour Le Monde, octobre 2020. Lire aussi Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé, Trop cher et trop lent, le nucléaire ne sauvera pas le climat, Ces déchets nucléaires près de chez vous, L’enfouissement des déchets radioactifs n’est pas la seule solution, selon un rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et Ils disent non au lave-linge du nucléaire.

La centrale nucléaire de Cruas (Ardèche), en novembre 2019. Jusqu’en 2013, EDF a réutilisé des stocks d’uranium pour l’alimenter en combustible. JEFF PACHOUD/AFP

La centrale nucléaire de Cruas (Ardèche), en novembre 2019. Jusqu’en 2013, EDF a réutilisé des stocks d’uranium pour l’alimenter en combustible. JEFF PACHOUD/AFP

Il y a davantage de déchets nucléaires en France que ceux qui figurent actuellement dans l’inventaire officiel. C’est en tout cas l’une des conclusions formulées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans un avis rendu public jeudi 8 octobre et passé relativement inaperçu. Elle y affirme qu’une part significative de ce qui était jusqu’à présent considéré comme de la matière radioactive destinée à être réutilisée pour produire de l’électricité correspond en réalité à des déchets radioactifs, qu’il va falloir gérer et stocker. Une orientation à contre-courant de la doctrine défendue depuis des années par la filière nucléaire française.

Cet avis fait suite au débat public sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), dont la cinquième édition est en cours d’élaboration. Actuellement, la loi prévoit qu’un déchet radioactif est un résidu ultime qui ne peut plus être utilisé, tandis qu’une matière radioactive est potentiellement recyclable.

Dans ce document, le gendarme du nucléaire affirme qu’une matière peut être considérée comme valorisable à condition que l’existence d’une filière industrielle soit réaliste dans un horizon d’une trentaine d’années. « Si une substance est qualifiée de matière, les industriels ne vont pas travailler en vue de disposer d’une filière sûre de gestion en tant que déchet, ce qui va poser problème si in fine cette substance n’est pas utilisée », souligne Christophe Kassiotis, directeur des déchets, des installations de recherche et du cycle à l’ASN.

« L’Autorité de sûreté apporte une réponse à ce questionnement autour de la classification en matière ou en déchet en précisant ce qu’il faut entendre par la notion de “réutilisation envisageable”, ajoute Igor Le Bars, directeur de l’expertise de sûreté à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Elle introduit une notion de capacité industrielle et de temporalité. »

318 000 tonnes de métaux lourds

C’est à propos de l’uranium appauvri, issu du processus d’enrichissement de l’uranium naturel nécessaire à la fabrication du combustible utilisé dans les réacteurs, que l’ASN est la plus catégorique. Fin 2018, les stocks s’élevaient à 318 000 tonnes de métal lourd, entreposées dans les installations d’Orano (ex-Areva), à Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne), et au Tricastin (Drôme). Or la part de cet uranium appauvri utilisée pour la fabrication de nouveaux combustibles MOX (composés de plutonium et d’uranium appauvri) représente moins de 2 % de l’accroissement annuel des stocks.

Depuis 2019, la France a également discrètement mis fin aux recherches sur Astrid, un réacteur de quatrième génération qui aurait pu permettre d’utiliser une partie des matières radioactives, dont l’uranium appauvri, comme combustible. 

Le gendarme du nucléaire juge donc que la consommation de l’ensemble des quantités existantes est « irréaliste » avec les filières de valorisation envisagées à l’échelle du siècle. « L’ASN estime indispensable qu’une quantité substantielle d’uranium appauvri soit requalifiée, dès à présent, en déchet radioactif », souligne-t-il. « Cet avis représente une brèche considérable dans la construction théorique qui prévaut en France depuis les années 1970, selon laquelle tout matériau contenant de l’uranium et du plutonium sera valorisable à terme dans le cycle du combustible »,souligne l’expert critique du nucléaire Yves Marignac.

Orano affirme toutefois être en désaccord avec l’ASN et rejette une requalification en déchet de l’uranium appauvri. Le groupe assure que celui-ci peut être enrichi une seconde fois, ce qui lui confère de la valeur.

« Le choix de réenrichir de l’uranium appauvri se fait en fonction du coût de l’uranium naturel, explique Jean-Michel Romary, directeur maîtrise d’ouvrage démantèlement et déchets chez Orano. Pour l’instant celui-ci est assez bas, mais, si le cours continue à monter, il pourrait devenir rentable de réenrichir cet uranium à partir de 2025-2026. » L’entreprise insiste aussi sur le fait que ces stocks, qui représentent des « ressources naturelles exploitables en France », constituent une garantie d’approvisionnement pour les centrales d’EDF.

En dernier lieu, c’est le gouvernement qui peut décider de requalifier, ou non, l’uranium appauvri en déchet.

Alerte sur l’utilisation du plutonium

L’ASN s’est aussi penchée sur d’autres substances impliquées dans le cycle du combustible. La France est l’un des seuls pays au monde à retraiter ses combustibles usés : ce processus permet de séparer le plutonium (1 %) de l’uranium de retraitement (95 %) et des matières fissiles, considérées comme des déchets ultimes (4 %).

Fin 2018, les stocks d’uranium de retraitement étaient de 31 500 tonnes. Jusqu’à 2013, EDF en a récupéré une partie pour fabriquer du combustible neuf qui était utilisé dans les réacteurs de la centrale de Cruas (Ardèche). Aujourd’hui, l’électricien prévoit de reprendre le chargement de ces combustibles dans ses réacteurs de 900 mégawatts (MW) à partir de 2023 et de l’étendre à des réacteurs de 1 300 MW à partir de 2027.

« EDF nous a présenté une stratégie qui conduit à éliminer en une génération cet uranium de retraitement mais cela pose beaucoup de questions, notamment techniques, explique M. Kassiotis. Il va falloir que l’exploitant propose des jalons pour la mise en œuvre réelle de ce plan. » L’ASN souligne notamment que l’arrêt de réacteurs d’EDF d’ici à 2035, prévu par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), aura un impact sur la production et la consommation d’uranium de retraitement. Elle appelle EDF et Orano à mettre en place un échéancier concernant la réduction des stocks et envisage une « éventuelle requalification »d’une partie de l’uranium de retraitement en déchet.

A propos du plutonium, l’Autorité de sûreté pointe, là aussi, l’impact de la PPE. Le plutonium est utilisé pour fabriquer du combustible MOX, qui peut être chargé dans vingt-deux réacteurs de 900 MW. Or ces réacteurs, les plus anciens du parc, seront les premiers à être arrêtés. EDF prévoit de « moxer » des réacteurs de 1 300 MW mais seulement à l’horizon 2032. D’ici là, le stock de plutonium, une substance particulièrement sensible, risque d’augmenter.

Des dysfonctionnements récents de l’usine Melox (Gard) ont en outre déjà conduit à une hausse très importante de ce stock (10,5 %) entre 2018 et 2019, pour atteindre près de 75 tonnes. « On alerte sur le fait que retraiter les combustibles usés pour obtenir du plutonium n’a de sens que si ce plutonium est réellement utilisé dans les réacteurs », résume M. Kassiotis.

L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) est appelée par l’ASN à poursuivre les études de faisabilité concernant le stockage de l’uranium appauvri et de retraitement. Selon des analyses lancées en 2017, ces deux substances, si elles étaient requalifiées, pourraient être considérées comme des déchets de « faible activité à vie longue » – c’est-à-dire peu radioactifs mais sur une période pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années – et pouvant relever d’un stockage à faible profondeur. La question de l’endroit où elles seraient stockées se poserait aussi. Fin 2018, 1,64 million de mètres cubes de déchets étaient gérés ou destinés à être pris en charge par l’Andra.

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14 octobre 2020 3 14 /10 /octobre /2020 11:03

Dans un courrier envoyé lundi 12 octobre, les participants rappellent le chef de l’Etat à son « engagement ». Face à la colère des 150 citoyens tirés au sort pour lui faire des propositions, le président a réaffirmé hier sa volonté d’« agir » contre le réchauffement. D’après Emilie Torgemen pour Le Parisien, Rémi Barroux et Olivier Faye pour Le Monde le 13 octobre 2020. Lire aussi " Une citoyenneté réprimée " et Trois mois après la convention citoyenne pour le climat, la désillusion.

Le président Emmanuel Macron, dont le portrait est ici tenu à l’envers par des activistes, peine à convaincre de la réalité de son engagement pour le climat. (photo AFP)

Le président Emmanuel Macron, dont le portrait est ici tenu à l’envers par des activistes, peine à convaincre de la réalité de son engagement pour le climat. (photo AFP)

Alors que la convention citoyenne pour le climat a fêté son premier anniversaire début octobre, rien ne va plus entre les 150 conventionnels et Emmanuel Macron. Et, derrière les apparences de courriers policés échangés entre le président de la République et les participants, la fracture s’aggrave. Dans une lettre, envoyée lundi 12 octobre au chef de l’Etat par l’association Les 150, formée en juin 2020, à l’issue des travaux de la convention, ses membres lui demandaient « de réaffirmer [son] engagement formel et public en faveur de l’examen sans filtre de [leurs] propositions, un engagement crucial pour mener à bien ce nouveau mandat de suivi ».

La réponse n’a pas tardé, Emmanuel Macron tentant de désamorcer la crise dans un courrier daté du même jour. « Ces débats qui s’annoncent, je les partagerai avec vous, sur la base de vos propositions, pour ne jamais renoncer à l’ambition qui est la vôtre, conformément au contrat moral qui nous lie depuis le début de nos travaux, écrit le président de la République. Certaines de vos mesures méritent des ajustements, dont une partie avait d’ailleurs été soulignée par les juristes qui vous accompagnaient. Parfois, elles nécessitent une temporalité différente de celle que vous proposez, simplement parce que c’est la condition de leur réussite économique, sociale et écologique. » Il n’hésite pas à alerter les conventionnels sur des divergences probables : « Parfois, pour le même objectif, des solutions différentes peuvent émerger. »

Le projet de loi devrait être prêt « pour un conseil des ministres au mois de décembre, à une date proche du cinquième anniversaire de l’accord de Paris », y réaffirme-t-il. Dans ce projet de loi devraient figurer 40 % des propositions des participants. Le chef de l’Etat précise aussi qu’une « trentaine des propositions de la convention sont déjà, soit totalement soit partiellement mises en œuvre ».

