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27 mai 2016 5 27 /05 /mai /2016 15:07

Enfin, le voilà ! Il était temps qu'il apparaisse publiquement pour que les citoyens le découvrent et fassent sa connaissance. Le voici dans les médias, dans les débats ; le voici discuté et ausculté. À son sujet, on se dispute, le gouvernement français tergiverse, se veut prétendument menaçant mais demeure indécis. De quoi s'agit-il ?

Du TAFTA : « Trans-Atlantic Free-Trade Agreement », ou en français, « Traité transatlantique de libre-échange », parfois appelé TTIP, PTCI, Grand marché transatlantique… Autant de noms et d'acronymes qui n'aident pas vraiment le citoyen à saisir les enjeux de cet accord géant entre l'Union européenne et les États-Unis.

Pourtant, les mobilisations citoyennes à travers toute l'Europe témoignent des inquiétudes que cet accord suscite : plus de trois millions d'européens ont signé une pétition demandant l'abandon des négociations.

Négocié dans l'opacité, le TAFTA prétend non seulement abaisser les droits de douanes, mais aussi « harmoniser » les normes sociales et environnementales et créer un tribunal spécial de protection des investisseurs, au détriment des engagements pour le climat pris lors de la COP21.

Malheureusement, le TAFTA n'est qu'une menace parmi d'autres. Ses acolytes se nomment CETA, TISA, APE. Certains sont déjà négociés : c'est le cas du CETA, entre l'UE et le Canada, cheval de Troie du TAFTA puisqu'il en contient de nombreuses dispositions, et que la Commission européenne entend pouvoir faire adopter sans l'aval des parlements nationaux.

D'autres sont en cours de négociation : c'est le cas du TISA, l'accord sur les services, négocié secrètement, avec le soutien pro-actif du gouvernement français.

D'autres sont déjà paraphés : c'est le cas de certains APE, ou Accords de partenariat économique, que l'Union européenne signe avec des pays en développement, pour exporter à moindre frais produits et services, au détriment des producteurs et paysans locaux et au profit des géants de l'agro-industrie.

Et la Commission européenne semble n'avoir pas de limite dans son opération de dérégulation de la mondialisation, poussant fortement à la reconnaissance de la Chine comme « économie de marché », afin de pouvoir intensifier ses échanges commerciaux et baisser les barrières douanières, encourageant ainsi le dumping social et environnemental chinois.

La menace ne réside évidemment pas dans le droit de faire du commerce. Mais ces accords portent atteinte à l'information des consommateurs, aux appellations d'origines contrôlées ou protégées, fragilisent les tissus économiques locaux, ils détricotent les protections sociales et environnementales, et contournent les juridictions nationales

Face à ce danger, la société civile et les écologistes se mobilisent pour mettre les conséquences du TAFTA, du TISA, du CETA ou des APE sur la place publique. Car nous savons que, comme les vampires, ils ne résisteront pas à une exposition au grand jour : devant les citoyens et dans le cadre d'un débat véritablement démocratique.


Agnès Michel

Europe Ecologie Les Verts, chargée des relations institutionnelles, des acteurs économiques, de la cohérence projet et des relations avec le COP, de la coordination entre le parti et les groupes parlementaires

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26 mai 2016 4 26 /05 /mai /2016 16:37

Le Parisien le 26 Mai 2016

LP/ Elsa Marnette

La hausse du chômage et les coupes budgétaires dans le secteur de la santé, consécutifs à la crise financière de 2008, auraient contribué à une surmortalité par cancers, selon une étude parue mercredi, dans la revue britannique The Lancet. « On associe la récente crise économique à 260.000 morts supplémentaires par cancer dans les pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique, ndlr) entre 2008 et 2010, dont 160.000 au sein de l'Union européenne », selon les conclusions de cette étude.

«A l'échelle planétaire, ce sont bien plus de 500.000 morts supplémentaires par cancer pendant cette période», a indiqué le docteur Mahiben Maruthappu de l'Imperial College à Londres, qui a dirigé les recherches. «Le cancer est la cause principale des décès dans le monde, donc comprendre comment les changements économiques peuvent influer sur la survie à un cancer est crucial», estime-t-il. En 2012, il a provoqué 8,2 millions de morts.

«Nous avons découvert que la hausse du chômage était associée à une augmentation de la mortalité par cancer mais que la couverture de santé générale protégeait la population contre ces effets. En particulier, dans le cas de cancers pour lesquels il existe un traitement, comme le cancer du sein, de la prostate et le cancer colorectal», a-t-il ajouté. À l'inverse, des économies dans les soins de santé peuvent coûter des vies, dit-il. Pour leurs travaux, les chercheurs américains et britanniques ont utilisé des données de la Banque mondiale et de l'Organisation mondiale de la Santé.

Un lien entre chômage, coupes budgétaires dans la santé et mortalité par cancer 

Les chercheurs ont observé le lien entre chômage, coupes budgétaires dans la santé et mortalité par cancer de plus de 70 pays, représentant plus de deux milliards de personnes. Ils ont suivi les tendances entre 1990 et 2010, les données après cette date n'étant pas disponibles.  Les cancers ont été classifiés selon deux catégories: «ceux que l'on peut traiter» dont le taux de survie est supérieur à plus de 50% et les «incurables» dont la survie est inférieure à 10%. Le lien entre chômage et surmortalité a été le plus marqué pour les cancers que l'on peut traiter, relèvent les chercheurs, «ce qui montre l'importance d'un accès aux soins».

