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C'est dans la colonne de droite tout en bas...

6 mai 2021 4 06 /05 /mai /2021 10:58

L’économiste Lucas Chancel et la sociologue Dominique Méda détaillent une série de propositions identifiées par les membres de l’initiative « 2022 ou jamais. Pour une primaire populaire » et soutenues par les principaux partis de gauche et écologistes. Voir aussi le site 2022 (vraiment) en commun. Tribune publiée le 04 mai 2021 dans Le Monde. Lire aussi Le revenu universel, un choix présidentielTransition écologique en chantier et Appel des Soulèvements de la Terre.

Il existe bien un socle commun susceptible de rassembler l’ensemble de la gauche écologique et sociale

Est-il possible, aujourd’hui, de rassembler, dans un projet commun, les aspirations légitimes de la génération climat, des « gilets jaunes « , des mouvements féministes et antiracistes, du personnel soignant, des « premiers de corvée », ainsi que des sympathisants des partis politiques de la gauche et de l’écologie ? Oui, c’est le pari de l’initiative « 2022 ou jamais. Pour une primaire populaire » qui vise à remettre la question de la justice au cœur du débat public.

En dehors des sentiers battus, les luttes pour la justice se multiplient. C’est en son nom que, partout, des populations éloignées du champ militant ou politique se mobilisent. Après l’aggravation des inégalités provoquée par la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, celles de la loi travail, des retraites et de l’assurance-chômage, après les violences policières et les reculs sur la loi Climat et résilience, la coupe des injustices est pleine.

Un véritable tournant

Pourtant, le camp humaniste, écologiste et social semble prêt, à un an de l’élection présidentielle, à se condamner au rôle de spectateur. Mais il n’y a là aucune fatalité. Les tentatives de primaires communes avant la présidentielle ont été un échec. Pourquoi ? Car trop peu de temps a été investi dans les débats de fond, pour comprendre et penser les désaccords sur l’Union européenne, sur l’écologie ou sur les institutions – mais aussi, et surtout, pour identifier les convergences et les horizons communs à toutes ces formes de militantisme.

Depuis près d’un an, la Rencontre des justices, regroupant des jeunes militants et militantes associatifs, des entrepreneurs sociaux, des acteurs du monde social, a mis en œuvre une méthode pour fédérer des populations qui se parlaient trop peu. De ces rencontres ont émergé de nombreuses propositions sur l’écologie, la réforme des institutions, les questions économiques et sociales, toutes issues de ces mouvements associatifs qui, depuis nos banlieues, centres-villes ou villages, témoignent de la force du désir d’engagement dans notre pays.

Depuis deux mois, les animateurs de la Rencontre des justices discutent de ces propositions avec les référents des partis politiques de l’arc humaniste et écologiste (à commencer par les écologistes, les « insoumis » et les socialistes), pour identifier un socle commun de propositions pouvant être mises en œuvre pendant une mandature. A notre connaissance, aucun travail de la sorte n’avait jamais été effectué.

Les débats ont été nombreux et féconds. Si des divergences ont été identifiées, dix ensembles de propositions-phares sont soutenus par tous. Si elles étaient toutes développées, ce serait un véritable tournant dans l’histoire politique de ce pays.

Candidature unitaire

Le premier paquet de mesures communes vise à renforcer la démocratie. Il s’agit notamment d’instaurer la proportionnelle aux législatives et de garantir la mixité sociale de l’Assemblée nationale. Ce paquet de mesures inclut également le droit de vote à 16 ans et la limitation à deux mandats politiques.

Un accord large est également obtenu sur le besoin de rééquilibrer les pouvoirs du président et du Parlement pour aller vers une VIe République. Les différents courants s’entendent pour convoquer, sur le modèle de la convention citoyenne pour le climat, une convention pour le renouveau démocratique, destinée à laisser davantage d’initiative citoyenne et parlementaire dans l’élaboration des lois.

Enfin, toutes et tous soutiennent l’élargissement des prérogatives du Défenseur des droits, le remplacement de la police des polices [l’inspection générale de la police nationale] par une autorité indépendante, mais aussi la revalorisation du métier de policier et le renforcement de la formation de la profession à la prévention des violences sexistes et sexuelles.

Le second paquet de mesures vise à garantir la justice sociale, en permettant à chacun de couvrir ses besoins essentiels, notamment grâce à un revenu de solidarité dès 18 ans, versé sous condition de ressources. La garantie d’un emploi décent rémunéré à un juste salaire pour chacun est également au cœur du dispositif de lutte contre le chômage.

La démocratisation du monde du travail constitue un autre volet essentiel de la république sociale proposée. Il s’agit d’organiser la participation des travailleuses et des travaillleurs aux décisions stratégiques des organisations auxquelles ils appartiennent, en renforçant considérablement la présence des représentants des salariés au conseil d’administration et en dotant le comité social et économique de droits nouveaux, y compris de veto.

Notre pays a besoin d’un investissement massif dans son infrastructure sociale : notre système de santé est asphyxié, notre recherche est affaiblie, notre système éducatif plombé par les inégalités, comme nos territoires. Ces milliards renforceront notre capacité à faire face aux prochaines crises.

Ces réformes seront financées et accompagnées par un « big bang » fiscal, notamment grâce à la restauration et à la modernisation de l’impôt sur la fortune, et au rétablissement de la progressivité de l’impôt sur les revenus du capital et des entreprises. Ces mesures seraient engagées par la France quelle que soit l’issue des négociations avec nos partenaires européens.

Enfin, en matière d’écologie, toutes les propositions de la convention citoyenne pour le climat seront mises en œuvre, à commencer par un grand plan de rénovation thermique des bâtiments, porteur d’emplois non délocalisables. Une loi de transition agricole et paysanne permettra d’accompagner et de financer les agriculteurs vers des exploitations bio, d’organiser le plafonnement des marges de la grande distribution et de garantir la vente libre des semences paysannes.

Il existe bien un socle commun susceptible de rassembler l’ensemble de la gauche écologique et sociale. Sa mise en place permettrait de remplir une mandature riche en avancées pour la justice sociale. Elle requiert désormais une candidature unitaire pour porter ce projet.

Lucas Chancel, économiste, et Dominique Méda, sociologue, sont parrain et marraine de l’initiative « 2022 ou jamais. Pour une primaire populaire ».

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15 avril 2021 4 15 /04 /avril /2021 17:51

Alors que la majorité et la gauche se divisent sur le nucléaire, la droite et l’extrême droite affichent leur soutien à la filière en vue de la présidentielle de 2022. Commandé par le gouvernement, un rapport conjoint de RTE et l’Agence internationale de l’énergie démontre qu’un mix électrique basé à 100 % sur le solaire, l’éolien et l’hydraulique, par exemple, est techniquement possible. D’après l’Agence Internationale de l’Energie, RTE et Lucas Martin-Brodzicki pour l’Humanité le 27 janvier 2021. Lire aussi La transition énergétique troublée par le Covid-19, L’accord qui protège les pollueursPourquoi ne pas investir dans des usines photovoltaïques plutôt que dans de nouveaux EPR ? et Votre fournisseur d’électricité est-il vraiment vert ?

Couverture du rapport AEI-RTE sur les énergies renouvelables paru le 27 janvier 2021

Couverture du rapport AEI-RTE sur les énergies renouvelables paru le 27 janvier 2021

Mercredi 27 janvier, à midi, 62 % de l’électricité consommée en France l’était grâce à l’atome. L’hydraulique et ses barrages arrivaient en deuxième position, avec 17 %. Quant à l’éolien et au solaire, ils n’atteignaient même pas 10 % à eux deux. Pourtant, ces deux énergies renouvelables devraient produire d’ici à 2050 une grande partie de l’électricité française. C’est du moins techniquement possible, selon un rapport de RTE et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) présenté mercredi.

Commandés fin 2019 par le ministère de la Transition écologique, ces travaux étaient très attendus. Car le débat sur l’avenir du mix électrique français fait rage. Aujourd’hui, le nucléaire en représente environ 70 %. Mais les centrales vieillissent. Certains réacteurs sont mis définitivement à l’arrêt, comme à Fessenheim en 2020, après quarante-­trois ans de service.