La liste des « jokers » s’allonge

En visite sur les lieux des inondations dévastatrices dans les Alpes-Maritimes, le 7 octobre, Ce n’est pas la perception qu’ont les conventionnels du processus engagé dès la remise de leurs propositions au gouvernement, en juin. « Nous avons le sentiment de manquer d’un soutien clair et défini de la part de l’Etat, dont les prises de position nous apparaissent parfois contradictoires », écrivent-ils dans leur courrier de lundi. Et d’évoquer des « déclarations ministérielles discordantes sur les sujets de l’aérien, de la publicité, du déploiement de la 5G, de la baisse de la TVA relative au transport ferroviaire, ou d’autres, [qui] viennent renforcer le trouble et obscurcir la parole présidentielle ».

Emmanuel Macron avait ainsi évoqué la taxation sur le transport aérien, une des propositions des conventionnels, plaidant pour un report de cette mesure : « On a le droit d’avoir dans la mise en œuvre du bon sens collectif. » La ministre de la transition écologique et solidaire, Barbara Pompili, chargée du suivi de la traduction des mesures de la convention dans la politique gouvernementale, avait dû s’expliquer le lendemain. « Le secteur aérien a été durement touché par le Covid, ce que ne savaient pas les citoyens quand ils ont fait leurs propositions, puisqu’ils ont travaillé avant la crise », avait-elle rappelé, sur Franceinfo. « Ce sont des bonnes propositions, mais, simplement, on va essayer de les repousser un tout petit peu dans le temps pour les appliquer à un moment où le secteur aura repris son souffle. »

Choquant alors que les aéroports sont les nouvelles destinations des marches pour le climat ! De quoi exaspérer une partie des 150 qui ont appelé à une conférence de presse, mercredi 14 octobre, devant l’Assemblée nationale. « L’association, par le biais des deux coprésidents du comité de gouvernance de la convention, Thierry Pech et Laurence Tubiana, ont écrit au président, et celui-ci a répondu avec sa communication habituelle. Il n’y a rien de nouveau, il emploie toujours les mêmes termes, cela ne change rien à la colère des citoyens », explique Isabelle Robichon, conventionnelle parisienne, qui devrait annoncer une nouvelle initiative, l’association Les 150 étant, selon elle, « en train d’exploser ».

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12 octobre 2020 1 12 /10 /octobre /2020 12:59

Plusieurs études scientifiques identifient les priorités en matière de sauvegarde du vivant d’ici à 2030, en prévision de la Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations unies sur la biodiversité en 2021. D’après United Nations Convention on Biological Diversity et Perrine Mouterde pour Le Monde, septembre-octobre 2020. Lire aussi « Nous dépendons fondamentalement de la diversité du vivant » et La Convention sur la Diversité Biologique CDB - COP14 constate l’échec des objectifs fixés en 2010.

Comment protéger 30 % (voire 50 %) de la planète ?

Protéger 30 % (voire 50 %) de la planète d’ici 2030 - telle est l’ambition qui semble se dessiner en matière de conservation de la nature. Le projet de cadre mondial qui doit être négocié lors de la 15e édition de la Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique prévue à Kunming en Chine en 2021, dont la version actualisée a été publiée le 1er septembre, affiche cet objectif. « J’invite tous les Etats à rejoindre la coalition [menée par la France et le Costa-Rica] qui vise la protection de 30 % des espaces terrestres et maritimes », a lancé le président Emmanuel Macron lors du sommet de l’ONU sur la biodiversité fin septembre.

S’il s’impose progressivement, ce chiffre de 30 % relève du consensus politique davantage que de fondements scientifiques, des chercheurs appelant plutôt à protéger la moitié de la planète. C’est le cas du célèbre biologiste américain Edward O. Wilson, considéré comme le père de la notion de « biodiversité » et qui a publié en 2016 l’ouvrage Half-Earth (« la moitié de la Terre », WW Norton & Co, 2006, non traduit). Les aires protégées, des espaces géographiques définis, reconnus et gérés pour assurer à long terme la conservation de la nature, demeurent la pierre angulaire des politiques visant à enrayer l’érosion de la biodiversité. « La nécessité de protéger la moitié de la planète est actée d’un point de vue scientifique mais au plan politique, beaucoup de pays trouvent que 30 %, c’est déjà trop », précise Thierry Lefebvre, du programme « Aires protégées » de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN).

ACTUALISATION DU PROJET INITIAL DE CADRE MONDIAL DE LA BIODIVERSITÉ POUR L'APRÈS-2020 - ONU, Convention pour la Biodiversité, août 2020.

Une étude publiée le 4 septembre dans la revue Science Advancesavance, elle aussi, le chiffre de 50 %. L’équipe de chercheurs, menée par l’ONG américaine Resolve, a cartographié les différentes aires à protéger afin de résoudre à la fois les crises climatique et de la biodiversité, en les classant en différentes catégories : celles où vivent des espèces rares (les préserver nécessiterait de protéger 2,3 % de terres supplémentaires), les zones de forte biodiversité (6 %), les habitats des grands mammifères (6,3 %), les espaces sauvages (16 %) et les zones propices à la stabilisation du climat (4,7 %).

« Protéger 50 % de la planète permettrait de constituer un filet de sécurité global pour résoudre les deux défis existentiels de notre époque, explique Eric Dinerstein, le principal auteur de cette étude et directeur du programme biodiversité à Resolve. Mais le chiffre de 30 % est néanmoins un bon début. »

Il y a dix ans, à l’issue des négociations d’Aichi au Japon, la communauté internationale s’était engagée à protéger 17 % des terres et 10 % des mers d’ici à 2020. Sur les vingt objectifs adoptés à l’époque, c’est l’un des rares à avoir connu des progrès notables. Entre 2010 et 2019, la couverture des aires protégées est passée de 14,1 % à 15,3 % des terres et de 2,9 % à 7,5 % des mers. En s’appuyant sur le bilan d’Aichi, une étude publiée dans Nature mercredi 7 octobre dresse les priorités pour la prochaine décennie. « Nous sommes à un moment charnière, explique Victor Cazalis, l’un des auteurs de ces travaux et doctorant de l’université de Montpellier au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive. On s’est beaucoup focalisé sur l’objectif quantitatif d’Aichi, mais il y a aussi des dimensions qualitatives importantes. »

D’abord, les aires protégées doivent être représentatives des espèces et des écorégions – des zones écologiquement homogènes en termes d’habitats et d’espèces. Aujourd’hui, moins de 22 % des espèces menacées d’extinction sont protégées de façon adéquate – c’est-à-dire qu’une proportion suffisante de leur aire de répartition est protégée. Sur les 15 000 « zones-clés pour la biodiversité », environ un tiers n’était pas couvertes par les aires protégées en 2019. « Depuis dix ans, les aires protégées ont été créées en fonction de leur faible coût pour l’activité humaine plutôt que pour un gain réel en matière de biodiversité, souligne Victor Cazalis. Les zones où il y a le plus de poissons, par exemple, ont été trois fois moins protégées que les zones moins riches en biodiversité. »

Derniers espaces sauvages

Au-delà de ces espaces, de plus en plus de voix appellent à protéger en priorité les derniers espaces sauvages ou quasi sauvages de la planète. Fin 2016, la revue Current Biology rappelait que ces zones sont essentielles pour la protection des espèces menacées, pour le stockage du carbone mais aussi pour réguler les climats locaux. « Malgré la myriade d’atouts des zones de nature sauvage, celles-ci sont presque entièrement ignorées dans les accords multilatéraux car elles sont supposées être relativement à l’abri des menaces », écrivaient les chercheurs.

Aujourd’hui, cette vision est en train de changer. « Certains pensent qu’il faut d’abord préserver la biodiversité là où elle est la plus menacée et d’autres ont une approche plus préventive, en insistant sur le fait qu’il faut anticiper de nouvelles pressions par exemple en Sibérie ou dans les pôles, explique Thierry Lefebvre. En réalité, nous avons besoin de combiner ces deux approches. »Selon une étude publiée dans One Earth le 18 septembre, 1,9 million de km2 – soit environ la superficie du Mexique – de terres intactes ont été « fortement modifiées » entre 2000 et 2013.

La protection des zones permettant de séquestrer et de stocker du carbone telles que les forêts primaires, les prairies, les tourbières ou les océans – qui se superposent en partie aux espaces intacts ou à forte biodiversité – apparaît également cruciale.

Ces études récentes insistent sur un dernier point : l’importance de créer des corridors afin que toutes ces aires protégées soient reliées entre elles. Une dimension encore largement ignorée et pourtant d’importance majeure pour permettre la migration des espèces, notamment en période de dérèglement climatique.

L’ONG Resolve propose d’utiliser le « défi de Bonn », une initiative visant à restaurer 350 millions d’hectares de terres dégradées et déboisées d’ici à 2030, pour constituer ces corridors. « On a tendance à protéger les espèces les unes après les autres, de façon séparée, mais ces espèces se déplacent, il faut que l’évolution puisse se poursuivre, insiste Thierry Lefebvre. Au-delà des chiffres, l’un des enjeux est de penser de façon systémique pour bâtir un réseau d’aires protégées connectées, efficaces et fonctionnelles. »

« Il ne faut pas oublier que l’objectif, ce n’est pas de créer des aires protégées, c’est bien d’empêcher le déclin des espèces et des écosystèmes, ajoute Victor Cazalis. Il faut que l’on ait une approche qui se focalise sur les résultats. » Pour cela, il faudra accroître les moyens financiers et humains alloués au fonctionnement des aires protégées, alors que seules 11 % d’entre elles ont déclaré avoir un système d’évaluation de la qualité de leur gestion. « L’action la plus efficace est de renforcer et de financer les peuples autochtones pour qu’ils protègent leurs terres, pointe aussi Eric Dinerstein, car 37 % de notre filet de sécurité se trouvent sous leur juridictionIls ont un rôle crucial à jouer.