Dans le détail, une hausse de 1% du chômage a été associée à 0,37 mort par cancer supplémentaire pour 100.000 habitants. Un accroissement de 1% des coupes dans le budget de la santé (en pourcentage de Produit intérieur brut) a été associé à 0,0053 mort supplémentaire.

Aux États-Unis, 18.000 décès supplémentaires ont été comptabilisés et 1.500 en France. En revanche, les chercheurs n'ont constaté aucune surmortalité sur la période 2008-2010 au Royaume-Uni ou en Espagne. «Dans les pays où il n'existe pas de couverture sociale générale, l'accès aux soins dépend souvent du contrat de travail. Sans emploi, les patients sont probablement diagnostiqués tardivement et bénéficient d'un mauvais traitement ou avec retard», explique le professeur Rifat Atun, d'Harvard.

Le chômage amplifie aussi le taux de suicides

Les auteurs soulignent que leurs travaux établissent plus une association qu'un lien de cause à effet. Néanmoins, arguent-ils, il y a une «corrélation chronologique» puisque les évolutions du chômage et celles de la mortalité se suivent, ce qui soutient l'hypothèse d'un lien de cause à effet. Plusieurs études avaient déjà montré l'impact de la hausse du chômage et des coupes budgétaires en matière de santé mentale ou physique.

Le chômage serait ainsi à l'origine de quelque 45.000 suicides chaque année dans 63 pays, dont les économies occidentales, selon une étude de chercheurs suisses publiée en février 2015 dans
The Lancet Psychiatry.

Une autre étude menée par l'Institut français pour la santé et la recherche médicale (Inserm) et publiée en mars 2015 avait mis en évidence une «surmortalité très importante» chez les chômeurs, presque trois fois supérieure à celle des non-chômeurs. Le chômage a notamment «des effets majeurs sur la survenue d'accidents cardiovasculaires et de pathologies chroniques», observaient les chercheurs.

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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 19:00

Par Maxime Combes le 27 avr. 2016 sur son Blog Sortons de l'âge des fossiles !
« La France va devenir le premier pays à émettre des obligations vertes » ont titré de nombreux médias suite au discours de François Hollande en ouverture de la Conférence environnementale. Sans forcément préciser de quoi il s'agit ou quels sont les enjeux. Comme si le monde de la finance était naturellement légitime et en capacité de s'occuper du climat et de la transition écologique. Décryptage.
En ouverture de la conférence environnementale, lundi 25 avril, François Hollande a déclaré que la France allait « développer le marché des green bonds, des obligations vertes », et que l'Etat demanderait « aux banques publiques, la Caisse des Dépôts, l’AFD, mais aussi la Banque Publique d’Investissement (BPI), de lancer des obligations vertes, dédiées à des projets d’investissements environnementaux ». Les collectivités sont invitées à « faire de même ». Pascal Canfin, directeur général de WWF France s'est réjoui dans les médias en disant que «  Paris pourrait devenir leader de la finance verte » et les médias – notamment l'AFP – ont emballé le tout avec ce titre, « la France premier pays à émettre des "obligations vertes" ».

La France n'est PAS « le premier pays à émettre des obligations vertes »
Débarrassons-nous d'abord de l'anecdotique. Quelle que soit la façon dont on regarde le secteur des obligations vertes, non, la France n'est définitivement pas le premier pays à en émettre. Par exemple, la Banque agricole de Chine, qui est une banque détenue par l'Etat chinois (1) et qui joue un rôle d'investisseur public dans l'économie chinoise (tout comme la Caisse des dépôts ou la BPI), a émis sa première obligation verte, cotée sur le London Stock Exchange, en octobre 2015. La Nouvelle banque de développement, basée à Shangai et adossée aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ainsi que la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, adossée à l'Etat chinois, se sont également engagées à venir rapidement sur le marché des obligations vertes.
Si l'on regarde maintenant l'ensemble des acteurs financiers d'un pays, c'est également la Chine qui est en tête au premier trimestre 2016, selon un rapport de l'agence Moody's publié récemment. Les institutions chinoises ont émis 7,9 milliards de dollars d'obligations vertes au premier trimestre, soit près de la moitié du total mondial (16,9 milliards). En deuxième place, on retrouve les Etats-Unis avec 3,4 milliards de dollars d'obligations vertes, soit 20 % du volume total mondial. La France arrive beaucoup plus loin (si on élargit aux « climate bond », qui sont une forme d'obligations vertes, l'AFD elle-même a levé un milliard d'euros en 2014).

Qu'est-ce qu'une obligation verte et que représente le marché ?
Une obligation verte est une obligation classique : un acteur de marché emprunte auprès d'investisseurs contre le paiement d'un intérêt jusqu'à la date prévue pour le remboursement intégral de la somme empruntée. Seule différence, cette obligation est dite verte, ou climat (les « climate bonds »), car elle est supposée orienter les investissements privés vers des projets compatibles avec la protection de l'environnement ou du climat. C'est un (petit) marché en plein essor. Alors qu'il ne représentait qu'à peine 4,5 milliards de dollars en 2012, le marché obligataire « vert » aurait atteint 42,4 milliards de dollars en 2015 et pourrait accrocher les 70 milliards en 2016, selon Moody's. Ce qui reste néanmoins une goutte d'eau au regard du volume du marché obligataire international évalué à près de 100 000 milliards de dollars.