Le défi d’un nouvel équilibre

Selon les conclusions de RTE et de l’AIE, un système électrique à forte part d’énergies renouvelables à horizon 2050 est faisable, mais à de multiples conditions techniques et industrielles. Et plus la proportion sera importante, voire intégrale, « plus ces défis d’industrialisation seront grands », prévient Xavier Piechaczyk, le président de RTE. La principale difficulté concerne la gestion de la variabilité, surtout à l’échelle d’un pays entier. Contrairement au nucléaire, le solaire et l’éolien sont des énergies intermittentes. En clair, sans soleil et sans vent, pas d’électricité. Mais, tout comme le nucléaire, elles sont aussi des énergies « décarbonées » : elles ne rejettent pas de CO2 dans l’atmosphère lors de la production. Il va donc falloir trouver un nouvel équilibre entre toutes ces sources d’électricité. Libre aux prochains gouvernements de prendre leurs responsabilités politiques.

Synthèse du rapport Conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050

« L’AIE est plutôt conservatrice sur les questions énergétiques. Ce rapport va donc dans le bon sens. Il vient contrarier un peu plus la position française, pour qui la seule solution pour un mix électrique bas carbone, c’est le nucléaire », analyse Nicolas Nace, chargé de campagne transition énergétique chez Greenpeace France. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs assumé lors d’un discours au Creusot, en décembre 2020 : « Notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire. »

Le besoin d’un débat démocratique

Le sujet fait l’objet d’intenses discussions chez les spécialistes. Chaque rapport – d’autres doivent suivre cette année – permet d’apporter de nouvelles cartouches aux argumentaires. Celui-ci constituerait même « un moment copernicien pour le monde de l’énergie », selon la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.

« Quel mix électrique veut-on ? Pour quels coûts, quelle faisabilité industrielle et écologique ? Ce qu’on demande au gouvernement, c’est un vrai débat démocratique sur ces questions », relance Nicolas Nace. Pour Greenpeace, le nucléaire est loin d’être la voie royale. Au-delà des dangers liés à la prolongation de centrales vieillissantes et du stockage des déchets radioactifs, l’ONG pointe depuis quelques années le coût économique de cette technologie. Le fiasco de l’EPR de Flamanville, objet de multiples retards et surcoûts, est régulièrement cité, alors que le gouvernement a remis au prochain quinquennat la décision de construire ou non de nouveaux EPR.

Mais la transition énergétique vers les énergies vertes n’est pas un long fleuve tranquille. La France accuse un certain retard par rapport à ses objectifs, selon le baromètre 2020 de l’Observatoire des énergies renouvelables. Sur le développement de l’éolien en mer notamment, le pays est à la traîne. Dans le sud, les projets de fermes photo­voltaïques se font au détriment de tout bon sens écologique, entraînant parfois la déforestation de centaines d’hectares de forêt. Surtout lorsqu’ils sont aux mains d’acteurs privés, pour qui le déploiement des énergies renouvelables est une source de profit comme une autre.

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10 avril 2021 6 10 /04 /avril /2021 09:52

Les ammonitrates, engrais moins émissifs en ammoniac, produits dans des usines classées Sevezo et stockées dans les exploitations agricoles, sont le maillon faible de la politique de prévention des risques industriels. D'après Stéphane Mandard le 8 avril 2021 pour Le Monde. Lire aussi Les engrais azotés empoisonnent l'eau et l'airLa loi « aussi vite que possible » (ASAP) continue à démanteler le droit de l’environnement et La bataille de l’ammoniac.

Le port de Beyrouth après l'explosion du stock de 2 750 tonnes d'ammonitrates.

Le port de Beyrouth après l'explosion du stock de 2 750 tonnes d'ammonitrates.

« C’est le choix qui s’impose à tous les agriculteurs soucieux à la fois de leur rendement et de l’environnement. » Ce « choix », vanté par Yara, leader mondial des fabricants d’engrais, ce sont les ammonitrates. Moins émissifs en ammoniac que les autres types d’engrais azoté de synthèse (urée et solution azotée), certes, mais beaucoup plus dangereux, en raison de leur potentiel explosif. Les Libanais sont encore sous le choc de l’explosion du stock de 2 750 tonnes entreposé dans le port de Beyrouth, qui a ravagé la ville et tué plus de 200 personnes, le 4 août 2020. Et les Toulousains n’ont pas oublié AZF et ses 31 morts, le 21 septembre 2001.

La France est le premier consommateur d’ammonitrates (également appelés nitrates d’ammonium) en Europe et le deuxième à l’échelle de la planète. Le géant norvégien Yara possède trois sites de production en France, tous classés Seveso seuil haut : au Havre (Seine-Maritime), à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) et à Ambès (Gironde).

Depuis dix ans, l’usine de Montoir-de-Bretagne fait l’objet d’arrêtés préfectoraux de mise en demeure pour des rejets excessifs de poussières dans l’air et d’azote dans l’eau. La dernière remonte à juin 2020. Le site d’Ambès, à une trentaine de kilomètres de Bordeaux, est aussi visé par plusieurs mises en demeure : celle du 18 décembre 2020 reproche notamment à l’exploitant de n’avoir réalisé « aucune surveillance » des rejets de polluants atmosphériques depuis 2018.

Grandpuits, Petit-Mesnil, Mont-Cauvaire…

A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), excédés par les émanations d’ammoniac, les riverains de l’usine Timac Agro, filiale du groupe Roullier (cinq sites en France), et des associations écologiques ont saisi la justice fin mai 2020. A Mazingarbe (Pas-de-Calais), ce sont les salariés qui se relaient pour surveiller l’immense cuve remplie de 750 tonnes d’ammoniac depuis que le patron, le groupe espagnol Maxam, a abandonné le site après la mise en liquidation judiciaire en janvier. A Grandpuits (Seine-et-Marne), la fuite d’ammoniac survenue le 6 octobre 2020 sur l’un des deux sites de production de nitrate d’ammonium de Borealis (maison mère de GPN, l’ex-AZF), tout proche de la raffinerie Total, est l’objet du premier rapport, publié mi-mars, du tout nouveau Bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels (BEA-RI).

Le BEA-RI a été créé en décembre 2020 par le ministère de la transition écologique après l’incendie de Lubrizol. Cinq jours après l’accident, la mise à l’arrêt du deuxième site de Borealis, dans la zone portuaire de Rouen, après un problème de transformateur, avait fait craindre aux habitants un scénario à la AZF. Parmi les huit enquêtes ouvertes par le BEA-RI depuis sa création, une autre concerne les ammonitrates : l’incendie survenu le 3 décembre 2020 dans un élevage bovin à Petit-Mesnil (Aube). Environ 120 tonnes d’engrais étaient stockées près du hangar parti en fumée.

Plus récemment, le 21 mars, il a fallu près de 80 pompiers pour maîtriser un incendie dans un bâtiment agricole à Mont-Cauvaire, à 20 km de Rouen. Près de 40 tonnes d’engrais à base d’ammonitrates étaient entreposées juste à côté. Elles ont fondu sans exploser. « Il est déplorable qu’après Beyrouth il ne soit pas interdit aux agriculteurs de stocker du nitrate d’ammonium dans des bâtiments contenant des matières combustibles et inflammables, comme du foin, ou dans des bâtiments attenants », estime Jacky Bonnemains, de l’association Robin des bois.

Des exploitations non surveillées

Selon les estimations du ministère de l’écologie, entre un et dix incendies se déclareraient chaque année sur des sites de stockage d’ammonitrate, majoritairement dans des exploitations agricoles. Ces dernières sont le principal maillon faible de la politique de prévention des risques industriels. La plupart entreposent moins de 250 tonnes d’ammonitrates et échappent à toute surveillance. Seuls les sites stockant plus de 500 tonnes – ils sont 250 selon le ministère de l’écologie, dont près de 200 dépassant les 1 250 tonnes de stock – sont soumis à la réglementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement et donc sujets à d’éventuelles inspections.

Après le drame de Beyrouth, les ministères de l’écologie et de l’environnement ont missionné leurs services pour évaluer les contrôles de flux d’ammonitrates (60 % sont importés) dans les ports français, y compris fluviaux, comme celui de Saint-Malo, où transiteraient chaque année entre 40 000 et 60 000 tonnes de nitrate d’ammonium. Un rapport doit être remis ce printemps. Mais il fera l’impasse sur un autre maillon faible, le transport routier et ferroviaire, ainsi que sur les sites de production et les exploitations agricoles.