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9 octobre 2020 5 09 /10 /octobre /2020 16:06

Dans un rapport présenté mardi 6 octobre, l’Observatoire des libertés associatives dresse l'état des lieux des entraves aux actions associatives en France et détaille des cas d’intimidation ou de répression contre des militants associatifs, dénoncés comme des atteintes graves à la liberté de l’action associative. " Une citoyenneté réprimée " formule aussi des préconisations contre ces obstacles à la contradiction dans le débat public. D’après l’Observatoire des libertés associatives et Rémi Barroux pour Le Monde le 06 octobre 2020. Lire aussi Trois mois après la convention citoyenne pour le climat, la désillusion, Les « Gilets citoyens » écrivent au Président de la RépubliqueDes citoyens financent des réserves de vie sauvage depuis 30 ans et Offensive libérale sur les associations.

« Une citoyenneté réprimée », premier rapport de l’observatoire des libertés associatives.

« Une citoyenneté réprimée », premier rapport de l’observatoire des libertés associatives.

Harcèlement policier, poursuites judiciaires « bâillons », coupes « sanctions » de subventions… Les tentatives d’intimidation de la part des autorités à l’encontre des associations, qu’elles soient de défense des droits humains, environnementales, sociales, culturelles, etc. seraient incessantes, selon un rapport de l’Observatoire des libertés associatives publié mardi 6 octobre.

« C’est une réalité peu documentée, alors qu’on met souvent en avant les violences policières. Quand on parle de répression des militants, on entend la matraque et le juge, mais le prisme de la restriction des libertés démocratiques est beaucoup plus large, moins médiatique, presque banalisé », explique Julien Talpin, chargé de recherches en sciences politiques au CNRS et membre du comité scientifique de l’Observatoire. Créé en mars 2019, cet organisme regroupe notamment la Ligue des droits de l’homme (LDH), France nature environnement ou encore le Collectif des associations citoyennes, et compte de nombreux partenaires tels que la Fondation Abbé-Pierre, Action non violente-COP21, ainsi que la Maison des lanceurs d’alerte.

La restriction des libertés associatives « apparaît comme une tentation des autorités d’entraver la contradiction », selon le rapport. Pourtant, cette capacité des associations à intervenir dans le débat public est nécessaire pour revivifier une démocratie fatiguée, rappelle-t-il. « On ne peut, d’un côté, pousser des cris d’orfraie sur le fait que les gens se détournent de la chose publique, et, en même temps, taper sur les doigts des associatifs quand ils osent critiquer des décisions publiques », énonce Julien Talpin.

Le rapport a étudié les formes de citoyenneté collective réprimées, lesquelles peuvent être des prises de parole critique, des pétitions, l’organisation de manifestations publiques – jusqu’à des formes de désobéissance civile non violentes. « Les institutions impliquées se déclinent à toutes les échelles territoriales : l’Etat central et ses services déconcentrés, les collectivités territoriales et les organismes parapublics. Au regard de la diversité des cas recueillis, ce recensement met à jour un phénomène systémique qui manque encore de reconnaissance institutionnelle », écrit l’Observatoire.

Deux crises récentes

Ce travail est né de la rencontre, en février 2019, du Collectif des associations citoyennes et du Mouvement associatif avec le secrétaire d’Etat chargé de la vie associative, Gabriel Attal. Selon ce dernier, la liberté d’association est bien protégée en France depuis la loi de 1901, et les restrictions, quand elles existent, sont légalement encadrées pour les actions qui menacent l’ordre public (par exemple, l’interdiction d’une manifestation), relatent les auteurs du rapport.

Mais, écrivent-ils, « après présentation de plusieurs cas, le ministre avait nuancé son jugement et concédé le besoin de mieux comprendre la réalité du phénomène pour éventuellement envisager des solutions », d’où le travail d’étude mené par les chercheurs membres du conseil scientifique (sociologues, professeurs de droit…) sur une période couvrant une dizaine d’années. « Notre point de vue n’est pas de défendre les revendications ou tous les modes d’action, mais de défendre un point de vue libéral, et le fait que la critique, à condition que cela concerne des associations qui respectent les droits humains et la légalité, puisse s’exprimer », résume le chercheur.

Deux crises récentes sont venues accélérer le phénomène dénoncé par l’Observatoire. D’abord, au lendemain des attentats de 2015, la transcription dans la loi et le droit commun de mesures liées à l’état d’urgence. « On a aussi assisté à un durcissement pendant le confinement et l’état d’urgence sanitaire, comme par exemple ces militants de la LDH, à Cholet [Maine-et-Loire], qui ont été attaqués par le maire de la ville pour avoir engagé des recours contre le couvre-feu », explique Julien Talpin.

Atteintes « réputationnelles »

Une centaine d’exemples – dont 18 concernent l’immigration et les discriminations, 16 l’écologie et l’environnement et 14 le logement – viennent, dans le détail, illustrer ces pratiques, appuyés par des témoignages de militants associatifs. Quatre catégories ont été identifiées par les chercheurs. Il faut, selon eux, distinguer les mesures répressives qui relèvent des restrictions matérielles, les attaques « réputationnelles » visant les individus, les actions policières, et enfin les mesures judiciaires.

« Les collectivités ont tendance à soutenir les associations les moins critiques à leur égard », Julien Talpin, membre du comité scientifique de l’Observatoire des libertés associatives

Dans la première catégorie, les auteurs du rapport rangent tout ce qui touche au retrait ou à la baisse des aides et des subventions : un phénomène ancien, qui marque souvent l’arrivée au pouvoir, local, régional ou national, de nouvelles majorités, toutes tendances confondues. « Le contexte économique fait que les sommes sont moins importantes – donc les arbitrages plus rudes –, et [que] les collectivités ont tendance à soutenir les associations les moins critiques à leur égard », détaille Julien Talpin.

Les atteintes « réputationnelles » visent, selon les auteurs du rapport à « s’en prendre à l’identité des individus plus qu’au fond des arguments ou des projets en discussion, réduisant d’autant le spectre de la délibération démocratique ». De nombreux exemples sont fournis, avec notamment celui de la porte-parole d’une association environnementale dans les Landes, la Sepanso, qui avait critiqué la méthode de dragage d’un lac, près d’Hossegor. L’adresse de cette militante avait été révélée par le maire (DVD) sur son compte Facebook, dans un message reproduit dans le rapport. Des messages haineux avaient suivi.

Une douzaine de propositions

Le rapport mentionne aussi le « harcèlement » subi par les militants et par les riverains opposés au projet d’une centrale à gaz à Landivisiau (Finistère). Après une manifestation en février 2019, lors de laquelle les participants ont fait tomber un grillage enserrant le site, les perquisitions, amendes et procès-verbaux en tous genres (défaut de contrôle technique sur un véhicule, certificat d’assurance non valide, distribution de tracts sur la voie publique…) sont tombés. « Le motif est légal, mais le caractère systématique et répété amène une sanction disproportionnée et suggère une pratique de type harcèlement », affirme le rapport. Autre exemple : les arrestations de militants opposés au projet Cigeo de stockage de déchets radioactifs à Bure (Meuse).

Les auteurs du rapport avancent une douzaine de propositions, parmi lesquelles la mise en place d’une « procédure de reconnaissance pour mieux protéger les associations », « une justification renforcée et une procédure de protection en cas de soupçon de coupe “sanction” de subvention ». La protection des associations « contre les procédures juridiques visant à les empêcher de contribuer à des questions d’intérêt public », appelées communément « procès bâillons », est déjà à l’œuvre dans d’autres pays. « Aux Etats-Unis et au Canada, la pratique de plaintes ou [de] procédures abusives visant les associations de défense des droits, [lesquelles sont] qualifiées de “Slapp” (Strategic Lawsuit Against Public Participation) – ou “procès bâillons” –, a été reconnue comme un problème entravant l’action citoyenne », explique le rapport.

Téléchargez le rapport Une citoyenneté réprimée, de l'Observatoire des libertés associatives.

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3 octobre 2020 6 03 /10 /octobre /2020 12:18

Le choix d’une mise à l’arrêt temporaire de l’économie réelle par l'adoption du confinement de masse ainsi que l’ensemble des mesures qui se sont suivies pour répondre à la propagation fulgurante de la Covid 19 semblent configurer une nouvelle forme de gouvernementalité s’appliquant à l’échelle planétaire et s’appuyant sur les technologies de contrôle numériques pour s’exercer : une gouvernementalité anthropocénique. Un essai passionnant de Sophie Gosselin et David Gé Bartoli de juin 2020, publié sur Terrestres, en Creative Commons (BY-SA). Lire aussi Anthropocènes Noirs. Décoloniser la géologie pour faire monde avec la Terre, Philippe Descola : « Nous sommes devenus des virus pour la planète » et Propositions pour un retour sur Terre.