Une obligation verte est-elle vraiment verte ?
(le reste de l'article est très largement extraite du livre Sortons de l'âge des Fossiles, manifeste pour la transition, Seuil, Octobre 2015)
Les promoteurs des obligations vertes les présentent comme des instruments adaptés et efficaces pour financer la transition énergétique et la lutte contre les dérèglements climatiques (2). À y regarder de plus près, ce n'est pas aussi simple. À ce jour, il n'existe pas de critères clairement établis, universellement acceptés et contraignants, permettant de distinguer les projets compatibles avec l'environnement ou le climat de ceux qui ne le sont pas. Seuls des engagements volontaires non contraignants ont été rédigés, pour les obligations vertes (3), ou sont en cours de rédaction (4), pour les obligations climat. Les entreprises, les banques de développement et les collectivités qui se financent grâce aux obligations vertes font donc un peu ce qu'elles veulent. Aucune garantie n'existe sur le fait que ces financements aillent au bon endroit : chaque émetteur peut déterminer tout seul ce qui est vert de ce qui ne l'est pas.
Ces engagements volontaires – ou standards pour utiliser le terme du milieu – appliquent leurs propres critères. Difficile donc de comparer les projets, d'identifier clairement les objectifs et de s'assurer que les résultats annoncés sont bien atteints et contrôlés de façon indépendante. Un manque de cohérence qui est aujourd'hui décrié par les investisseurs eux-mêmes. Ainsi, au moment de la COP21, 27 investisseurs mondiaux, représentant quelque 11 200 milliards de dollars d’actifs gérés, ont cosigné la « Déclaration de Paris sur les obligations vertes » réclamant un standard mondial pour les obligations vertes. De son côté, Moody's vient ainsi de rendre public une méthodologie spécifique pour « noter » les obligations vertes : comme pour chaque obligation, une note sera donnée en fonction de la capacité de l'émetteur de rembourser sa dette obligataire tandis qu'une simple « opinion » (« Green bond assessment »), à la demande de l'émetteur, pourra être rendue publique par l'agence de notation. Moody's semble d'ailleurs avoir du mal à trouver des secteurs « verts ».
EXEMPLE : GDF-Suez, nouvellement Engie, s'est vanté de battre tous les records en 2014 avec une émission obligataire verte de 2,5 milliards d'euros. Les investisseurs  éthiques ou socialement responsables se sont jetés sur l'occasion. Malaise. En plus d'être une des entreprises françaises les plus polluantes, Engie pourrait utiliser ce financement pour les grands barrages qu'elle construit en Amazonie (Jirau, bassin du rio Tapajós, etc.) et qui n'ont vraiment rien d'écolo
(voir cet article de l'Observatoire des multinationales). Déforestation, non-respect des droits humains, désastres environnementaux en aval et en amont (inondations, assèchement de rivières, etc.), les conséquences de ces grands barrages sont dramatiques pour les populations et les écosystèmes locaux. Le vert, à la moulinette de la finance, pourrait donc prendre d'autres teintes.

Faut-il confier la transition écologique aux marchés financiers ?
À peine lancé, le marché des obligations vertes est donc déjà sous le feu des critiques. Il n'apporte aucune garantie aux projets qui sont supposés être financés. Les obligations vertes sont un véhicule idéal pour que les multinationales sales mènent de vastes opérations d'écoblanchiment – comme le montre le cas d'Engie – tout en refusant de faire basculer une part significative de leurs activités et de leurs financements vers une économie post-fossile.
Plus important encore. La finance verte ne s'arrête pas aux obligations puisque la titrisation de prêts verts, à travers les ABS (Asset Back Securities) (5) bas carbone, est soutenue par les institutions (6). Il s'agit également de financer les innovations « vertes » par des fonds de capital-risque issus de l'ingénierie financière traditionnelle, ce qui revient à vouloir confier le développement de solutions innovantes à des vautours de la finance qui réclament des taux de rentabilité financière totalement insoutenables.
La crise financière débutée en 2007-2008 aurait dû délégitimer les capacités de la finance à s'occuper de climat et de transition écologique. C'est tout l'inverse qui se produit et se renforce. Comme l'a montré la longue histoire des crises financières – il y a des krachs financiers tous les quatre ans en moyenne – l'innovation financière est sans limites. Y compris en matière de climat et de transition. Tolérer le développement des marchés financiers dans des domaines clefs tels que l'énergie et le climat paraît insensé. C'est la force de l'illusion financière que de laisser entendre que la transition écologique pourrait être mise en œuvre à l'aide de nouveaux dispositifs de marché, innovants bien sûr. Le capital s'étend à la nature, à travers une conception utilitariste des écosystèmes dans lesquels nous vivons. La nature devient « capital naturel » et cela tombe bien car le capital naturel est vert, comme le dollar.
Maxime Combes, économiste et membre d'Attac France.
Auteur de Sortons de l'âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, coll. Anthropocène. Octobre 2015
@MaximCombes sur twitter

NOTES :
1Elle est détenue notamment à 41% par le Central Huijin Investment Ltd. (entreprise d'investissement détenue par le gouvernement) et à 40 % par le ministère des finances chinois, etc.

2Marc-Antoine Franc, « Financer la transition énergétique grâce aux “green bonds”», Le Monde.fr, 22 novembre 2014, www.lemonde.fr/idees/ article/2014/09/22/financer-la-transition-energetique-grace-aux-green- bonds_4492339_3232.html.

3« Green Bond principles 2014 : voluntary process guidelines for issuing Green Bonds», 13 janvier 20104, www.ceres.org/resources/reports/green- bond-principles-2014-voluntary-process-guidelines-for-issuing-green-bonds/ view.