« Au même titre que les ports, les exploitations agricoles et les sites de production sont très dangereux. Or, la France minimise le danger, regrette Paul Poulain, président du Groupement des entreprises d’études en sécurité et prévention contre les risques d’incendie. Aux Etats-Unis, tous les stockages de plus de 1 000 pounds [454 kg] sont équipés de systèmes d’extinction automatique. »

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9 avril 2021 5 09 /04 /avril /2021 14:51

Nocifs dans l'eau, les fertilisants chimiques sont aussi responsables de pics de pollution atmosphérique et émettent des gaz à effet de serre. L’instauration d’une redevance a peu de chance d'aboutir à l’Assemblée nationale. D'après Stéphane Mandard le 8 avril 2021 pour Le Monde. Lire aussi La pollution de l’air est un « facteur aggravant » des impacts du Covid­19, Les engrais azotés sont un poisonLe cadmium, ce " tueur " caché dans les engrais et La bataille de l’ammoniac.

Engrais composés conditionnés en gros sacs de 600 kg. Photo Cjp24 CC BY-SA 3.0

Engrais composés conditionnés en gros sacs de 600 kg. Photo Cjp24 CC BY-SA 3.0

Le tracteur déploie ses immenses bras mécaniques, et commence à pulvériser le champ de colza, puis l’orge, puis le blé. « Allez, c’est parti ! », lance David Forge, au volant de son engin, 145 chevaux sous le capot et flambant rouge comme la combinaison de l’agriculteur. C’est parti… pour « la grande saison des engrais azotés », indique la vidéo, publiée le 2 mars. David Forge est un jeune agriculteur souriant qui a repris l’exploitation familiale (168 hectares) en Indre-et-Loire et lancé sa « chaîne agricole » sur YouTube (108 000 abonnés).

« Les cultures se réveillent » et vont avoir « beaucoup besoin » d’engrais azotés pour se développer, explique, très pédagogue, le céréalier. Sous un hangar, 20 000 litres sont stockés sous forme liquide (solution azotée) dans une vielle cuve en acier et le reste dans une poche XXL. Aujourd’hui, David Forge a programmé son pulvérisateur sur 3 200 litres, soit près de 4 tonnes de chargement. Il y aura deux ou trois autres « apports » en fonction des cultures.

Chaque année, de mi-février à avril, les épandages de fertilisants (engrais chimiques mais aussi lisiers) battent leur plein dans la ferme France. Et ce que ne précise pas la vidéo, c’est que l’azote qui n’est pas absorbé par les plantes est à la source d’une pollution polymorphe. Sous trois formes principales. La première est dénoncée depuis longtemps : les nitrates, qui contaminent les eaux, à l’origine des algues vertes dans la Manche et sur le littoral  atlantique. Les deux autres sont beaucoup moins connues, mais tout aussi dangereuses : le protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2), et l’ammoniac, à l’origine notamment de pics de pollution de l’air au printemps.

Une menace planétaire. Environ 130 millions de tonnes d’azote sont produites chaque année dans le monde sous forme d’engrais. La moitié seulement est absorbée par les plantes. « Les retombées de la pollution par l’azote sont considérées comme l’une des plus grandes externalités globales auxquelles le monde est confronté, impactant l’air, l’eau, les sols et la santé humaine », souligne la Banque mondiale dans un rapport publié en septembre 2019.

« Une bombe climatique et sanitaire », alerte Claude Aubert. Ingénieur agronome, pionnier de l’agriculture biologique, il vient de publier Les Apprentis sorciers de l’azote (Terre vivante, 144 pages, 15 euros). Le père des apprentis sorciers s’appelle Fritz Haber. En 1909, le chimiste allemand, associé à l’industriel Carl Bosch, synthétise l’ammoniac, matière première de tous les engrais chimiques : ammonitrates (qui ont explosé dans le port de Beyrouth, le 4 août 2020), solution azotée (utilisée dans les champs de David Forge), urée…

« Un poison mortel pour l’environnement et pour l’humain »

« L’invention la plus importante de l’histoire de l’agriculture », pour Claude Aubert. En améliorant de façon spectaculaire les rendements, elle a permis de nourrir une planète en pleine explosion démographique après la seconde guerre mondiale. Elle a bouleversé profondément le modèle agricole en précipitant l’avènement de la monoculture et de l’élevage intensif : 80 % de l’azote sert à la production de nourriture pour l’élevage.

« Des transformations qui ont fait d’un élément vital, l’azote, un poison pour l’environnement et pour l’humain », affirme l’agronome, signataire, avec une vingtaine d’autres agronomes et une cinquantaine d’agriculteurs, d’une tribune dans Le Monde appelant à rompre avec l’addiction aux engrais de synthèse.

Depuis 1960, leur consommation a été multipliée par neuf dans le monde. En Europe, la France est le plus gros consommateur (2,3 millions de tonnes par an) avec l’Allemagne. Entre 2007 et 2018, la quantité d’azote apportée par hectare est passée de 81,6 kg à 86,9 kg. Corollaire, avec près de 700 000 tonnes par an, la France est aussi le plus gros émetteur d’ammoniac.

Dans son dernier rapport sur la pollution de l’air, publié en janvier, la Commission européenne s’inquiète de la relative stagnation des émissions d’ammoniac, issues à plus de 90 % de l’agriculture (fertilisants et élevage). En France, les émissions des principaux polluants issus des autres secteurs (industriel, transports, résidentiel) ont tous chuté depuis 2000 : 80 % pour le dioxyde de soufre (SO2), 56 % pour les oxydes d’azote (NOx), 60 % pour les particules fines (PM2,5). Tous sauf pour l’ammoniac qui n’a baissé que de 8 %.

L’ammoniac est l’angle mort des politiques communautaires. Les objectifs de réduction fixés aux Etats sont faibles : la France doit réduire ses émissions de seulement 14 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2005 quand il lui est assigné d’atteindre – 77 % pour le SO2, – 69 % pour les NOx ou – 57 % pour les PM2,5. Et même peu ambitieux, cet objectif semble hors de portée : les émissions n’ont baissé que de 2 % depuis 2005. De l’aveu même de l’Union des industries de la fertilisation, « si les pratiques d’épandages actuelles perdurent (…), les émissions d’ammoniac augmenteraient de 2,4 % ».

L’enjeu sanitaire est pourtant important. En se combinant avec les NOx issus du trafic routier ou le S02 de l’industrie, l’ammoniac contribue à la formation des particules fines, les plus dangereuses pour la santé car elles pénètrent profondément l’organisme. Les périodes d’épandage sont ainsi propices à des pics de pollution entre février et avril. Les derniers remontent au début du mois de mars. Et même en plein confinement, alors que le trafic et l’activité industrielle étaient à l’arrêt, l’Ile-de-France ou le Grand-Est ont été touchés en mars 2020 par des pics de particules fines. Des épisodes de pollution qui, selon plusieurs publications scientifiques, aggravent l’épidémie de Covid-19. Des associations avaient saisi le Conseil d’Etat pour obtenir la suspension des épandages. En vain.

Dangereux pour la santé, les engrais chimiques le sont aussi pour le climat. Avec les engrais organiques, ils sont à l’origine d’environ 70 % des émissions de protoxyde d’azote (N2O), selon les estimations des chercheurs du Global Carbon Project. Après le CO2 et le méthane, le N2O est le troisième gaz à effet de serre (GES) le plus abondant dans l’atmosphère où il reste une centaine d’années. Et sa concentration a augmenté de 30 % depuis 1980. A ce bilan carbone, il faut ajouter les émissions liées à la fabrication des engrais chimiques : ils absorbent à eux seuls 5 % de la consommation mondiale en gaz naturel. Soit l’équivalent d’un kilo de pétrole pour produire un kilo d’azote.

A l’échelle de la France, le N2O (issu à 90 % de l’agriculture) est responsable d’un peu plus de 10 % des émissions de GES du pays. Les fertilisants azotés représentent environ 45 % des GES de l’agriculture. Et ces émissions n’ont baissé que de 9 % depuis 1990. Elles font de la France le premier émetteur de l’Union européenne.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France s’est fixé pour objectif de réduire de 45 % les émissions de N2O à l’horizon 2050 et de 15 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2015. Cette cible, ainsi que la trajectoire de réduction des rejets d’ammoniac de 13 % d’ici à 2030, figure dans le projet de loi Climat et résilience.

Le débat sur les engrais azotés minéraux devrait avoir lieu dans les prochains jours à l’Assemblée nationale. La bataille se cristallise sur l’instauration d’une redevance. Soutenue depuis plusieurs années par la Cour des comptes, la mesure a été reprise par la convention citoyenne sur le climat. Selon l’étude d’impact réalisée par le gouvernement, la redevance permettrait d’éviter 2 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit environ 15 % de l’effet attendu par le projet de loi.