COVID-19 : vers une gouvernementalité anthropocénique

Que les États décident de mettre quasi-simultanément sous cloche environ 4 milliards d’êtres humains en les confinant chez eux, c’est sans précédent dans l’histoire. Et qu’ils fassent le choix de mettre à l’arrêt l’économie réelle, voilà qui ne s’était sans doute jamais vu depuis le début d’une ère capitaliste qui a érigé l’économie en valeur absolue. Bien que ne résultant pas d’une concertation entre États souverains, le traitement de la « crise » de la Covid-19 [1] implique la mise en oeuvre d’une véritable « gouvernance [2] » planétaire avec la mise en place d’un confinement à grande échelle, de dispositifs d’évaluation des risques en temps réel s’appuyant sur des modèles mathématiques et informatiques appliqués à des échelles globales, de mesures de contrôle des populations et de l’imposition de contraintes sanitaires (la distanciation dite « sociale ») et sécuritaires (police, drones, détecteurs de présence, traçabilité) [3]. Loin de se limiter à une réponse sanitaire, les choix fait par les autorités politiques pour répondre à la propagation mondialisée du virus dessinent les contours d’une forme de gouvernement des vivants qui semble avoir pris acte de l’entrée dans l’anthropocène, c’est-à-dire de ce moment où l’humanité est mise en scène comme force géologique ayant de manière irréversible transformé ses milieux de vie. Cette gouvernementalité anthropocénique aurait pour enjeu de trouver des réponses à la situation d’instabilité générale et globale provoquée par le développement de l’économie moderne à travers l’exploitation illimitée des ressources naturelles, instabilité qui concerne l’ensemble des êtres vivants et à laquelle les États nationaux modernes ne semblent pas en mesure de répondre. Si la politique gouvernementale moderne s’appuyait sur une anthropologie exclusive opposant l’Humanité à une Nature considérée comme extérieure, la gouvernementalité anthropocénique inaugure l’avènement d’une anthropologie intégrative s’appuyant sur les NBIC [4] pour synthétiser la nature dans un système contrôlable. Le virus Covid-19, qui apparaît comme l’opérateur paradoxal de la jonction entre les humains et leurs milieux de vie, a fonctionné comme modèle et vecteur de cette nouvelle politique. Il a permis de rendre explicite une gouvernementalité planétaire qui était déjà opérante mais qui n’était pas encore visible comme telle : un géo-pouvoir [5].

1/ Le néolibéralisme comme anthropologie adaptative

L’hypothèse selon laquelle l’irruption du virus Covid-19 et sa propagation vertigineuse à l’échelle planétaire serait l’occasion d’accélérer la mise en place d’une gouvernementalité anthropocénique, nous permet de relire sous un autre jour les politiques mises en œuvre ces 40 dernières années et en particulier la vague néolibérale qui a déferlé sur la planète depuis le début des années 1980. Celle-ci correspondrait moins à un accomplissement du capitalisme dont la nature serait fondamentalement économique qu’à une transition vers une nouvelle forme de gouvernementalité. Elle fait de l’économie le moyen d’une transformation anthropologique dont l’enjeu est l’ « amélioration » de l’espèce humaine pour son adaptation à un environnement planétaire qui lui serait devenu hostile.

L’analyse proposée par Barbara Stiegler dans son livre Il faut s’adapter [6] nous semble confirmer cette analyse. À partir d’une lecture de Lippmann [7], elle montre que l’objectif du néolibéralisme n’est pas seulement économique, mais d’abord anthropologique : s’inscrivant dans une lecture évolutionniste (d’inspiration darwinienne) de l’espèce humaine, Lippmann donne comme objectif au politique d’organiser à l’échelle de masse l’adaptation (forcée) de l’espèce humaine à la nouvelle condition imposée par la mondialisation des échanges : la condition planétaire. C’est pourquoi le néolibéralisme fait, à l’instar des ordolibéraux allemands analysés par Foucault [8], appel à l’État. L’État, selon ces néolibéraux, doit intervenir dans le jeu de la reconstruction de l’espèce humaine. Mais cet État n’est plus celui incarné par une autorité transcendante qui, à l’image du Léviathan de Thomas Hobbes, fonde la société. A l’ère du néolibéralisme, l’action de l’État consiste essentiellement à poser un cadre normatif qui accompagne, induit et contrôle les transformations du corps social en temps réel en laissant aux entrepreneurs privés le soin d’appareiller cette transformation. Or cette transformation n’est plus seulement économique, sociale ou politique. Elle met en jeu une certaine conception du vivant. L’État ne pose plus une forme idéale transcendante impliquant un respect des limites, mais organise un processus d’information continu immanent au corps social lui-même. Ce pourquoi l’État se doit d’être intrusif et d’imposer, par la force s’il le faut, une adaptation biologique de l’espèce humaine, tant à travers des projets de réforme, des programmes éducatifs que des politiques de santé publique. Nous sommes ainsi passés d’une politique de santé publique d’État (avec pour but de soigner des maladies) à une politique de santé institutionnelle de type libérale fondée sur des relations contractuelles (avec tarification de l’acte qui est envisagé comme un service) [9]. Les patients sont devenus des clients qui demandent des services et dont l’objectif est moins directement le soin qu’une meilleure adaptabilité à l’environnement de la performance [10]. S’organise ainsi une plasticité institutionnelle, économique et juridique (celle des hôpitaux-cliniques considérées comme des entreprises) sur fond d’une plasticité anthropologique : « Transforme-toi selon les normes en vigueur», « Prends-toi pour unité de production », « Gère ton capital santé », « Deviens auto-entrepreneur de ton propre corps », « Organise ton attention et tes désirs en fonction des vues sur les réseaux sociaux ». Il y aurait ainsi une culture institutionnelle de la biologie et une biologisation de la culture instituée, les corps intégrant des dispositifs technico-biologiques qui sont aussi des politiques de contrôle et de l’adaptation permanente. La santé s’envisage ainsi de plus en plus dans l’horizon d’un idéal normatif construit à partir de moyennes statistiques et d’une idée de la « santé parfaite » promise par la perspective d’une amélioration de l’espèce s’appuyant sur les NBIC [11].

COVID-19 : vers une gouvernementalité anthropocénique

Un nouvel élément essentiel apparaît ici que l’analyse de Barbara Stiegler ne prend pas en compte : c’est la convergence de la théorie néolibérale et de la cybernétique. La cybernétique est la science de la communication et du contrôle dans l’animal et la machine [12], ou encore la science des systèmes et de leur auto-régulation [13] qui donna naissance aux technologies numériques. Or celles-ci ne sont pas simplement des outils ou instruments prolongeant le corps humain, elles produisent un espace et un temps qui induit, engendre des comportements. Elles nous obligent, par leur simple usage, à être informés par les normes qu’elles objectivent. Le caractère systémique des technologies numériques nous transforme de facto en acteur-réseau (humain et non-humain n’étant plus distingués) dont l’ensemble des interactions (ou « l’agentivité ») pourront être retraduites en code et ainsi intégrées dans la bonne marche du système global. Nous ne sommes plus des sujets mais des agents actifs-passifs d’une plus-value qui en passe par notre corps, un système restreint à l’intérieur d’un hyper-système : la Terre pensée comme unité de production bio-technologique.

L’un des outils essentiel pour encadrer, gérer voire générer cette nouvelle unité de production, c’est la bio-informatique. Née dans les années 80, elle permet d’opérer la jonction du vivant et de sa traduction sous la forme d’informations (ou données, « data »). L’idée d’une programmation à même le vivant sous la forme d’un code (comme pour un logiciel) a pu trouver son aboutissement dans l’invention de la théorie du « programme génétique » [14]. Il devient possible de « séquencer » le vivant sous la forme d’algorithmes et d’en faire des données manipulables. C’est cette bio-informatique, couplant calcul algorithmique du vivant et organisme conçu comme système complexe de comportements en rétroaction, qui modélise les « comportements » du virus Covid-19 et qu’utilisent les experts en épidémiologie pour analyser en temps réel sa propagation à l’ensemble de la population humaine [15] sous la forme de courbes et de statistiques. Le néolibéralisme-cybernétique adopte ainsi les caractères mutagènes du virus et sa capacité à s’adapter à des milieux diversifiés, ainsi que sa capacité à survivre en parasitant ses hôtes, l’érigeant en modèle afin de suivre et contrôler les comportements plus ou moins imprévisibles des organismes vivants. Par la généralisation des dispositifs numériques, la gouvernementalité anthropocénique mise en œuvre par la « société des experts » (Lippman) destitue le sujet moderne envisagé comme sujet conscient maître de ses décisions au profit d’un techno-organisme dont il s’agit d’adapter les comportements et de rendre productif [16].

COVID-19 : vers une gouvernementalité anthropocénique

2/ La gestion technocratique des milieux vivants

Contrairement à l’anthropologie exclusive de la modernité qui repose sur le partage entre culture et nature, mettant en scène une Humanité consciente et maîtresse de ses actions face à une nature passive à dominer, la cybernétique définit une anthropologie intégrative qui incorpore les non humains dans un système de systèmes dont les composantes (des agents indifférenciés) sont en interaction continue. Si dans le cadre de l’anthropologie exclusive de la modernité, le libéralisme prônait le développement d’une économie qui devait accompagner et accomplir le progrès moral de l’humanité (l’idée de perfectibilité), dans le cadre de l’anthropologie intégrative, l’amélioration adaptative de l’espèce remplace la perfectibilité morale. Nicolas Le Dévédec décrit ce processus en disant qu’à la politique et au social se substitue une « biologisation de la culture » [17] générant des interdépendances post-sociales. Son actualisation politique n’en passe plus par l’organisation de l’espace social mais par l’intégration d’unités hétérogènes dans un chaînage anthropotechnique. On n’est plus dans une politique de la décision (qui suppose un sujet) mais de l’adaptabilité qui repose essentiellement sur la capacité des sociétés humaines à prendre en considération les risques qu’elles encourent dans un environnement hostile, un milieu hybride post-social que nomme « l’événement anthropocène » [18].