4Climate Bonds initiative, « Climate Bonds Taxonomy », www.climate- bonds.net/standards/taxonomy.

5Un Asset Backed Security (ABS) est une valeur mobilière dont les flux sont basés sur ceux d'un actif ou d'un portefeuille d'actifs. La titrisation est le principal vecteur de création de ces actifs.

6Rachida Boughriet, « Conférence environnementale : cap vers la Confé- rence Paris Climat 2015 », Actu-Environnement, 26 novembre 2014, www.actu- environnement.com/ae/news/table-ronde-conference-environnementale- sommet-climat-paris-2015-23326.php4.

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17 avril 2016 7 17 /04 /avril /2016 11:55

Rosalux - Les amis du Monde Diplomatque présente

François Ruffin - Que faire contre la finance ?

publié le 13 avril 2016 sous Licence Creative Commons, en 2 parties et questions-réponses.

Comment se défendre face à la dette ?
La dette permet de détruire l'autorité et l'indépendance des Etats. Le travail idéologique est si efficace qu'on arrive à être convaincu qu'il n'y a pas d'alternative au désendettement de l'Etat. La dette est aujourd'hui le plus puissant mécanisme pour faire tomber la protection sociale et tous les services de l'Etat.

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6 avril 2016 3 06 /04 /avril /2016 14:11

Un communiqué commun du 5 avril 2016  – signataires en fin de texte

Mossack Fonseca, le cabinet d'avocats panaméen au centre du scandale et dont proviennent les Panama Papers, a répondu aux requêtes des journalistes en concluant avec une mise en garde explicite : « Il semble que vous ayez eu accès de façon non autorisée à des documents et des informations appartenant à notre entreprise et les ayez présentés et interprétés hors de leur contexte. Nous ne doutons pas que vous sachiez parfaitement qu'utiliser des informations ou de la documentation obtenus illégalement est un crime, et nous n'hésiterons pas à utiliser tous les recours pénaux et civils disponibles. » (1)

Le projet de Directive UE sur la « protection des secrets d'affaires », sur lequel le Parlement Européen se prononcera en séance plénière à Strasbourg le 14 avril prochain, se propose justement de donner à de telles entreprises des moyens juridiques supplémentaires pour poursuivre des journalistes ou des entreprises de presse publiant sans leur consentement des documents et des informations internes.

Ce texte crée un droit au secret pour les entreprises qui est excessif : il menace directement le travail des journalistes et de leurs sources, les lanceurs d’alerte, les syndicalistes, la liberté d'expression des salariés et nos droits d'accéder à des informations d’intérêt public (par exemple sur les médicaments, les pesticides, les émissions des véhicules, etc.).

Une coalition européenne d'associations, de syndicats, de journalistes, de lanceurs d'alerte et de scientifiques (liste à la fin du Communiqué) demande aux membres du Parlement Européen de rejeter ce texte et de demander à la Commission Européenne d'en proposer une version conforme avec les exigences de transparence. Une pétition européenne a également été lancée et compte plus de 72.000 signatures après seulement quelques jours.

La définition du secret des affaires prévue par la directive est tellement large que presque toutes les informations internes d'une société peuvent y correspondre. Cela mettra en danger toute personne qui révèle ces informations sans le consentement de l’entreprise.

Pour Patrick Kamenka, membre du comité directeur de la Fédération Européenne des Journalistes « les citoyens, les journalistes ou encore les scientifiques ont parfois besoin d’avoir accès à ces informations et de les publier dans l’intérêt général. Ils risqueraient alors, comme Antoine Deltour et Edouard Perrin dans l’affaire LuxLeaks, des poursuites judiciaires pouvant se conclure par des peines de prison et des amendes de plusieurs centaines de milliers d’euros. C’est une manière très efficace d’empêcher les gens de dénoncer des cas de mauvaise conduite des entreprises. Quel rédacteur en chef peut se permettre de risquer la banqueroute de son journal? »

Et ce n’est pas tout. Si la directive est approuvée au niveau européen, les États membres pourront encore aller plus loin quand ils l'adapteront à leurs droits nationaux, et on peut compter sur les multinationales pour les pousser en ce sens.

Pour Martin Pigeon, de Corporate Europe Observatory, « cette bataille ne sera pas facile : les multinationales mènent un lobbying acharné depuis des années pour obtenir cette directive et ont lourdement influencé la rédaction du texte, mais le grand public n’en sait presque rien. Il n'est aujourd'hui malheureusement plus possible, politiquement, d'amender le texte. Nous devons donc demander aujourd'hui aux députés européens de le rejeter en bloc, mais sans mobilisation des citoyens nous n'arriverons à rien. »

Pour Françoise Dumont, présidente de la Ligue des Droits de l’Homme, « le président Hollande vient de remercier les lanceurs d'alerte et la presse pour leur travail sur les Panama Papers et les rentrées fiscales qu'elles vont permettre. Pourrait-il soutenir publiquement Antoine Deltour (Luxleaks) et exiger que ce texte dangereux pour les lanceurs d'alerte et la presse soit retiré? »

(1) http://www.irishtimes.com/business/retail-and-services/panama-papers-mossack-fonseca-responds-to-leak-1.2597622

(2) Cette directive est officiellement appelée « Directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites ».