« C’est maintenant qu’il faut prendre des mesures fortes »

Pourtant, l’exécutif et la majorité parlementaire préfèrent temporiser. Dans le texte soumis aux députés, la redevance est seulement « envisagée ». Et à une condition : que les objectifs de réduction ne soient pas atteints pendant deux années consécutives, ce qui reporterait sa mise en place à 2025, au plus tôt. Le texte demande en outre au gouvernement de produire un « rapport » pour analyser les conditions (taux, assiette) de sa mise en œuvre.

« Attendre encore deux ans et un nouveau rapport, ce n’est pas acceptable. Face à l’urgence climatique, c’est maintenant qu’il faut prendre des mesures fortes », dénonce Sandrine Le Feur, députée (La République en marche) du Finistère. Son amendement en faveur de la création immédiate d’une redevance a été rejeté en commission. Elle en présentera un nouveau en séance. « Depuis vingt ans et la première directive nitrate, les politiques publiques ont toutes échoué », rappelle l’élue qui ne « veut pas vivre un troisième renoncement après le glyphosate et les néonicotinoïdes. » Mme Le Feur défend une « redevance équitable » : à 27 centimes d’euro le kilo, elle permettrait de dégager 618 millions d’euros par an entièrement reversés aux agriculteurs pour les aider à prendre le virage de « l’agroécologie » en privilégiant notamment le retour à l’azote sous forme organique (nettement moins émetteur) dans leurs cultures.

La députée connaît son sujet. Elle est agricultrice. Installée en bio depuis 2015 près de Morlaix, Mme Le Feur cultive en rotation longue des légumes de plein champ (choux, pommes de terre, salades, courgettes…), des céréales (blé, seigle, épeautre, orge, avoine…), des tomates, poivrons, aubergines et concombres sous serres (non chauffées), et fait paître toute l’année ses vaches et moutons sous ses vergers de pommiers et poiriers. Ses apports en azote se résument à du « fumier de bovins bio » fourni par un voisin éleveur. Ici, pas de « grande saison des engrais azotés ».

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4 mars 2021 4 04 /03 /mars /2021 09:08

Deux récentes affaires portées devant les tribunaux laissent espérer que le temps de l’impunité touche à sa fin pour les pollueurs et les décideurs publics tentés par le laisser-faire. Tribune de Valérie Cabanes, membre de la fondation Stop écocide, et Marie Toussaint, eurodéputée EELV, cofondatrices de Notre affaire à tous, publiée le 25 février dans Politis. Lire aussi L'Etat est jugé responsable de son inaction climatiqueLes hommes ont conscience de transformer le climat bien avant la révolution industrielle et La justice enjoint l'État de respecter ses engagements climatiques.

Marche pour le climat à Paris le 16 mars 2019 (AFP)

Marche pour le climat à Paris le 16 mars 2019 (AFP)

Les principaux émetteurs de CO2 aussi bien que les autorités publiques doivent réfléchir à deux fois avant de persister à ne pas prendre en compte les réalités écologiques. Les temps changent, et l’impunité et l’irresponsabilité semblent désormais de moins en moins tolérables. Deux décisions de justice rendues en février ouvrent ainsi enfin la voie à l’établissement d’une responsabilité dans le dérèglement climatique et annoncent une révolution bien plus importante.

La première est celle de l’Affaire du siècle. Le 3 février, le tribunal administratif de Paris donnait raison aux quatre associations ayant lancé en décembre 2018 ce recours contre l’État français pour inaction climatique. Notre affaire à tous, Greenpeace France, la Fondation Nicolas-Hulot et Oxfam France, soutenues par de nombreuses personnalités et jusqu’à 2,3 millions de citoyen·nes, faisaient alors condamner l’État pour son inaction climatique et l’irrespect du budget carbone français. Si les juges se sont laissé deux mois pour déterminer s’ils demanderont des mesures de réparation et formuleront des injonctions pour orienter l’action de l’État à l’avenir, ils ont d’ores et déjà établi que le dérèglement climatique constitue un préjudice écologique pour lequel des responsabilités peuvent être établies et réparties. Ils ont aussi défendu le fait que les émissions de CO2 devaient être prises en compte dans la durée : plus précisément, sur cent ans.

La deuxième décision est plus discrète et peut sembler anodine : il n’en est rien. Le 11 février, le tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Total, la firme française la plus pollueuse, dans l’affaire l’opposant à quinze collectivités et quatre associations (Notre affaire à tous, Sherpa, ZEA Océans et Éco Maires) pour manquement à son devoir de vigilance climatique. Comme nombre de firmes pollueuses mises en cause, Total agit de sorte à reporter le procès et à être jugée par des magistrats qu’elle considère comme plus amis de sa cause : ceux du tribunal de commerce. Peine perdue : les juges de Nanterre ont considéré que « la lettre » des dispositions relatives au devoir de vigilance « commande un contrôle judiciaire ».

Récemment renommée TotalEnergies pour appuyer une stratégie supposément vouée à la lutte contre le dérèglement climatique et au déploiement des renouvelables, la firme persiste à investir dans les énergies fossiles et à entraver l’accès à la justice des défenseurs et défenseuses de la planète : elle a annoncé dans la presse faire appel de cette décision. Mais l’espoir semble enfin permis, car la bataille légitime des ONG et des collectivités pour l’intérêt général rencontre l’action des juges pour défendre leurs compétences et l’office qui est le leur : rendre justice au nom de toute une société.

Photo AFP - JULIETTE AVICE Hans Lucas

Photo AFP - JULIETTE AVICE Hans Lucas

Ces deux décisions sont importantes d’abord en ce qu’elles mettent un coup d’arrêt à la fuite en avant des pollueurs et des décideurs publics supposés tout faire pour les empêcher de détruire le vivant. Grandes firmes et États ayant succombé à leurs stratégies d’influence pour permettre et faciliter l’usage des énergies fossiles et la poursuite des émissions de gaz à effet de serre auront désormais des comptes à rendre. Et les stratégies d’évitement judiciaire ne porteront plus aussi aisément leurs fruits que par le passé.

Ces décisions constituent ensuite une promesse et annoncent un mouvement global de montée en puissance de la prise en charge juridique de la protection de l’environnement. L’Affaire du siècle viendra ainsi certainement nourrir la décision des juges vis-à-vis de Total, quand le conflit de juridiction aura enfin pris fin. Car elle a ouvert la voie à l’établissement d’une responsabilité climatique pour tout acteur : public ou privé.

Ces deux décisions sont enfin un signe d’espoir pour la lutte contre d’autres activités nuisibles mais sciemment poursuivies par les grands pollueurs, dont les producteurs de pesticides. En France, l’usage de ces derniers a en effet augmenté de 25 % en dix ans, malgré les engagements pris en 2007 de le réduire de moitié d’ici à 2025 ; la responsabilité des producteurs de pesticides aussi bien que des autorités publiques est à juste titre soulevée.

La fuite en avant des entreprises les plus pollueuses ne peut et ne doit plus durer. En France comme ailleurs, ces firmes sont rattrapées par la détermination de celles et ceux qui demandent justice, et par la justice elle-même. Avant même la reconnaissance de l’écocide, qui viendra, inexorablement, condamner et donc prévenir ces actes de destruction de la planète et de l’avenir, commis et réitérés en toute connaissance de cause.

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3 mars 2021 3 03 /03 /mars /2021 09:26

Du 26 au 28 février, la session finale de La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a jugé sévèrement la « prise en compte » de ses propositions par le gouvernement. Le projet de loi climat autant que l’attitude déloyale du Président de la République ont été décriés. D’après AFP, Emilie Torgement pour Le Parisien et Gaspard d’Allens pour Reporterre, le 1er mars 2021. Lire aussi Cent-dix organisations de la société civile appellent à plus d'ambition pour la loi Climat et résilience, L'Etat est jugé responsable de son inaction climatiqueLa Convention Citoyenne pour le Climat passée du « sans filtre » aux cents filtres et Cinquante propositions de la convention citoyenne pour « porter l’espoir d’un nouveau modèle de société ».

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

Thierry Pech, coprésident de la gouvernance de cette expérience de démocratie participative
inédite en France, a conclue de sa voix douce le dernier jour de la dernière session. En tout, dix-sept mois d’investissement et lors de cette ultime rencontre — en visioconférence, Covid oblige — s’exprimait une déception généralisée. Leur ressentiment ne faisait plus aucun doute. Après des mois à subir, plus ou moins en silence, le sabotage de leurs propositions par le gouvernement, les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont enfin pu lui répondre. Lors de leur dernière et ultime session, du vendredi 26 février au dimanche 28, le sentiment de trahison était palpable, la colère débordante. Invités à se prononcer sur la manière dont le chef de l’État avait repris ou non leurs mesures, les citoyens lui ont envoyé un verdict aussi cinglant qu’une gifle.