Le projet cybernétique répond à un triple enjeu : offrir un nouveau projet de gouvernement des milieux [19] intégrant de manière indifférenciée des vivants et des non vivants en s’appuyant sur les technologies numériques (ou technologies du code) pour permettre de stabiliser un nouveau champ d’exercice du politique à l’échelle planétaire. Elle pose ainsi les bases d’une gouvernementalité anthropocénique puisque sa réalisation suppose de considérer la possibilité d’adapter l’humanité à un milieu hybride (indissociablement naturel et culturel) qu’elle a elle-même contribué à forger. L’anthropocène met en effet en scène le récit d’une humanité homogène qui aurait transformé la nature jusqu’à la faire disparaître. Plus rien n’échapperait à la main mise de l’homme et corrélativement l’être humain ne constituerait plus une singularité différenciée au sein du règne naturel. Ce récit univoque invisibilise la multiplicité des conflits sociaux, politiques, culturels et écologiques, mais il fait aussi comme si plus rien de spontané, de sauvage, ne pouvait exister. Il valide la rationalisation et technologisation des milieux vivants promise par la cybernétique. C’est pourquoi cette dernière trouve un prolongement naturel dans la géo-ingénierie, cet ensemble de techniques qui visent à manipuler et à modifier le climat et l’environnement de la Terre à échelle 1. Le projet d’adaptation se veut donc à double sens : il s’agit à la fois d’adapter l’humanité (à l’aide de prothèses, d’une pharmacologie améliorative ou de manipulations génétiques) à un milieu devenu hostile du fait des dégradations provoquées par la société industrielle, tout en adaptant cet environnement à sa gestion géo-ingénieuriale et éco-constructiviste [20]. L’irruption de la Covid-19 et sa propagation fulgurante à l’échelle globale a mis au défi cette gestion adaptative et la nécessité de mettre en place des technologies de contrôle capables d’intégrer les « écarts » de la nature qui persistent à résister. Or l’usage des technologies ne fait pas de cette option une réponse simplement technique. Comme l’indique son étymologie (kubernetes : gouvernail), la cybernétique se veut dès le départ un projet de gouvernement dont l’exercice en passerait moins par une autorité supérieure extérieure au corps social que par une gestion technologique et réticulaire des systèmes vivants et non vivants (de la cellule à la Terre en passant par la famille, l’entreprise, la société) envisagés comme des ensembles de boucles de rétroaction.

COVID-19 : vers une gouvernementalité anthropocénique

C’est pourquoi la nouvelle gouvernance globale trouve moins à s’incarner dans la figure anthropomorphe d’un État Léviathan que dans celle d’un État hybride, un État Cyborg en lequel se mêlent indissociablement le vivant et le machinique, la souveraineté d’État et le pouvoir des multinationales (et particulièrement des GAFAM [21]). La figure du cyborg, cet être mi-animal mi-machine imaginé par Norbert Wiener puis mis en scène dans les récits de science-fiction, correspondrait donc à la nouvelle figure prise par l’État à l’ère de l’anthropocène, État dont l’exercice repose essentiellement sur la mise en œuvre (forcée) de technologies de contrôle auto-régulées. Elle organise la gestion de milieux hybrides dans lesquels se mêlent indifféremment humains et non humains, vivants et non vivants.

Quelle différence y a-t-il entre l’État Léviathan et l’État Cyborg ?

Dans l’État Léviathan les individus humains rassemblés formaient un Tout. Le Tout du corps social se composait de la somme des parties et se définissait essentiellement dans un rapport de conflit avec la Nature pensée comme extérieure au corps social.

Dans l’État Cyborg, l’individu n’est plus une partie d’un Tout, mais pris à l’intérieur d’un ensemble de chaînages de systèmes interdépendants dont le système global n’est que la résille et la courroie de transmission. Les individus sont décomposables en dividus (des séquences d’informations) par lesquels ils sont distribués à l’intérieur de différents niveaux de réseaux et différentes échelles de système. Cet État Cyborg vise à intégrer l’ensemble des dimensions de l’existence, du minéral au psychique en passant par le biologique, le tout pris dans un ensemble de boucles de rétroactions sur le fond d’un monisme énergétiste (tout est énergie traductible en code : de la cellule jusqu’au cosmos) globalisé à l’échelle du Système-Terre.

3/ Politique immunitaire et économie de la « monnaie vivante »

Ce qui est important à comprendre c’est le changement d’échelle politique que cela implique. Le gouvernement anthropocénique s’envisage à l’échelle planétaire et c’est de manière contingente (et pratique) qu’elle s’appuie sur des échelles nationales qui sont complètement vidées de leur substance.

Que s’agit-il de gérer à l’échelle globale ? Non pas des peuples ou des populations nationales, mais un corps global (planétaire) : celui d’une espèce humaine qui ne se dissocie plus d’une nature artificialisée, et qui doit donc apprendre à gérer tout ce qui de la nature (des corps) résiste à l’intégration.

On assiste alors à la conjonction d’un double paradigme auparavant antagoniste (et donc à première vue contre-intuitif) :

    – un paradigme immunitaire qui vise à définir un « Soi » contre un « non-Soi ». Dans le contexte moderne, le Soi, c’est l’Humanité (la culture) et le non soi, la nature. Dans le contexte anthropocénique, humains et non humains, animés ou non, font Un au sein du Système-Terre.

Il s’agit de former l’unité de ce corps global planétaire contre ses ennemis potentiels (virus, parasites, phénomènes auto-immunitaires). Ce grand Soi n’est pas le rassemblement d’individus, mais un grand organisme cybernétique, un système de systèmes [22]. Le paradoxe auquel se confronte ce paradigme immunitaire c’est qu’il n’y a plus de non-Soi faisant face à ce grand Soi immunitaire. Il n’y a plus de dehors. La frontière passe à l’intérieur du corps, de tous les êtres de nature, et doit être gérée par des calculs qui visent sans cesse à juguler et maîtriser les écarts (de conduite). Ce que l’on appelle traditionnellement la « nature », et qui était jusqu’alors considérée comme extérieure à la société humaine, s’envisage dorénavant comme l’ensemble des écarts qui résistent à l’intégration. La gouvernementalité va chercher à gérer et juguler tous les écarts qui peuvent survenir au sein de ce corps global, en réajustant sans cesse les mécanismes d’auto-régulation du système planétaire. Un virus qui surgit au sein de ce corps global sera envisagé comme écart à gérer. Ou, traduit en langage économique, comme « incertitude à réduire ». En organisant un corps planétaire unifié (un grand Soi immunitaire), la gouvernementalité anthropocénique crée les conditions de diffusion des virus. Mais c’est un risque qu’elle prend pour réaliser le basculement anthropologique.

paradigme holistique : ce Soi s’envisage comme un Tout planétaire. Il y a interdépendance entre le Tout et ses parties (systèmes de Système), c’est-à-dire entre les acteurs réseau sur le fond d’une gouvernementalité anthropocénique de type cybernétique (systémique et organique). L’auto-régulation se fait par l’installation de dispositifs externes et de dispositions internes. Concernant les dispositifs externes, il y a généralisation du principe panoptique par la multiplication de salles de contrôle, de satellites, de caméras et de drones de surveillance, d’objets interconnectés, qui fondent la sphérologie matérielle de l’idéal-type d’une cyber-planète. Quant aux dispositions internes : il y a une généralisation de la plasticité des corps et de leur adaptibilité environnementale qui fonde une « agentivité » prescriptive (programme) et informée (consentement adaptatif). C’est sur ce point surtout que la gouvernementalité anthropocénique rencontre des résistances et doit mettre en œuvre des stratégies forçant à l’adaptabilité. Par exemple, en épuisant les populations qui résistent en multipliant les projets de réforme, en généralisant la situation de crise, ou en employant la stratégie du choc [23] pour obliger l’adhésion psychologique à la soumission.

COVID-19 : vers une gouvernementalité anthropocénique

Dans le cas du coronavirus, la gestion du corps social comme grand Soi immunitaire s’est faite surtout à travers une restructuration de l’espace. Par l’application de techniques de traçabilité des malades de la Covid-19 [24] qui préfigurent la mise en place d’une société de contrôle sans précédent. Mais aussi par la distanciation dite « sociale » (alors qu’il s’agit en fait d’une distanciation physique) révélant ainsi l’ambiguïté d’une politique qui confond « geste barrière » et « relation sociale » et qui légitime la transformation en profondeur de cette dernière par l’intermédiaire de médiations démultipliées. Le confinement a ainsi servi d’expérimentation à grande échelle à une restructuration profonde de l’espace public et des relations entre individus en organisant un passage en force de l’utilisation des technologies numériques instituées en vecteurs essentiels de l’organisation sociale et économique : télé-travail, télé-éducation, télé-médecine, télé-sport…, comme si toute activité humaine pouvait et devait dorénavant en passer essentiellement par internet, être traduite dans le langage du code numérique, préparant ainsi l’installation annoncée de la 5G dont l’objectif est de multiplier les connexions, l’intégration et l’interopérabilité des objets communicants jusqu’à transformer nos milieux de vie en systèmes automatisés. Des « smartcities » (villes dite « intelligentes ») au big data en passant par la téléchirurgie, le véhicule autonome et l’automatisation industrielle, la 5G inaugurerait un monde dans lequel les ordinateurs et périphériques pourraient communiquer entre eux.

Mais comme l’indique Bensaude-Vincent dans son article « Guerre et paix avec le coronavirus [25] », ce qui pose problème c’est le temps du virus, un temps qui n’appartient pas au temps des hommes comme agents des transformations historiques. Face à ce problème du temps, la réponse trouvée repose sur un calcul des risques, c’est-à-dire sur la mise en place de systèmes de rétroaction capables de mesurer les risques et de réagir en temps réel. Dans le cas de la pandémie du coronavirus, le choix du confinement peut être envisagé comme ne résultant pas seulement d’une panique et d’un effet de mimétisme global (ce qu’il est aussi sans doute), mais aussi comme une des conséquences de ce calcul des risques : sacrifier 3 mois d’une économie « réelle », quitte à mettre au chômage des milliers d’employés et à précariser des petites entreprises, afin d’installer une gouvernementalité anthropocénique et la nouvelle économie qui lui est corrélative. Cette économie ne met plus seulement en jeu des échanges marchands ou monétaires mais institue la donnée (data) en valeur d’échange généralisée, permettant d’intégrer dans la circulation globale l’ensemble des interactions entre vivants et non vivants au sein d’un milieu global envisagé comme Système-Terre. Ainsi, la mise à l’arrêt de l’économie réelle, bien loin de mettre un frein à la circulation économique, en déplace le curseur faisant du numérique l’étalon et le vecteur principal de tout échange. Chaque corps et chacun de nos mouvements, réels ou virtuels (nos clics), sont instantanément traduits en monnaie vivante dans une économie qui ne fait plus de différence entre du blé, des biens, des bitcoins, du bétail et de l’humain. Il ne s’agit pas seulement de dire que la monnaie rend possible une équivalence générale des êtres, mais que les êtres eux-mêmes, en tant que vivants traduits en « codes », deviennent des monnaies d’échange. C’est ainsi que les États passent contrat avec les entreprises multinationales des technologies numériques (les GAFAM) avec lesquels ils se divisent le pouvoir. Les États donnent aux multinationales des droits d’accès aux données privées des individus « connectés » et en échange les multinationales apportent les outils de gestion et de transformation du corps global.