(3) Voir http://corporateeurope.org/power-lobbies/2016/03/trade-secrets-protection

(4) Voir https://act.wemove.eu/campaigns/les-lanceurs-d-alerte-en-danger

Contacts presse

Patrick Kamenka, SNJ-CGT, membre du comité directeur de la Fédération Européenne des Journalistes, 0033 6 80 41 01 21

Martin Pigeon, Corporate Europe Observatory, 00 32 484 67 19 09

Sophie Binet, UGICT - CGT - Secrétaire Générale Adjointe, 06 86 87 68 45

Liste des membres de la coalition européenne

Anticor; ATTAC Spain; ATTAC France; Association Européenne pour la Défense des droits de l'Homme; Centre national de coopération au développement, CNCD-11.11.11; Correctiv.org, Germany; BUKO Pharma-Kampagne; CCFD-Terre Solidaire; CGT Cadres, Ingénieurs, Techniciens (UGICT-CGT); Collectif Europe et Médicament; Collectif de journalistes “Informer n'est pas un délit”; Comité de soutien à Antoine Deltour; Commons Network; conseil d’urgence citoyenne; Corporate Europe Observatory; Courage Foundation; EcoNexus; European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility (ENSSER); Fédération Syndicale Unitaire (FSU); Fondation Sciences Citoyennes; Force Ouvrière-Cadres; Genewatch; GMWatch; Health and Trade Network; Inf'OGM; Institut Veblen; International Society of Drug Bulletins; Les économistes atterrés; Ligue des Droits de l'Homme; Observatoire Citoyen pour la Transparence Financière Internationale (OCTFI); OGM Dangers; Peuples Solidaires-ActionAid France; Nordic Cochrane Centre; Pesticides Action Network Europe (PAN-Europe); Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires; Public Concern At Work; Solidaires; Syndicat des Avocats de France (SAF); Syndicat National des Chercheurs Scientifiques (SNCS – FSU); Syndicat National des Journalistes (SNJ); Syndicat National des Journalistes CGT (SNJ-CGT); Tax Justice Network; Transparency International France; WeMove.eu; Whistleblower-Netzwerk e.V., Germany; Xnet.

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25 février 2016 4 25 /02 /février /2016 14:34

 

 

Par Jade Lindgaard le 24 février 2016 pour Mediapart

EDF veut prolonger la durée de vie de ses réacteurs, mais seule l’Autorité de sûreté peut l’y autoriser. Les exigences du gendarme du nucléaire exaspèrent le groupe, qui craint de ne pouvoir faire face aux énormes dépenses rendues nécessaires par le vieillissement de son parc de production.

« Alors ça, c’est une question qu’on ne m’avait jamais posée ! » Dans son bureau sans apparat de Montrouge, au sud de Paris, le président de l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN), Pierre-Franck Chevet, prend quelques secondes de respiration.

La demande est : « Si EDF fait faillite, qui est responsable de la sûreté du parc ? » La réponse arrive en plusieurs temps pendant l’heure d’entretien qui suit : « S’il n’y a personne qui d’une quelconque manière reprend ou assure la mission, s’il n’y a pas d’exploitant, il n’y a pas de fonctionnement. Je ne peux pas vous répondre mieux. Il faut des gens en salle de commande et pour la maintenance. Mais s’il n’y a personne qui assure le cadre de sûreté, ça ne peut pas marcher. Si à un moment on constate que le fait d’être en situation de faillite, pour prendre un cas extrême, conduit à ce que concrètement les règles de sûreté ne puissent plus être appliquées sur tel ou tel réacteur, on les arrête. »

Polytechnicien, ingénieur général du corps des Mines, cet homme de 55 ans tient entre ses mains une grande partie du sort du système nucléaire français : en 2018, l’ASN rendra un avis générique sur la possibilité de prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires les plus anciens (ceux des centrales de Tricastin, Gravelines, Blayais, Chinon, Bugey, Cruas) au-delà de 40 ans. EDF souhaite les faire tourner jusqu’à 50 ou 60 ans, mais est soumis à l’autorisation de l’ASN, agence indépendante créée en 2006, qui fixera les conditions de sûreté auxquelles la prolongation sera possible. Ses pouvoirs ont été renforcés par la loi de transition énergétique.

 

Pierre-Franck Chevet, président de l'ASN (Reuters/Charles Platiau).

L’exploitant devra alors estimer s’il est techniquement capable et économiquement en état d’y répondre. Ce sera la décision la plus importante du secteur depuis le lancement du programme électronucléaire à la fin des années 1970. Chacun des 58 réacteurs du parc sera ensuite examiné, un à un, à partir de 2019. Même si le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, affirme ne vouloir fermer que deux réacteurs dans les dix ans à venir, et table donc sur le prolongement d’au moins la moitié du parc actuel, une période décisive s’ouvre pour le secteur. Pour EDF et Areva, le moment ne pourrait pas être pire, compte tenu de leur vulnérabilité économique. D’après Europe 1, Ségolène Royal donne en partie raison à l’électricien en acceptant le principe d’un prolongement de la durée de vie des centrales jusqu’à 50 ans. Mais cela contredirait les objectifs de la loi de transition énergétique (50 % de nucléaire en 2025) et surtout, ce n’est pas de son ressort. Contacté à plusieurs reprises à ce sujet, le cabinet de la ministre de l’écologie n’a pas répondu.

Début 2016, lors de ses vœux à la presse, Pierre-Franck Chevet secoue la trentaine de journalistes venus l’écouter en déclarant que « le constat en matière de radioprotection et de sûreté est particulièrement préoccupant. Je n’ai pas employé ces mots l’année dernière. Je les emploie aujourd’hui ». Trois sujets inquiètent le gendarme du nucléaire : la phase d’enjeux sans précédent, les difficultés économiques des industriels en première ligne, le manque de moyens pour l’autorité de contrôle.