Captation de la vision conférence de la Convention citoyenne pour le climat, le 28 février.

Captation de la vision conférence de la Convention citoyenne pour le climat, le 28 février.

Réunis en visioconférence pendant trois jours, les citoyens ont pris successivement la parole derrière leurs écrans respectifs. L’âpreté du dispositif numérique n’a pas atténué leur détermination. Dès vendredi matin, ils ont commencé à tirer à boulets rouges sur l’exécutif. « Nos mesures ont été transformées en mesurettes », s’est ainsi plainte Brigitte. « On est venu nous chercher pour faire un travail mais finalement, nos avis, ils n’en tiennent pas compte », a regretté Benoît. Thierry, lui, a dénoncé « une fumisterie », « le gouvernement nous a méprisés » . « On a été pigeonné », a ajouté Nicolas. « On s’est servi de nous comme d’un mouchoir de poche », a poursuivi Nadine.

Tous ont en ligne de mire le manque d’ambition du projet de loi Climat qui sera débattu à l’Assemblée nationale en mars. « Il y a tromperie sur le produit et je pèse mes mots », a déclaré Claude. « On est écœuré, c’est riquiqui ce qu’il contient par rapport à ce que l’on avait proposé », a enchaîné Yolande. « Il ne s’agit pas d’être pessimiste ou optimiste mais d’être réaliste », a continué Jean-Pierre. « Je constate le peu d’exigence du gouvernement envers lui-même. Il n’est pas à la hauteur de ses propres objectifs. Son projet de loi trompera sûrement une partie de la population mais il ne trompera pas le climat ».

Manifestation d'humeur des conventionnels le 28 février.

Manifestation d'humeur des conventionnels le 28 février.

Vendredi, les citoyens ont joué au « jeu des 146 différences » en comparant leurs propositions à celles, édulcorées, du gouvernement. Après un examen détaillé de plusieurs heures, ils ont pu constater que toutes les mesures significatives avaient été abandonnées ou revues à la baisse. « Le manque de loyauté » du président de la République a été pointé du doigt. Il avait pourtant promis de transmettre « sans filtre » les propositions des citoyens soit au Parlement soit par référendum.

« Notre travail a accouché d’une souris et on ne peut pas s’en contenter, a estimé Pierre. Tout retard pris sur nos engagements nous précipite vers l’emballement climatique et la fin de l’humanité. C’est criminel. Il n’y a pas de compromis possible ».

Les mesures du gouvernement permettront-elles de réduire de 40 % les émissions ? Note moyenne des réponses : 2,5 sur 10.

Les mesures du gouvernement permettront-elles de réduire de 40 % les émissions ? Note moyenne des réponses : 2,5 sur 10.

« Ce n’est pas une condamnation mais une demande de sursaut »

Dimanche, les citoyens étaient invités à une série de votes pour évaluer précisément comment les mesures de la Convention avaient été prises en compte par le gouvernement. Le scrutin s’est métamorphosé en un vote sanction. Sur les six grands thèmes « consommer », « se nourrir », « se loger », « se déplacer », « produire et travailler », « gouvernance », le gouvernement n’a jamais obtenu la moyenne. Ses notes ont tourné autour de 3/10.

La traduction des objectifs emblématiques de la Convention a été durement jugée : « Limiter les effets néfastes du transport aérien » a obtenu 2,8 de moyenne. Pour rappel, le gouvernement souhaite interdire les vols aériens si une alternative en train existe en moins de deux heures trente. La Convention proposait quatre heures.

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

« L’introduction dans le droit d’un délit d’écocide », largement remanié (et atténué) par l’exécutif a obtenu une note de 2,7/10, la régulation de la publicité 2,6. L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur les autoroutes et les voies rapides 2,5. Dès juin dernier, Emmanuel Macron avait abandonné la proposition phare de la Convention qui voulait limiter la vitesse sur les autoroutes à 110 kilomètres/ heure.

Une vingtaine de citoyens ont systématiquement voté zéro. Ils y ont vu le dernier outil à leur disposition pour enjoindre les parlementaires et le gouvernement à être plus ambitieux. « Ce n’est pas une condamnation mais une demande de sursaut », considère Hubert. Il n’empêche qu’avec ces résultats, le gouvernement est renvoyé à l’image d’un cancre en matière d’écologie. « Il pourra toujours se rattraper à l’oral avec les amendements », s’est amusée Évelyne lors du débat. Après avoir infantilisé les Français tout au long de son quinquennat, Emmanuel Macron a été remis à sa place par de simples citoyens tirés au sort.

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

« Pourquoi on laisse les gros industriels faire la loi ? »

À la question générale : « Quelle est votre appréciation de la prise en compte par le gouvernement des propositions de la Convention citoyenne ? », les citoyens ont encore une fois sorti le stylo rouge et donné une note moyenne de 3,3/10. À la seconde question qui se demandait si les décisions du gouvernement permettaient « de s’approcher de l’objectif de diminution d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 », les membres ont répondu plus sévèrement : 2,5/10 seulement.

Au cœur de leurs discours, les membres de la Convention ont aussi insisté sur le travail de sape des lobbies. Ils ont vécu, en accéléré, la violence de la Ve République gangrenée par les groupes d’intérêts. Ils se sont heurtés au plafond de verre de l’oligarchie et en ont fait l’amère expérience. « Le Medef et les cabinets d’audit nous ont planté un coup de poignard dans le dos », a jugé avec le recul Sylvain. « Pourquoi on laisse les gros industriels faire la loi ? s’est demandé Grégory. Moi je suis électricien. Si je fous le feu à votre maison, vous me virez, alors pourquoi on ne fait pas pareil ? C’est gens-là sont des criminels. Ils détruisent notre avenir à tous ».

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

Selon Samyr, la Convention citoyenne devait permettre une nouvelle approche. Mais sa conclusion en demi-teinte est « révélatrice de la crise démocratique ». « Le filtre de l’argent a triomphé », pour Murielle. « C’est un mauvais signal qui risque encore de nourrir la défiance vis-à-vis de la politique », s’est inquiété Mickaël.

À l’avenir, les Conventionnels souhaiteraient reproduire l’expérience mais voudraient que celle-ci soit mieux définie juridiquement pour éviter les déconvenues. D’ici là, ils vantent, tous, la métamorphose individuelle qu’ils ont vécue pendant ces dix-huit mois. « Une expérience riche qui change la vie » : « Je ne sais pas vous, mais moi maintenant je lis des projets de loi au petit déjeuner le dimanche matin », a raconté, souriante, Mélanie. Elle est aussi devenue maire de son petit village dans la Sarthe.

Les velléités écologistes de Macron notées 3,3/10 par la Convention citoyenne pour le climat

La dernière session se finissant, les membres de la Convention ne semblent pas vouloir se quitter. « On est tous devenus des soldats en lutte contre le réchauffement climatique » a expliqué Pierre. Pour Claire, c’est déjà ça. « Aujourd’hui, il y a 150 Français en colère qui sont devenus militants pour le climat. Emmanuel Macron a fabriqué 150 citoyens qui ne vont pas voter pour lui en 2022 ».

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27 février 2021 6 27 /02 /février /2021 09:08

Dans un avis rendu jeudi 25 février 2021, l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) ouvre la voie au prolongement de la durée de vie des plus anciennes centrales. Initialement conçus pour fonctionner quarante ans, les 32 réacteurs de 900 mégawatts d’EDF sont les plus anciens en fonctionnement en France. D'après Loup Espargilière pour Vert.eco et Perrine Mouterde pour Le Monde. Lire aussi « L’état du parc nucléaire français est préoccupant », Trop cher et trop lent, le nucléaire ne sauvera pas le climat, Ces déchets nucléaires près de chez vous, Seul 1% du combustible nucléaire français est recyclé, Le plan Hercule du gouvernement : découper EDF pour nationaliser le nucléaire et privatiser ce qui marche ? et « Enfouir les déchets nucléaires est la pire des solutions ».

La centrale du Bugey est dotée de 4 unités de 900 MW chacune, mises en service en 1978 et 1979.

La centrale du Bugey est dotée de 4 unités de 900 MW chacune, mises en service en 1978 et 1979.