Face à cette nouvelle forme de gouvernementalité, de nombreuses résistances se font jour et ne cessent de se multiplier. L’expérience même du confinement, en suspendant l’urgence généralisée, a non seulement permis certaines prises de conscience, a aussi donné lieu à des critiques des politiques gouvernementales et à des pratiques de solidarité [26], mais a surtout suscité des aspirations pour d’autres formes de vie. À travers ces résistances s’esquissent selon nous la possibilité d’envisager d’autres manières d’habiter la Terre dans laquelle la « nature » serait moins cette donnée imprévisible à intégrer que l’occasion de renouer avec notre condition d’être sensible et sentant. Au lieu d’une gestion généralisée des risques, il s’agirait de prendre le risque [27] d’un décentrement de l’humain qui l’ouvre à d’autres formes de relations.

À la condition planétaire installée par la gouvernementalité anthropocénique, ces résistances ouvrent la voie d’une alternative que nous qualifions de « condition terrestre » [28]. Les terrestres ne s’opposent pas seulement aux modernes [29] mais aussi et surtout, aujourd’hui, à ce monstre engendré par la modernité anthropotechnique : l’État Cyborg de la gouvernementalité anthropocénique. Au récit unificateur de l’anthropocène, ils opposent la multiplicité des expériences sensibles et des manières de faire monde qui peuplent la Terre. Prendre acte de la condition terrestre implique de rompre avec l’injonction à l’adaptation et à l’interaction continue et de libérer les espaces et les temps en favorisant la libre évolution et la multiplicité des rencontres entre les formes de vie.

Notes

1.

 

COVID-19 est le sigle anglais désignant la maladie liée au coronavirus SARS-CoV2 apparue fin 2019.

2.

 

Nous  mettons « gouvernance » entre guillemets car il s’agit du concept néolibéral pour qualifier des techniques de gouvernements.

3.

 

La caractéristique de cette « gouvernance » est qu’elle résulte moins de la volonté concertée des Etats que de l’implémentation de techniques de gouvernements qui par leur conjonction produisent une gouvernementalité globale.

4.

 

NBIC renvoie à Nano-Bio-Informatique-Cognitif.

5.

 

Pierre de Jouvancourt, Christophe Bonneuil, « En finir avec     l’épopée » (juin 2014), Revue Terrestres, https://www.terrestres.org/2014/06/09/en-finir-avec-lepopee/, Voir aussi Federico Luisetti « Geopower : On the states of nature of late capitalisme », European Journal of Social Theory, 2019, Vol. 22(3).

6.

 

Barbara Stiegler, « Il faut s’adapter », Sur un nouvel impératif politique, Gallimard, 2019.

7.

 

Walter Lippmann était un journaliste américain influent, grand promoteur du néolibéralisme. Il a été l’auteur de nombreux essais, en particulier The Good Society en 1937, qui fustige le collectivisme sous toutes ces formes. Ensuite, il a inspiré le colloque Walter Lippmann : tenue à Paris avant la guerre, cette réunion d’économistes, d’intellectuels et de patrons est souvent considérée comme la première expression, avant la Société du Mont-Pèlerin, d’une internationale néolibérale2. Enfin, ce théoricien de « l’opinion publique » est parfois présenté comme le grand justificateur des techniques de propagande qui ont permis le triomphe de la bataille idéologique néolibérale. Cf. http://1libertaire.free.fr/WLippmann01.html

8.

 

Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France, 1978-1979, Gallimard-Seuil, 2004

9.

 

Voir « Le management néolibéral de la médecine, les réformes de   l’hôpital 1983-2009 », COMMISSION DLA 37 (DLA : Décentralisation, LOLF, AGCS), mars 2015, http://perso.orange.fr/CommissionDLA37

10.

 

De là le paradigme du handicap repris dans toutes les campagnes idéologiques de l’homme augmenté, dont la figure tutélaire est Oscar Pistorius.

11.

 

Ce qui s’exprime partout aujourd’hui à travers le conflit entre médecine thérapeutique et médecine améliorative. Cf. « L’humain augmenté, une enjeu social », Nicolas Le Dévédec et Fany Guis, https://journals.openedition.org/sociologies/4409

12.

 

Norbert Wiener, Cybernetics   or Control and Communication in the Animal and the Machine,  MIT Press, 1948, ré-éd. 1961.

13.

 

Les bases de cette science sont explicitées par Norbert Wiener en 1947  et explorées en vue d’être standardisées lors des conférences     Macy qui se déroulent à New York de 1942 à 1953 et qui réunissent des scientifiques d’horizons très divers (mathématiciens,  logiciens, ingénieurs, physiologistes, anthropologues,  psychologues, etc.).

14.

 

La théorie du vivant développée par François Jacob en constitue le     paradigme. La logique du vivant, une histoire de l’hérédité, Gallimard, 1970.

15.

 

Le logiciel de bio-informatique français PhyML (Phylogenetic using  Maximum Likelihood) qui permet de reconstruire la généalogie des virus et leurs chaînes de transmission, est au coeur de la     recherche mondiale sur le coronavirus. Des chercheurs appartenant au Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier ainsi que ceux du département de Biologie  computationnelle et de l’unité de Bio-informatique évolutive de l’Institut Pasteur à Paris en sont les initiateurs et les principaux utilisateurs.

16.

 

Avec les technologies de l’information, on n’a plus affaire à des     sujets conscients qu’il s’agit d’instruire, mais à des systèmes individués qu’il s’agit d’informer (de là un changement de paradigme éducatif).

17.

 

« Selon le sociologue Nikolas Rose, une nouvelle forme de biopouvoir tend ainsi depuis la seconde moitié du XXe siècle à s’imposer dans     nos sociétés occidentales à la faveur tant des avancées technoscientifiques que biomédicales [Rose, 2007]. Contrairement au biopouvoir classique, cette politique de la vie en soi, comme il la désigne, « ne se borne pas simplement aux pôles de la maladie et de la santé, pas plus qu’elle n’est centrée sur l’éradication des pathologies dans le but de protéger le destin de la nation. Elle est bien plutôt concernée par nos     capacités croissantes à contrôler, gérer, concevoir, remodeler     et moduler les capacités vitales mêmes des êtres humains en tant qu’êtres vivants » [ibid., p. 3. traduction libre]. » http://www.journaldumauss.net/?De-l-humanisme-au-post-humanisme

18.

 

Bonneuil et J-B Fressoz, L’événement anthropocène, Seuil, Paris, 2013.

19.

 

Dans son ouvrage intitulé Mésopolitique (éditions     de la Sorbonne, 2018),     Ferhat Taylan esquisse une généalogie du gouvernement des     milieux qui éclaire le projet néolibéral-cybernétique     contemporain : « le projet moderne de la connaissance des milieux rendait en effet possible, du moins en théorie, une analyse sémiologique des manières d’habiter le monde au-delà de la distinction entre nature et culture. Qu’une telle connaissance de     l’homme dans ses milieux de vie, qui a tant marqué, voire     inauguré les domaines de savoir comme la sociologie et     l’anthropologie – ces disciplines aujourd’hui souvent critiques de l’imperium des humains sur les non-humains, si désireuses de dépasser la division tranchée entre nature et société que le concept de milieu permettait déjà de contourner à sa première élaboration – , soit simultanément accompagnée par des techniques de gouvernement des hommes, cela témoigne bien de l’ambiguïté de la mésopolitique » (p. 20). [nous     soulignons]

20.

 

Frédéric Neyrat, La part inconstructible de la Terre, Seuil, 2008.

21.

 

GAFAM est l’acronyme des géants du Web — Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft — qui sont les cinq grandes firmes américaines (fondées entre le dernier quart du XX e siècle et le début du XXI e siècle) qui dominent le marché du numérique, parfois également nommées les Big Five, ou encore «     The Five ». https://fr.wikipedia.org/wiki/GAFAM. « Comment nos élites livrent l’État aux Gafam »,     Alexandra Saviana, Marianne, 05/07/2019,   https://www.marianne.net/economie/comment-nos-elites-livrent-l-etat-aux-gafam, ou encore « Les GAFA, un État mondial », Myret Zaki, Bilan, 17/04/2019,     https://www.bilan.ch/opinions/myret-zaki/les-gafa-un-etat-mondial

22.

 

C’est ce qu’on voit aussi à l’oeuvre dans la généralisation de la greffe d’organe, que celle-ci soit pensée en termes de don ou qu’elle implique un échange monétaire. Il est d’ailleurs significatif que le corps des morts soit nationalisé pour faciliter la greffe. Notre corps est considéré a priori comme appartenant à l’État puisqu’il nous faut faire la démarche en s’inscrivant sur un registre pour s’en réapproprier l’usage.

23.

 

Naomie Klein, La stratégie du choc, éd. Leméac/Actes Sud, 2008.

24.

 

Avec traçage de personnes contaminées et recherche des contacts qu’elles ont eu avec d’autres personnes à partir de l’application téléphonique bluetooth dont les codes ont été déverrouillé par les géants de la     téléphonie mobile (Apple et Google) pour en diffuser l’usage.

25.

 

Bernadette Bensaude-Vincent, « Guerre et paix avec le coronavirus », Revue Terrestres, n°13, https://www.terrestres.org/2020/04/30/guerre-et-paix-avec-le-coronavirus/

26.