« Quand je dis que la situation est préoccupante, ce n’est pas pour dire qu’EDF est au bord de la faillite », précise-t-il dans son bureau. Mais « je ne sais pas qui, il y a trois ans, aurait imaginé la situation actuelle. Ça change totalement la donne. On a beau être une très bonne autorité de sûreté, ce qui était le cas avant que j’arrive, sans avoir un bon exploitant, ça ne marche pas ». Un bon exploitant ? « Celui qui, techniquement, a les capacités et, économiquement, a les latitudes qui permettent de faire les investissements de sûreté quand il y en a besoin. Il faut des exploitants en état de marche, une autorité en état de marche et un processus de participation du public qui marche. Ce n’est pas un huis clos, la sûreté nucléaire. »

Ce discours exaspère EDF dont certains dirigeants s’en prennent ouvertement à l’autorité de contrôle, accusée d’en faire beaucoup trop. Lors d’une réunion récente de responsables de la production nucléaire, certains y déclarent que « l’ASN, ça commence à bien faire », selon un participant. Dans son document « Cap 2030 » sur ses orientations stratégiques des quinze prochaines années, le groupe se fixe officiellement l’objectif de « refonder la relation avec l’ASN ». Selon un spécialiste en sûreté au sein du groupe, « refonder la relation avec l’ASN », ça veut dire « l’ASN nous met des bâtons dans les roues, on ne pourra plus faire de nucléaire ». D’après le récit d’un expert maison, EDF bénéficiait d’une avance sur l’ASN en moyens de calcul sur les modèles servant à évaluer la sûreté des réacteurs. Elle a fondu, alors que l’électricien réduit ses budgets de recherche et que l’autorité de sûreté a renforcé ses compétences, notamment grâce à l’utilisation de codes open source de simulation. Résultat : l’exploitant a plus de difficultés à remplir les dossiers qu’il doit remettre au gendarme du nucléaire. Contacté à ce sujet, EDF répond que « Dans le contexte d'évolutions réglementaires produites par l'ASN très nombreuses, EDF s’attachera à toujours mieux anticiper et comprendre les demandes de l’ASN en amont des chantiers et ainsi garantir le succès du programme industriel. » Le groupe cite l'exemple de la réglementation sur les équipements sous pression nucléaire (ESPN) qui « a nécessité un travail conséquent pour être industriellement réalisable ce qui a eu un impact sur certains chantiers. »

 

 cap-2030

Dans une autre instance administrative où l’on traite des enjeux énergétiques, lors d’une réunion, un représentant syndical se lâche, selon un participant : « Il va falloir calmer l’ASN. » Un conseiller ministériel parle d’une « fatwa » contre l’ASN de la part des grands acteurs de l’énergie. Pour Pierre-Franck Chevet, président de l’autorité de contrôle : « Ils se plaignent, ça prouve que sans doute nous avons de l’effet. » Ces critiques l’inquiètent-elles sur sa capacité à se faire respecter ? « Pas particulièrement. Pour un gendarme du nucléaire, le fait de ne pas être adoré par tout le monde, on connaît. Je ne dirais pas qu’on en tire de la satisfaction, on n’est pas comme ça, mais globalement, ça fait partie du métier. On fait notre boulot. » De son côté, Greenpeace continue de trouver l’ASN « très prudente » dans ses critiques. « Il a fallu les relancer plusieurs fois pour qu’ils disent que ce sont eux et eux seuls qui décideraient in fine si le couvercle et la cuve de l’EPR sont OK », explique Cyrille Cormier, spécialiste énergie et climat de l’ONG.

 

1,7 milliard d’euros par réacteur en moyenne

En réalité, la pression qui s’exerce sur l’ASN est énorme. Pour les spécialistes, elle porte le nom codé de « VD4 », la quatrième visite décennale (« VD »). Tous les dix ans, les réacteurs des centrales électriques sont inspectés de fond en comble. Mais le contrôle des 40 ans est une étape beaucoup plus exigeante : « Il ne se passe pas des choses effroyables particulières quand elles atteignent 40 ans, par contre c’est un âge assez respectable pour une installation industrielle, explique Pierre-Franck Chevet. Peut-on les prolonger ? Peut-on améliorer la sûreté de ces installations ? Ce sont les dossiers devant nous, et il y en a beaucoup. »

Entre 1977 (construction de la centrale de Fessenheim) et 1986, EDF a construit 41 réacteurs nucléaires. Dans les dix ans qui viennent, ils vont tous atteindre leur 40e année, durée de vie que l’exploitant ne comptait pas dépasser au départ. « Quand on traduit cela en quantité de travaux à faire, ça veut dire qu’ils seront amenés à faire, à l’occasion de la quatrième visite décennale, quatre fois plus de travaux qu’ils ne le font maintenant sur leurs réacteurs, explique le président de l’ASN. Pour un industriel, être capable de délivrer en toute qualité et en toute sûreté quatre fois plus de travaux à horizon 2019/20, c’est une charge énorme… Entre 2020 et 2025, entre sept et huit réacteurs feront leur visite décennale chaque année. » 

 

 

 Carte des réacteurs nucléaires en France (ASN)

Yves Marignac, expert en sûreté nucléaire, directeur du bureau WISE Paris, est plus direct : « Les conditions dans lesquelles EDF aborde industriellement le mur des 40 ans sont les pires qu’on puisse imaginer. Les chantiers liés à la prolongation de la vie des centrales, lors de leurs quatrièmes visites décennales, vont très au-delà de la capacité qu’EDF a démontrée ces dernières années, alors que cette capacité est détériorée par la crise d’Areva et ses propres difficultés économiques. C’était déjà un mur. Et là on creuse un fossé en s’approchant de ce mur. EDF n’a pas les capacités pour assurer les délais de la prolongation de tout le parc. La maîtrise de cette opération est conditionnée par le "sacrifice" d’un certain nombre de réacteurs. » Selon son estimation, le volume de chantiers et les dépenses nécessaires au passage des 40 ans équivalent à construire cinq EPR en France chaque année. Or les travaux du réacteur de nouvelle génération à Flamanville ont pris dix ans de retard et leur coût a triplé. 