Dans un avis publié jeudi 25 février, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) considère que « l’ensemble des dispositions prévues ouvrent la perspective » d’une poursuite de l’activité des 32 réacteurs de 900 mégawatts (MW) français pour une période de dix ans. Si la réglementation française ne prévoit pas de « durée de vie » maximale des réacteurs, une hypothèse de quarante ans de fonctionnement avait été retenue lors de leur conception.

Cette décision ouvre, officiellement, la voie à la prolongation de la durée de vie des réacteurs les plus anciens du parc nucléaire français au-delà de quarante ans. « Dans cet avis, nous disons deux choses, précise Julien Collet, le directeur général adjoint de l’ASN. Nous affirmons que cette prolongation est possible et nous fixons les conditions selon lesquelles elle est possible. Un certain nombre de travaux et de contrôles doivent être menés, qui sont ici prescrits et imposés par l’ASN. »

Cet avis générique du gendarme du nucléaire, publié au terme d’une instruction entamée en 2013, porte sur les installations communes à tous les réacteurs de 900 MW, situés dans huit centrales – Bugey (Ain), Blayais (Gironde), Chinon (Indre-et-Loire), Cruas (Ardèche), Dampierre (Loiret), Gravelines (Nord), Saint-Laurent (Loir-et-Cher) et Tricastin (Drôme). Mis en service à partir de la fin des années 1970 et dans les années 1980, ils sont en grande partie identiques, ayant été construits sur un modèle similaire. Un réexamen au cas par cas sera ensuite mené lors des visites décennales – qui ont débuté en 2019 et doivent se poursuivre jusqu’en 2031 – pour prendre en compte les spécificités de chaque réacteur et des sites sur lesquels ils se trouvent.

L’Autorité de Sureté du Nucléaire prolonge les plus vieux réacteurs au-delà de 40 ans

Parmi les principaux travaux prescrits à EDF, qui exploite les centrales, une partie vise à réduire les conséquences des accidents les plus graves avec fusion du cœur du réacteur. La dalle de béton des enceintes de confinement doit ainsi être épaissie pour éviter la pollution des nappes phréatiques. D’autres travaux ont pour objectif de renforcer la protection des installations face à des phénomènes peu pris en compte il y a quarante ans, tels que les séismes, les canicules ou les sécheresses. Enfin, la protection des « piscines » de refroidissement, où sont entreposés les combustibles usés, doit être renforcée. Le gendarme du nucléaire appelle notamment à la mise en œuvre d’un « système de refroidissement diversifié ».

Dans son avis, l’ASN établit également un calendrier précis pour l’accomplissement de ces améliorations de sûreté, d’une ampleur considérable. « Ces travaux, qui nécessitent des investissements importants, doivent être réalisés avec le niveau de qualité requis », insiste Julien Collet. Le gendarme du nucléaire a exprimé, à plusieurs reprises, ses inquiétudes quant à la capacité d’EDF d’assurer ces chantiers colossaux, alors que l’entreprise fait face à des difficultés économiques importantes.

Le quatrième arrêt décennal du réacteur numéro un de Tricastin, en 2019, a par exemple mobilisé près de 5 000 intervenants pendant six mois. L’ASN a d’ailleurs depuis demandé à EDF de rendre compte chaque année des actions mises en œuvre pour respecter les prescriptions et leurs échéances, ainsi que de sa capacité industrielle et de celle des intervenants extérieurs à réaliser dans les délais les modifications des installations. L’entreprise, qui reconnaît que ce volume de travaux est « sans précédent », estime que leur réalisation « conduira à des améliorations significatives en matière de sûreté ». « Un travail important a été réalisé avec tous nos partenaires industriels pour leur donner de la visibilité sur la charge et les besoins en compétences », précise EDF.

Les opposants au nucléaire appellent, de leur côté, à une fermeture des centrales les plus anciennes. « L’ASN publie ses prescriptions génériques un mois seulement après la clôture de la consultation publique, a réagi l’ONG Greenpeace. Ce délai très court confirme que cette consultation était de pure forme. Des demandes spécifiques visant à améliorer la sécurité et la sûreté des réacteurs, formulées par des ONG ou des experts indépendants, n’ont pas été prises en compte. » « Par cet avis, l’ASN entérine le fait accompli d’EDF, dénonce aussi Charlotte Mijeon, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. Les exigences de sûreté sont tirées vers le bas pour s’adapter aux capacités industrielles d’EDF. Et l’ASN a accepté le principe d’un phasage des travaux ; certains seront réalisés alors que les réacteurs auront 47 ou 48 ans. L’échéance des quarante ans ne veut plus rien dire ! »

Après la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) en 2020, pour respecter l'engagement de ramener l'origine nucléaire de notre électricité de 70% aujourd'hui, à 50% en 2035, la France doit théoriquement fermer douze réacteurs supplémentaires pour tenir son objectif.

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8 février 2021 1 08 /02 /février /2021 13:44

Les écologues François Ramade et Annik Schnitzler dressent un portrait accablant de la gestion des bois et forêts périurbains par l’Office national des forêts, qui privilégie une productivité à court terme au détriment de la biodiversité.  Tribune publiée dans Le Monde le 6 février 2021. Lire aussi La nature entre protectionnisme et extractivisme – une leçon de Joëlle Zask, Plantation Rébellion contre la déforestation mondialeLes forêts françaises attaquées par la sécheresse et Le Temps des forêts » : l’exploitation de la forêt est entrée dans la démesure.

Photographie de la Forêt de l'abbaye de la Crête en Haute Marne en France (licence Creative Commons, Ardennes WV Banner

Photographie de la Forêt de l'abbaye de la Crête en Haute Marne en France (licence Creative Commons, Ardennes WV Banner

En dépit des déclarations répétées de l’Office national des forêts (ONF) sur sa prise en compte des impératifs de préservation des écosystèmes forestiers, force est de noter que cet organisme public n’a pas changé de stratégie depuis des décennies. Les constats effectués dans les habitats forestiers français, en particulier dans les bois et forêts périurbains comme ceux d’Île-de-France, démontrent que l’ONF persiste dans une gestion « productiviste » et à courte vue des forêts, fondée sur la seule exploitation des ressources en bois commercialisable (vente de bois d’ameublement, de construction et de chauffe).

Pour répondre aux demandes de l’État et aux objectifs financiers qui lui sont fixés par les ministères de l’agriculture et des finances, il continue à considérer les forêts comme des champs d’arbres, à l’image des champs de maïs. Il persévère dans la recherche exclusive des rendements maximum à l’hectare, quels qu’en soient les conséquences biologiques et les effets à long terme – la responsabilité de l’État se trouvant ainsi engagée.

Les bois et forêts périurbains, poumons vitaux des villes, qui permettent des échappées de plus en plus nécessaires aux citadins, tant sur le plan des loisirs que sanitaire, sont le signe peut-être le plus alarmant du désastre en cours. Pour prendre un exemple, si les coupes rases d’arbres dans la forêt domaniale de la Malmaison/bois de Saint-Cucufa (Hauts-de-Seine), sous l’égide de l’ONF, peuvent être jugées peu significatives en raison de leur surface encore limitée (3 ha, sur 6 annoncés), elles soulèvent en fait des problèmes majeurs. En effet, des chênes parfois centenaires, en parfaite santé, y sont abattus au prétexte que certains châtaigniers sont atteints par la maladie de l’encre, et d’énormes engins, qui tassent les sols de façon irréversible, rasent sur leur passage tous types de troncs.

Abattages à grande vitesse

Ces abattages qui ignorent les obligations mises par le législateur à un développement durable (en particulier la loi 1086 de 2016) et sont effectués discrètement, à grande vitesse (parfois sous-traités à des sociétés non professionnelles de droit étranger), peuvent légitimement conduire les Franciliens et futurs habitants du Grand Paris à s’alarmer.

Durant des décennies, l’ONF a pratiqué le remplacement quasi systématique d’arbres feuillus par des résineux. Ont été ainsi détruits de magnifiques boisements au profit de conifères dont la croissance est rapide et donc la productivité nettement plus élevée à l’hectare. Ces résineux, qui ne sont pas à leur place du point de vue écologique, sont fragiles, sensibles aux attaques parasitaires, et leur litière est facilement inflammable, acidifiée, tandis que sa faune est moins diverse que celle des forêts feuillues originelles.