 

Bien qu’interdit par le décret de confinement, nombre de personnes ont désobéi à cette injonction en s’organisant collectivement et ont pris la décision de créer des Brigades de solidarité populaire.

27.

 

La « gestion des risques » au sens économique et financier repose précisément sur la conjuration de toute forme de prise de risque au sens existentiel, prise de risque qui suppose de ne plus se poser en position de maîtrise pour rendre possible une  invention, une transformation de soi dans et à travers l’expérience du monde.

28.

 

Nous renvoyons à un livre en cours d’écriture, La condition terrestre, habiter la Terre en communs, David-Gé Bartoli et Sophie Gosselin, à paraître aux éditions du Seuil en 2021.

29.

 

Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique,  La découverte, 2017.

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2 octobre 2020 5 02 /10 /octobre /2020 11:19

Une par une, les mesures fortes de la convention citoyenne sont abandonnées, s’indignent Eric Piolle, maire de Grenoble, et Matthieu Orphelin, député de Maine-et-Loire. Ils dénoncent « un reniement, tant sur le fond que sur la méthode ». Tribune parue le 30 septembre 2020. Lire aussi  Réchauffement climatique : l’État français plaide non coupableCinquante propositions de la convention citoyenne pour « porter l’espoir d’un nouveau modèle de société » et Une convention citoyenne sur le climat controversée.

Trois mois après la convention citoyenne pour le climat, la désillusion

Le 29 juin, les 150 citoyens tirés au sort pour participer à la convention pour le climat étaient reçus, tout sourire, dans les jardins de l’Elysée, pour présenter le fruit d’un travail aussi sérieux qu’inédit. Le format choisi, audacieux mais réussi, a inspiré beaucoup de monde partout sur le territoire et même au-delà de nos frontières. Ce jour-là, les compliments pleuvent en même temps que les promesses. Les citoyennes et citoyens ont fait leur part du travail, aux politiques de faire la leur. « J’irai au bout du contrat moral qui nous lie », affirmait alors, solennellement, le président de la République, assurant qu’il transmettrait au Parlement la « totalité » des propositions de la convention. Pourtant, sur les 149 mesures évoquées, trois « jokers »ont déjà été dégainés le jour même − une manière mollement subtile d’habiller un non.

Trois mois plus tard, c’est la désillusion. Le gouvernement se lance, en cette rentrée, dans l’effilochage des propositions : après les discours enthousiastes vient le temps du détricotage. Semaine après semaine, une par une, les mesures fortes de la convention sont abandonnées. C’est un reniement, tant sur le fond que sur la méthode. Le moratoire sur la 5G ? Joker ! Le président s’est-il mis un instant dans la peau des 150 qui portaient cette proposition avant de lancer son « je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine » ? Est-ce si dramatique de prendre quelques semaines ou mois pour y réfléchir collectivement ? Le débat sur la sobriété est-il encore tabou ?

Des pseudo-consultations

Une trajectoire progressive sur la fiscalité du kérosène ? Joker ! Balayée d’un revers de la main, lors d’une émission matinale diffusée sur LCI, par le ministre des transports. Une composante poids sur le bonus-malus auto, pour favoriser la vente des véhicules les plus légers ? Joker de Bercy, qui présente volontairement à la concertation une transcription punitive de la mesure, et refuse de l’inscrire dans le projet de loi de finances. La régulation de la publicité ? Joker ! Le ministre de l’économie n’y croit pas (ce qui n’est pas très étonnant). La ministre de l’écologie préfère, elle, dire qu’elle attend la fin des consultations en cours. Pourtant, il faut voir les conditions malaisantes dans lesquelles ces pseudo-consultations se passent − quelques citoyens sont mis à la merci des arguments massues des lobbys −, pour comprendre que les ONG ont eu raison de quitter la table des négociations.

Alors, qui veut tuer la convention citoyenne pour le climat ? On pourrait continuer les exemples… et noter que, pas une seule fois, l’exécutif ne propose, à la place de celles de la convention, des mesures alternatives pour atteindre l’objectif qui leur était fixé : définir un projet global permettant de diminuer de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

En matière de démocratie participative, il n’y a rien de pire que de consulter les citoyens sans ensuite tenir compte de leur avis. Au lieu de renforcer la confiance dans les élus, cela ne fait qu’accroître leur défiance. Au gouvernement de se reprendre, s’il le peut. A moins que, finalement, depuis le début, l’objet de la convention pour le climat n’ait été que de démontrer aux citoyennes et citoyens que les sujets étaient complexes et qu’il n’y avait pas de possibilité d’agir et de changer les choses ? Ce serait désolant, vu les enjeux, mais pas si étonnant…

Eric Piolle est maire (Europe écologie-Les Verts) de Grenoble (Isère). Matthieu Orphelin est député de Maine-et-Loire et coprésident du groupe Ecologie, démocratie, solidarité.

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1 octobre 2020 4 01 /10 /octobre /2020 17:12

Le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) se révèle être une somme d’intérêts privés pour mettre en pièces l’action de l’État. Le recul est inquiétant, notamment sur le code des marchés publics, l’environnement et l’accès aux données publiques. D’après Jade Lindgaard, Martine Orange et Marie Astier pour Le Monde et Reporterre. Lire aussi Le gouvernement fait régresser le droit de l’environnement et Droits de l’environnement en France, une régression généralisée.

Vue aérienne du site ... de Lubrizol, pardon, de Beyrouth.

Vue aérienne du site ... de Lubrizol, pardon, de Beyrouth.

C’est une des marques de fabrique de cette mandature : la loi est devenue illisible. S’inspirant de la commission Attali de 2009, dont il était le secrétaire, Emmanuel Macron, alors qu’il était ministre de l’économie, avait présenté en 2015 une loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances, qui n’était qu’un catalogue de mesures et de dispositions touchant à tout, sans cohérence.

Depuis, cette dérive ne cesse de s’accentuer au fil des textes. Notamment pour tous ceux qui portent sur les domaines économiques, sociaux, environnementaux, présentés depuis l’élection de 2017.

Des ordonnances travail à la loi PACTE, les textes législatifs se résument désormais en un empilement de mesures sans fil directeur, les unes relevant de domaines réglementaires, les autres du domaine de la loi, le tout parachevé par des ordonnances et des décrets, le gouvernement se gardant bien d’indiquer dans quel sens il veut statuer, privant ainsi le Parlement de tout pouvoir d’amendement et de contrôle.

Mais cette dérive paraît atteindre des sommets avec le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, débattu depuis le 28 septembre à l’Assemblée nationale. ASAP, selon son acronyme – As soon as possible (« aussi vite que possible » en anglais), ont aussitôt traduit les parlementaires et les juristes. Car tel est bien le but recherché par le gouvernement Macron : déréguler dans tous les sens, à la va-vite, dans tous les domaines possibles en s’appuyant sur des textes bâclés.

Les députés se retrouvent avec un projet de loi de plus de 80 articles, discuté en commission spéciale pendant à peine deux semaines, sous la direction du rapporteur Guillaume Kasbarian.

Quatre-vingts articles touchant à tout, passant de la dématérialisation pour les demandes de papier d’identité et du permis de conduire au livret d’épargne populaire, de la révision du code des marchés publics au secret des affaires, de l’assouplissement des contrôles sur les activités industrielles dangereuses aux tarifs préférentiels d’électricité pour les entreprises, du code de l’urbanisme à la privatisation de l’Office national des forêts, de la refonte des services à l’enfance à la suppression de 83 conseils ou comités (dont certains ont pourtant fait leur preuve à l’instar du Haut Conseil pour l’égalité hommes-femmes, la commission de l’aide aux victimes) sur les 396 existants, pour finir sur l’éviction des squatteurs afin de répondre au dernier fait divers du moment.

Ce texte poursuit à marche forcée le démantèlement du droit de l’environnement, dénoncent ses détracteurs. Il facilite par exemple l’implantation de sites industriels au moment même où Lubrizol a démontré la nécessité d’une meilleure surveillance.

« Votre texte est un fourre-tout », a dénoncé Émilie Cariou, ancienne députée d’En Marche qui a rallié le groupe Écologie démocratie solidarité, résumant l’état d’esprit général dans les rangs des députés. « Ce projet est inintelligible. En lui-même, il constitue un cavalier législatif », a poursuivi Jérôme Lambert (PS) lors du début des discussions.

« Sous couvert de simplification, ce texte détricote tout », dit Mathilde Panot, députée France insoumise. « C’est une loi de dérégulation », ajoute Émilie Cariou, députée ex-LREM qui a rejoint le groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS). « La simplification, c’est quand on allège les procédures pour les usagers. Mais là, beaucoup de mesures n’ont aucun effet sur eux. »

Le texte contient des dispositions très concrètes concernant la carte d’identité ou le permis de conduire, certes. Mais elles côtoient une série d’autres dispositions visant à réduire de façon drastique un ensemble de commissions intervenant dans la décision publique ; à réformer par ordonnance des institutions aussi essentielles que l’Office national des forêts (ONF) ou les chambres d’agriculture ; à élargir le secret des affaires ; et, surtout, à faciliter l’implantation de sites industriels. Des mesures vues comme une énième œuvre de démantèlement du droit de l’environnement par ses défenseurs. Et qui arrivent devant les députés quelques jours après l’anniversaire de l’incendie de Lubrizol, dont le gouvernement assure avoir tiré les conséquences. Il dit vouloir mieux surveiller ces mêmes sites industriels.

Dans l’ordre, le projet de loi commence en son titre I par la suppression de 18 « commissions administratives ». Des assemblées consultatives, souvent composées d’élus, sur une diversité de sujets, sont évincées pour « raccourcir les délais, en supprimant des consultations devenues purement formelles », explique l’exécutif. Ainsi, passe à la trappe une commission chargée d’évaluer le coût du démantèlement du nucléaire et de ses déchets [1]. « L’excuse est qu’elle n’a jamais siégé, explique Émilie Cariou, députée de la Meuse, qui doit accueillir le futur site — nommé Cigéo — d’enfouissements de déchets nucléaires de Bure. Mais il aurait été important qu’elle siège, j’ai tenté — par des amendements cosignés avec Barbara Pompili­ [l’actuelle ministre de la Transition écologique et solidaire] — de la réactiver plusieurs fois et cela a été refusé. » Ne veut-on pas évaluer certains coûts du nucléaire ? « En supprimant la commission, on croit supprimer le problème », estime Mathilde Panot.