En 2011, EDF a lancé son « grand carénage », d’un montant global de 55 milliards d’euros : une série d’investissements à réaliser d’ici 2025 pour assurer la maintenance de ses centrales et répondre à la dégradation de la performance de son parc. Contrairement à une idée reçue, il ne couvre pas toutes les dépenses liées à la prolongation de la durée de vie des installations nucléaires, puisqu'il concerne pour une grande part des dépenses liées aux précédentes visites décennales. Selon la Cour des comptes dans son dernier rapport annuel, la réalisation du programme de maintenance pourrait atteindre près du double, 100 milliards d’euros (entre 2014 et 2030), soit 1,7 milliard d’euros par réacteur en moyenne. La moitié de ces investissements est liée à la sûreté. 

 

 Action de Greenpeace lors du transport de la cuve de l'EPR de Flamanville, le 12 février (©Greenpeace)

Dans ces conditions, le prolongement de la durée de vie des centrales ne pourra se faire qu’au prix d’un compromis entre sûreté et économie, selon Yves Marignac : « L’ASN et les dispositions globales de gouvernance de la sûreté ont beaucoup à perdre à ce compromis, selon lui. L’équilibre du compromis, sa possibilité même, dépendra du rapport de force sur ces questions. Il n’est pas favorable à la sûreté. Mais l’analyse technique reste ouverte, et nous verrons quelle exigence sera tenue, par exemple sur l’introduction de récupérateurs de corium [quand le cœur du réacteur entre en fusion – ndlr] ou le renforcement des piscines de stockage de combustibles. »

Du fait de leur cadence intensive de construction dans les années 80, tous les réacteurs sont du même type, par catégorie de puissance. Historiquement, ce fut un avantage en termes de sûreté : les mêmes réparations peuvent être réalisées partout. « Mais si jamais on passait à côté d’une anomalie à son stade précoce, on n’aurait qu’une solution : imposer l’arrêt d’une dizaine de réacteurs dans la semaine ou dans les 15 jours », analyse Pierre-Franck Chevet. « Cette situation peut arriver. Elle n’est pas totalement improbable. Je l’ai vécue personnellement au début des années 90 : j’étais à l’ASN, nous avons découvert un problème de corrosion sur un couvercle de cuve en fonctionnement à la centrale de Bugey [dans l’Ain – ndlr]. On ne savait pas d’où ça venait, ni le nombre de réacteurs concernés. Pendant une semaine, la question s’est posée : que fait-on pour les autres ? On arrête le parc ou pas ? Heureusement, en une semaine, EDF a proposé un système pour repérer une éventuelle fuite. Mais on est passé à deux doigts de la situation où l'on aurait dû arrêter une dizaine de réacteurs en une semaine. » 

D’un côté, l’ASN promet son extrême vigilance. De l’autre, EDF assure publiquement de son absolu respect des règles de sûreté. Mais la réalité est moins glorieuse. Les graves anomalies sur la cuve et le couvercle de l’EPR n’ont été détectées que grâce au contrôle de l’ASN. Areva, fabriquant de la cuve, n’a pas attendu le résultat des tests d’évaluation pour insérer la cuve à l’intérieur du bâtiment réacteur. Il n’a pas repéré les graves défauts de son produit, et EDF a décidé de démarrer le montage avant la fin des essais de qualification. Pour Pierre-Franck Chevet, « l’anomalie de la cuve à Flamanville a été détectée parce que nous avons fait un certain nombre de demandes insistantes. Les contrôles internes des entreprises Areva et EDF n’avaient pas fait ce qu’il fallait pour détecter l’anomalie. C’est une situation très compliquée pour nous parce qu’on travaille par sondage. On n’est pas derrière chaque geste ». Plus les difficultés économiques d’EDF s’aggraveront, moins les conditions de garantie de sûreté seront réunies.

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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 12:30

par Laurent Horvath - 2000Watts.org (son site) le samedi 13 février 2016 cf. http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-bulle-financiere-du-schiste-177626

Il y a 2 ans, qui aurait pu imaginer telle débâcle ? Wall Street, la Banque Fédérale Américaine et les banques privées continuaient de déverser des centaines de milliards de dollars dans un secteur qui promettait des gains substantiels. Le Quantitative Easing américain et des taux d’intérêts proche des taux zéros enflaient les égos et les rêves des entreprises de schiste.

Cet enthousiasme aura finalement créé une bulle financière dépassant les 200 milliards $ qui est en train d’imploser sous nos yeux. Le schiste s’écroule tel le jeu de l’avion où les nouveaux investisseurs couvrent les intérêts des anciens et le scénario n’est pas sans rappeler le système Madoff. 