Par ailleurs, le mode d’exploitation n’a pas changé : coupes rases et coupes « blanches » (non sélectives, toutes espèces d’arbres confondues), intervention d’engins lourds pour le débardage, replantation (non systématique, du reste !) de jeunes arbres de même espèce et du même âge…

Pire encore, un vaste programme de replantation des forêts françaises domaniales est lancé depuis peu : 50 millions d’arbres à planter, 45 000 ha à reboiser, 200 millions d’euros, 3 % des surfaces forestières. La cinquantaine d’espèces choisies provient d’Europe et de plus loin : sapins de Céphalonie, cèdres de l’Atlas…, même séquoias ! Certaines (robinier, pin noir) sont de caractère très invasif.

L’artificialisation – à finalité commerciale – se poursuit donc, de manière plus radicale. Elle sera lourde de conséquences pour les oiseaux, insectes, végétaux et champignons des sous-bois. Elle provoquera une baisse de la fertilité des sols et donc de la productivité, un accroissement de la vulnérabilité des arbres aux insectes ravageurs et aux maladies, processus aggravés par le changement climatique.

Toutes ces pratiques sont à l’opposé des enseignements de l’écologie dans laquelle excellent pourtant les écologues forestiers français (dont certains se trouvent à l’ONF…). Voici des décennies que les associations nationales de protection de la nature ont dû débattre et polémiquer avec les instances nationales à ce sujet. En 1964, Edgard Pisani, ministre de l’agriculture, ne disait-il pas déjà : « La forêt perd toujours les arbitrages budgétaires » ?

Des méthodes d’exploitation scientifiquement fondées impliqueraient que l’ONF change radicalement certaines de ses pratiques, conformément à ses propres engagements. La finalité devrait être un état d’équilibre des forêts domaniales et communales dont cet organisme est chargé, la restauration de la biodiversité et le retour des micro-habitats de nombre d’espèces actuellement en danger. Des coupes sélectives et le maintien d’un nombre important d’arbres anciens ou morts préserveraient la structure forestière variée. Il est temps de prendre en compte l’absolue nécessité de conserver la naturalité des forêts.

Trouées inesthétiques et dévastatrices

L’ONF devrait mettre en pratique les engagements internationaux pris par la France et renouvelés dans les récentes déclarations officielles, en faveur de la conservation de la naturalité des forêts et de leur biodiversité. Cela impliquerait que soient mises en réserve naturelle des surfaces significatives de boisements. Sur ce point encore, le bilan national est bien médiocre en comparaison de celui de pays voisins comme l’Allemagne.

Seuls quelques pour mille des surfaces de forêts gérées par l’ONF bénéficient du statut d’« aire protégée », alors que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a depuis longtemps établi pour l’ensemble du monde que 10 % de la surface de chaque type d’écosystème soit mis en réserve, l’optimum étant de 20 % ! Il appartiendrait aussi à l’ONF de prendre en considération le rôle récréatif de ces forêts, parfaitement compatible avec leur mise en réserve naturelle – à la différence des coupes actuelles, qui créent des trouées inesthétiques et dévastatrices.

Il apparaît impératif que l’ONF – pris dans les injonctions contradictoires de l’État lui assignant à la fois des obligations financières et le respect de la biodiversité – intègre, au-delà de la mission qui lui est assignée de production de bois à des fins commerciales, les exigences de conservation de nos écosystèmes forestiers. Enfin, il serait nécessaire qu’il privilégie, dans une première étape, les bois et forêts périurbains qui devraient bénéficier d’une stricte protection et ne plus être exploitées. Cesser l’abattage abusif des arbres dans ces milieux serait un signe positif et un espoir pour tous.

François Ramade est professeur honoraire d’écologie à l’université Paris-Saclay, président d’honneur de la Société nationale de protection de la nature ;

Annik Schnitzler est ancienne professeure d’écologie à l’université de Lorraine, spécialiste de l’étude de la dynamique des écosystèmes forestiers.

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3 février 2021 3 03 /02 /février /2021 10:46

La décision de #LAffaireDuSiecle vient d'être rendue mercredi 3 février : c'est une victoire historique et un très grand jour pour la justice climatique ! La justice reconnaît pour la première fois que l’État a commis une « faute » en se montrant incapable de tenir ses engagements de réduction des gaz à effet de serre. L’État est jugé responsable de son inaction climatique ! C’est grâce à vous, nous toutes et tous - Merci ! D'après Notre affaire à tous et Le Monde le 3 février 2021. Lire aussi La justice enjoint l'État de respecter ses engagements climatiques, L’Affaire du Siècle répond aux arguments de l’État et Les hommes ont conscience de transformer le climat bien avant la révolution industrielle.

« Une victoire historique pour le climat. » C’est peu dire que le jugement rendu mercredi 3 février par le tribunal administratif de Paris a donné satisfaction aux associations de défense de l’environnement et à leurs avocats. Deux ans après avoir recueilli plus de 2 millions de signatures en moins d’un mois – une mobilisation sans précédent en France –, pour dénoncer l’« inaction climatique » de l’État, « L’affaire du siècle » avait rendez-vous avec la justice. Les quatre ONG à l’origine de la pétition (Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot) avaient déposé en mars 2019 un recours devant le tribunal administratif de Paris pour « carence fautive » de l’État.

A l’issue de ce « premier grand procès climatique en France » – comme l’avait qualifié la rapporteure publique dans ses conclusions lors de l’audience du 14 janvier –, la justice reconnaît pour la première fois que l’État a commis une « faute » en se montrant incapable de tenir ses engagements de réduction des gaz à effet de serre. Pour rappel, la France s’est engagée à diminuer ses émissions de 40 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990 et à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le tribunal a condamné l’État à verser un euro symbolique aux associations requérantes pour « le préjudice moral » résultant de « ses carences fautives dans le respect de ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique ».

Préjudice écologique

La France n’est en effet pas sur la bonne trajectoire. Dans son rapport annuel, publié en juillet 2020, le Haut Conseil pour le climat juge sévèrement la politique du gouvernement : « Les actions climatiques ne sont pas à la hauteur des enjeux ni des objectifs. » Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 0,9 % entre 2018 et 2019, alors que le rythme devrait être d’une diminution annuelle de 1,5 %, et de 3,2 % à partir de 2025 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Et encore ces objectifs ont été revus depuis à la baisse par le gouvernement, contre l’avis du Haut Conseil.

Pour Clémentine Baldon, l’avocate de la Fondation Nicolas Hulot, le jugement du tribunal administratif de Paris est « révolutionnaire » à plus d’un titre : parce qu’il reconnaît la « responsabilité de l’Etat » dans la crise climatique, que son « inaction » sera désormais « illégale » et considérée comme la cause d’un « préjudice écologique ».

Dans un deuxième jugement, le tribunal pourrait ordonner au gouvernement de revoir sa copie pour réduire effectivement les émissions de gaz à effet de serre

Pour la première fois, le juge administratif a reconnu l’existence d’un préjudice écologique – caractérisé par une modification de la composition de l’atmosphère liée à un surplus d’émissions de gaz à effet de serre –, et le fait que l’Etat devait être regardé comme responsable d’une partie de ce préjudice dès lors qu’il n’avait pas respecté ses engagements en matière de réduction des émissions. Jusqu’à présent, seul le juge judiciaire avait reconnu ce préjudice – dans l’arrêt « Erika » –, qui a ensuite été consacré dans la loi biodiversité de 2016.

Mais le tribunal a rejeté la demande d’indemnisation financière de ce préjudice écologique, au motif que les associations requérantes n’ont pas démontré qu’il était impossible de le réparer en nature. Il a toutefois considéré qu’elles étaient fondées à demander la réparation en nature. Afin de déterminer les mesures devant être ordonnées à l’Etat pour réparer le préjudice causé ou prévenir son aggravation, les juges ont prononcé un supplément d’instruction, assorti d’un délai de deux mois. Dans un deuxième jugement, le tribunal pourrait ainsi ordonner au gouvernement de revoir sa copie pour réduire effectivement les émissions de gaz à effet de serre.

Dans le prolongement du Conseil d’État

La justice s’inscrit ici dans le prolongement de la décision, tout aussi inédite, rendue le 19 novembre 2020 par le Conseil d’Etat. Dans un autre recours visant l’inaction climatique de l’Etat, déposé cette fois par la ville de Grande-Synthe (Nord), la plus haute juridiction administrative a fixé un ultimatum à l’exécutif en lui donnant trois mois pour « justifier que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée ».