Vue aérienne du site de Lubrizol. © Sdis76
Vue aérienne du site de Lubrizol. © Sdis76

Vue aérienne du site de Lubrizol. © Sdis76

Simplifier l’implantation de sites industriels

Ensuite, le gros morceau se trouve dans le titre III, sur la « simplification des mesures applicables aux entreprises ». Et plus précisément, aux sites industriels. Lorsque ceux-ci veulent s’implanter, ils doivent — en fonction de leur dangerosité — donner des garanties de sécurité, évaluer les risques sur la santé et l’environnement, consulter les riverains. Les articles 21 à 26 du projet de loi visent à gommer des étapes dans ce processus, pour toujours plus d’industries… et donc de terres bétonnées. « Mais, à force de dérogations, on se retrouve avec un texte très difficile à comprendre », relève Morgane Piederrière, juriste et porte-parole de France Nature Environnement.

Parmi les plus contestés, l’article 25 donne la possibilité au préfet, dans certains cas, de dispenser l’industriel d’enquête publique et de la remplacer par une simple consultation publique. Or, les deux processus sont très différents. L’enquête publique est menée par un commissaire-enquêteur, qui organise des réunions physiques, accueille les riverains, recueille leurs remarques, rédige un rapport, etc. La consultation publique se passe uniquement en ligne et bénéficie de moins de publicité. « Raboter (…) les procédures de participation du public ne permet (...) de gagner ni du temps ni de l’argent », explique la Compagnie nationale des commissaires-enquêteurs dans un courrier aux députés. Cela pourrait au contraire augmenter le risque de recours juridiques « bien plus chronophages ».

« Si les procédures environnementales sont lentes, c’est qu’il faut du temps pour informer les citoyens sur les sites industriels qui se construisent à côté de chez eux », plaide Chloé Grebier, coordinatrice de Notre affaire à tous. « Et le fait de laisser le choix de l’enquête au préfet, cela pose un réel problème d’égalité devant la loi. »

L’article suivant, le 26, enfonce un clou de plus dans le cercueil du droit de l’environnement. Il prévoit que les travaux pourront commencer avant que l’autorisation environnementale ne soit délivrée. Cette autorisation vérifie que le projet (d’usine ou d’entrepôt, par exemple) a bien pris en compte toutes les conséquences sur l’eau, la biodiversité, l’air, etc. Il sera donc possible de détruire à coup de bulldozers la biodiversité… avant d’avoir l’autorisation de le faire. Autrement dit, d’artificialiser les sols en toute impunité. Que se passera-t-il si l’autorisation environnementale est finalement refusée ? « On aura fait tous ces dégâts à la biodiversité, tous ces travaux pour rien ! » s’émeut Morgane Piederrière. Ou alors, les travaux ayant commencé, la biodiversité sur le site ayant déjà été détruite, il n’y aura plus grand-chose à sauver, et il sera bien plus facile d’obtenir l’autorisation environnementale. « Cela légitime la politique du fait accompli », regrette encore la juriste.

La loi « aussi vite que possible » (ASAP) continue à démanteler le droit de l’environnement

« Les normes protègent l’intérêt général ! »

« Ce projet de loi conçoit la norme et la consultation du public comme des contraintes, explique-t-elle. Mais, pour nous, elles permettent de protéger les gens, la santé, l’intérêt général ! » Le gouvernement évoque, lui, la nécessité d’« accélérer les installations industrielles et développer l’activité et l’emploi sur les territoires ». Le dernier titre de la loi, d’ailleurs, reprend un refrain souvent entendu, et vise à supprimer les « surtranspositions » du droit européen. Les lois et procédures françaises, trop lentes, nuiraient à notre compétitivité. « Mais, on n’est pas hors modèle, conteste Chloé Gerbier. Beaucoup de notre législation en matière d’environnement provient du droit européen et les délais que l’on applique sont européens. »

Cette loi découle notamment dun rapport commandé par le Premier ministre au député Guillaume Kasbarian, rendu — là encore hasard du calendrier — deux jours avant l’incendie de Lubrizol, le 23 septembre 2019. Il proposait « cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles », et comportait dans ses propositions une bonne partie des dispositions reprises dans le projet de loi, donc M. Kasbarian est maintenant le rapporteur à l’Assemblée nationale (contacté, il n’a pas trouvé le temps de répondre à nos questions). « Ces propositions, ce sont des revendications du Medef [Mouvement des entreprises de France, le principal syndicat patronal] depuis la nuit des temps. Pour faire son travail, il est allé voir une vingtaine d’industriels, il leur a demandé ce qui les entravait, et il l’a mis dans son rapport », commente Émilie Cariou. Dans le détail, on observe effectivement que parmi les personnes auditionnées, on trouve une large majorité de fonctionnaires des ministères, puis des industriels, des élus et une seule association environnementale.

Pourtant, l’incendie de Lubrizol est venu rappeler l’importance d’une bonne surveillance des sites industriels en France, et le manque de moyens et de personnel pour leur suivi. Le gouvernement a depuis multiplié les annonces de renforcement des contrôles. « D’un côté, on annonce des mesures pour améliorer la sécurité industrielle et, au même moment, avec cette loi Asap, on allège les contraintes pour l’installation de nouveaux sites », regrette Ginette Vastel, pilote du réseau risques industriels de FNE.

Au début de l’automne 2018, les agents de l’ONF ont parcouru la France à pied pendant un mois pour défendre la forêt comme un « bien commun ».

Au début de l’automne 2018, les agents de l’ONF ont parcouru la France à pied pendant un mois pour défendre la forêt comme un « bien commun ».

Privatisation de l’ONF

Un démantèlement qui se poursuit dans les articles suivants, en particulier dans l’article 33 du projet de loi. Il permet au gouvernement de légiférer par ordonnances concernant les chambres d’agriculture et l’Office national des forêts (ONF).

Pour l’ONF, il s’agit de donner des pouvoirs de police à des salariés de droit privé. Mathilde Panot y voit une privatisation rampante de l’ONF, car les embauches de fonctionnaires sont gelées : ils devraient donc à terme être totalement remplacés par des contractuels de droit privé. « Pourtant, la forêt mériterait une loi en elle-même », estime la députée. Même constat pour les chambres d’agriculture, comme l’explique Émilie Cariou : « Une mission parlementaire est en cours sur le sujet, et voilà que dès maintenant on donne un chèque en blanc au gouvernement pour les réformer… »

De ce « fourre-tout », Mathilde Panot tire cependant une vision d’ensemble : « On réduit le nombre d’agents publics, donc le nombre de contrôles, donc l’efficacité des lois. Ensuite, on dérégule. Et enfin, on privatise les missions de l’État, on affaiblit la puissance publique et on met les gens en danger sur la question des risques industriels. Tout cela au moment où la crise sanitaire nous a fait ressentir l’importance du service public. C’est un choc de simplification, un texte idéologique qui vise à démanteler l’État et va à contresens de tout ce qu’on aurait dû apprendre de la période. »

De son côté, Émilie Cariou a préparé, avec le groupe Écologie Démocratie Solidarité, une liasse d’amendements pour la discussion de cette semaine. Mais elle ne se fait guère d’illusions : « Le groupe majoritaire est assez docile et laisse tout passer. »

Quelques autres mesures "simplificatrices" de la loi ASAP

  • L’article 21 prévoit que si une nouvelle norme est adoptée alors qu’un projet industriel est en cours de procédure pour demander son autorisation, il n’aura pas à s’y conformer. Le rapport Kasbarian parle de « sécurisation » juridique des entreprises. « Mais le droit évolue pour mieux prendre en compte l’environnement », proteste Morgane Piederrière ;
  • L’article 23 prévoit que si un nouveau site industriel s’implante dans un lieu où d’autres sont déjà installés, on n’étudiera les dégâts que de ce nouveau site, et pas ceux cumulés de toutes les activités. Pourtant, l’accident de Lubrizol a permis de constater ces effets cumulés, les entrepôts du voisin NL Logistique ayant aussi largement brûlé ;
  • L’article 24 bis concerne la possibilité pour les citoyens de demander une concertation pour certains projets. Le délai pour la demander est raccourci de quatre à deux mois ;
  • L’article 25 bis A précise que les citoyens ont droit à l’information concernant les risques auxquels ils sont soumis… mais dans la limite du secret des affaires ;
  • L’article 28 permet à des sites industriels situés à proximité puissent d’accès à des tarifs préférentiels d’achat d’électricité. « Cela va contre la nécessité de diminuer la consommation énergétique, dit Émilie Cariou. Et puis, il n’y a pas de véritable étude de coût, on ne sait pas combien cela va coûter ! »
  • L’article 30 ter est sans doute celui qui a le plus fait parler de lui. C’est « l’amendement anti-squat » déposé par M.Kasbarian, qui étend la possibilité d’expulser des personnes qui occupent une propriété aux résidences « secondaire ou occasionnelle ». L’association Droit au logement dénonce le terme « occasionnelle », « absent de la loi française », qui risque d’étendre la possibilité d’expulser à « un logement vacant, une ruine, un terrain, ou tout espace sur, ou dans lequel un propriétaire s’est établi quelques heures ». L’association demande le retrait de cet article de la loi pour les propriétaires (au nom du droit de propriété) ;
  • L’article 33 quater vise à faciliter l’irrigation agricole en cas de sécheresse, et la construction d’ouvrages de stockage de l’eau. Autant de solutions dont l’efficacité est contestée, y compris par des scientifiques de haut niveau. Le gouvernement pourrait d’ailleurs retirer cette mesure.
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