« Cette reconnaissance de l’obligation pour l’État de réparer le préjudice écologique est une avancée, estime Julien Bétaille, maître de conférences en droit public à l’université Toulouse-1 Capitole. Mais il faudra qu’elle soit confirmée, par une décision du Conseil d’État, et surtout appliquée, c’est-à-dire qu’un juge prononce une obligation de réparation. » A ce titre, le spécialiste du droit de l’environnement estime que les associations auraient dû proposer une « évaluation sérieuse » du préjudice écologique et non se contenter de demander sa réparation à hauteur de 1 euro, « sans décrire et évaluer précisément la substance de ce préjudice ».

La reconnaissance d’une faute de l’État ouvre-t-elle la voie à des actions en justice de victimes du dérèglement climatique ? « Oui, des individus pourraient demander la réparation de divers types de préjudices climatiques devant les tribunaux, répond Julien Bétaille. Mais attention, il faudrait calculer la contribution de l’État français à ce préjudice, l’insuffisance de son action n’étant pas la seule cause des changements climatiques. » Dans les dossiers de pollution de l’air, où la justice a aussi retenu la faute de l’État, les victimes n’ont jusqu’ici jamais obtenu réparation.

Cette pression exercée devant les tribunaux pourrait-elle, comme l’espèrent les ONG, modifier le rapport de force politique au moment où le projet de loi issu des propositions de la convention citoyenne pour le climat doit être présenté en conseil des ministres, le 10 février, avant d’être débattu au Parlement à partir de fin mars ? Ce texte n’est pas à la hauteur des objectifs climatiques de la France, selon le Conseil économique, social et environnemental et le Conseil national de la transition écologique.

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26 janvier 2021 2 26 /01 /janvier /2021 09:47
Un homme travaille dans le cœur du réacteur nucléaire du Tricastin, le 27 juin 2019. PHILIPPE DESMAZES/AFP

Un homme travaille dans le cœur du réacteur nucléaire du Tricastin, le 27 juin 2019. PHILIPPE DESMAZES/AFP

La France doit-elle prolonger la durée de vie de ses réacteurs nucléaires les plus anciens ? C’est la volonté du gouvernement et d’EDF, qui a repoussé à 2035 la baisse de la part de l’atome dans la production d’électricité. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a lancé en décembre 2020 une consultation pour encadrer cette possible prolongation des réacteurs.

Pour Bernard Laponche, physicien nucléaire, ancien du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives et cofondateur de l’association de scientifiques Global Chance, EDF n’a pas la capacité d’assurer dans les temps ces améliorations nécessaires à la sûreté. Il appelle à une fermeture anticipée de certains réacteurs pour pouvoir continuer à assurer le bon fonctionnement des autres.

EDF assure que l’état du parc actuel est bon et que prolonger la durée de vie des réacteurs existants ne pose pas de problème majeur. Partagez-vous cette analyse ?

Si les 32 réacteurs les plus anciens étaient en bon état, on pourrait fixer les conditions de la poursuite de leur fonctionnement et juger ensuite s’il est possible de les mettre en œuvre. Mais ce n’est pas le cas : l’état du parc français est préoccupant. Il suffit de lire le dernier rapport de l’ASN pour le comprendre.

Elle écrit que « la rigueur d’exploitation des centrales d’EDF est en recul » et que le nombre d’événements significatifs « augmente régulièrement depuis plusieurs années ». On peut citer le problème de la fragilité des diesels de secours face au risque de séismes : l’ASN parle d’une anomalie générique – c’est-à-dire qui peut concerner tous les réacteurs –, du mauvais état ou de mauvais montage des ancrages de ces systèmes. Or, si le diesel qui assure l’alimentation en électricité ne démarre pas, c’est l’accident grave.

Il y a aussi des phénomènes de corrosion liés à des défauts de maintenance, des tuyauteries qui se dégradent. EDF aurait intérêt à se dire qu’il vaut mieux avoir 20 réacteurs qui fonctionnent bien et ont été bien réparés, et à arrêter rapidement les autres, plutôt que de tous les laisser fonctionner au-delà de quarante ans.

Pour l’ancien président de l’autorité de sûreté nucléaire américaine, Gregory Jaczko, vouloir absolument moderniser ces réacteurs conçus dans les années 1950 pour qu’ils atteignent un niveau acceptable, c’est mettre du sparadrap sur du sparadrap. C’est comme demander à une personne malade de courir un marathon !

L’ASN recommande à EDF de tendre vers le niveau de sûreté requis pour le réacteur de troisième génération EPR, le réacteur européen à eau pressurisée. Cela vous semble-t-il possible ?

C’est possible pour certains points. Dans l’EPR, les bâtiments qui contiennent le combustible irradié, les piscines, seront « bunkérisés » pour être protégés en cas d’agression extérieure, comme la chute d’un avion par exemple. L’ASN aurait pu demander de « bunkériser » aussi les bâtiments des réacteurs plus anciens, mais ne l’a pas fait parce que ça coûte trop cher. Je pense que c’est une décision critiquable.

EDF assure être capable de mener à bien ces travaux, vous n’y croyez pas ?

Ces travaux sont colossaux. Pour la première visite décennale à Tricastin [Drôme], EDF a mobilisé 5 000 travailleurs pendant six mois, pour un seul réacteur.

Il y a des doutes sur le fait que l’entreprise ait la capacité de faire cela pour toutes les visites décennales, alors qu’il pourrait y en avoir jusqu’à six par an dans les prochaines années. EDF ne pourra pas le faire ou le fera mal.

En conséquence, il va y avoir un décalage de calendrier des visites décennales de trois, quatre, cinq ans. Des réacteurs vont fonctionner bien au-delà de quarante-cinq ans avant de voir leur durée de vie prolongée au-delà de quarante ans.

Les responsables politiques ont-ils manqué d’anticipation ?

Ni EDF, ni l’ASN, ni les décideurs n’ont suffisamment anticipé. Les responsables politiques se défaussent sur l’ASN, ils ne veulent pas entendre parler de la question de la sûreté.

La feuille de route énergétique de la France, qui prévoit l’arrêt de douze réacteurs d’ici à 2035, n’aborde pas cette question, et affirme que le principe général sera l’arrêt des réacteurs à l’échéance de leur cinquième visite décennale, soit à 50 ans. Le fait que l’on dépende complètement du nucléaire pour notre approvisionnement électrique pose un problème de fond et fait peser une pression folle sur l’ASN.

Les experts de Global Chance contestent par exemple le fait que les cuves des réacteurs puissent encore fonctionner dix ans. Imaginons que l’on ait raison et qu’il y ait un problème générique concernant tous les réacteurs de première génération, qu’est-ce qu’on fait ?

L’ASN n’est-elle pas à même de jouer son rôle de garante de la sûreté ?

Tout le système de sûreté repose sur les déclarations d’EDF. Or, deux exemples récents ont mis à mal ce principe : l’expérience des dossiers barrés [des irrégularités et des fraudes constatées dans la forge du Creusot, en Saône-et-Loire] et celle de la cuve de l’EPR [de Flamanville, dans la Manche, dont le couvercle, jugé non conforme, devra être remplacé en 2024]. EDF signale parfois les problèmes avec du retard ou ne les signale pas du tout. Pour les quatrièmes visites décennales, il faudrait une présence permanente de l’ASN sur les sites. Il lui faut davantage de moyens humains.

La consultation publique sur la prolongation de la durée de vie des réacteurs les plus anciens vient de s’achever. Qu’en attendez-vous ?

Ce processus est très hypocrite. La consultation n’a duré qu’un mois, et les prescriptions de l’ASN sont illisibles. Qui a pu avoir le temps de s’y intéresser ?

Le fait qu’il y ait davantage de débats devrait être considéré comme une victoire mais, au lieu d’être vues comme un véritable outil de prise de décision, ces consultations servent à se donner bonne conscience. Le plus grave est que même les politiques ne s’y intéressent pas.

Plus largement, estimez-vous que le risque d’accident grave n’est pas suffisamment pris au sérieux en France ?

A l’époque de la construction des réacteurs les plus anciens, cette notion d’accident grave n’a pas été prise en compte dans les études de sûreté. S’il y avait perte de refroidissement et fusion du cœur, aucune parade n’était prévue, la probabilité que ce type d’accident arrive ayant été considérée comme trop faible.

Ce n’est qu’après Fukushima, en 2011, qu’il y a eu une prise de conscience du risque lié aux événements extérieurs. Tous les présidents de l’ASN ont reconnu qu’un accident comme celui du Japon pouvait se produire en France. Mais on a l’impression que ce n’est pas vraiment compris.

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