La révolution du gaz et pétrole de schiste américain de 2009-2015 a été conduite par des petites et moyennes entreprises qui ont financé leurs croissances avec des emprunts à hauteur de 113 milliards $ en actions et 241 milliards $ en obligations selon Dealogic. Aujourd'hui, elles s'écroulent sous leurs dettes d'autant que peu d'entreprises sont profitables au-dessous de 50$ le baril. Durant la même période les dettes des 60 plus grandes entreprises US (sur un total de 155) ont bondi de 100 milliards à 206 milliards $.

Le système de Ponzi : L’effet Madoff
Comme dans toutes les bulles spéculatives, beaucoup d’investisseurs sont entrées dans ce business sans en comprendre les mécanismes. Grâce à l’entremise des banquiers, les producteurs ont réussi à lever des sommes astronomiques alors qu’aucun d’entre eux n’aura pu démontrer une quelconque profitabilité.
Même en Europe, les grandes institutions financières comme BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, Deutsche Bank ou l'UBS se sont engouffrés dans la brèche aux côtés des américains JPMorgan, Citigroup, Wells Fargo ou Bank of America.

Ces grandes institutions bancaires ont engrangé des honoraires supérieurs à 740 millions $ pour leurs conseils avisés dans la restructuration des dettes ou les commissions sur la vente de ces produits à haut rendement tout en prenant le soin de se dégager d’éventuelles pertes. Mais pour celles qui n’auront pas réussi à écouler à temps leurs prêts pourris, le réveil est douloureux et les marchés boursiers sanctionnent lourdement leurs imprudences.

Trop de schiste, tue le pétrole
Paradoxalement, c’est le schiste lui-même qui s’est suicidé. En quelques années, la production pétrolière américaine est passée de 5,1 millions barils/jour (b/j) en 2009 à 9,7 millions b/j. Cette augmentation massive a déstabilisé les marchés qui étaient jusque-là régulé, à bien plaire, par l’Arabie Saoudite. Au lieu de stabiliser sa production aux besoins de l'offre, l’industrie de schiste a du extraire à maxima afin de rembourser les intérêts des emprunts.

Prises dans ce piège, les faillites se succèdent et la prochaine échéance bancaire du mois d’avril s’annonce apocalyptique, d’autant que l’Arabie Saoudite a gentiment demandé aux grandes banques de liquider leurs actifs de schiste.

La technique de schiste n’est pas morte
Les technologies de schiste développées dans les années 80 et perfectionnées depuis 2010, pourraient revenir sur les devants de la scène quand les prix retourneront de manière stable au-dessus de 70-100$ le baril et à la condition que les règles environnementales et de salubrité publique soient rangées aux oubliettes.
Les dégâts sur le schiste sont de deux sortes. L’industrie a perdu plus de 100’000 emplois et il n’est pas dit que tout ce beau monde ose retenter l’expérience quand le cycle repartira. Ainsi, il faudra à nouveau offrir des salaires et des formations de classe supérieure ce qui renchérira les coûts d’extraction.

Deuxièmement, les investisseurs n’avaient pas comptabilisé le facteur risque dans leurs investissements et cette prime se retrouvera au sommet de la liste à l’avenir. Ainsi, les financements seront susceptibles d’être plus rares et onéreux même si certains hedge funds tentent le pari de racheter pour une bouchée de pain les actifs des entreprises en faillite. Ces fonds privés ont déjà trouvé 57 milliards $ pour ce jeu de « quitte ou double ». Mais l’impact sur la grande majorité des investisseurs, qui ont perdu beaucoup d'argent, devrait avoir un effet durable. D’autant que durant la même période, les retours sur investissements dans les technologies propres, cleantech, ont augmenté de 11,3%.

Mort et né sous le règne d'Obama
Lors de la crise de 2008, l’immobilier américain avait fait plongé les marchés dans une profonde crise et aujourd’hui les Etats-Unis reviennent avec des investissements tout aussi toxiques dans l’énergie. Bien que les montants soient inférieurs, ils bousculent à nouveau l’économie mondiale ainsi que les institutions financières européennes décidément indomptables, incompétentes et incorrigibles.

Le schiste sera né sous Obama et pourrait s'éteindre en même temps que son règne. Paradoxal, pour un président qui voulait protéger le climat et l’économie.

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23 octobre 2015 5 23 /10 /octobre /2015 21:12

Les entreprises ont été largement plus épargnées par l’augmentation de la fiscalité, selon une étude de l’OFCE dévoilée jeudi 22 octobre dans LE MONDE, le 22.10.2015 par Patrick Roger

Qui, depuis 2010, a payé le prix fort des politiques d’ajustement structurel et de réduction des déficits ? La réponse est, sans ambiguïté, les ménages, en dépit des lamentations des responsables patronaux. Le pacte de responsabilité et de solidarité mis en œuvre depuis 2014 est loin d’inverser cette tendance, malgré les baisses d’impôt sur le revenu annoncées pour les ménages modestes. Bien au contraire, comme le démontre l’étude mise en ligne jeudi 22 octobre par deux économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Mathieu Plane et Raul Sampognaro.

Sur la période 2010-2016, les prélèvements obligatoires (PO) sur les ménages, intégrant les mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 2016, auront augmenté de 66 milliards d’euros (+3,1 points de PIB), et ceux sur les entreprises de 8 milliards (+0,4). Ainsi, le taux de PO sur les ménages atteindra en 2016 un plus haut historique, à 28,2 % du PIB, tandis que les prélèvements sur les entreprises retrouveront un niveau de 16,4 %, inférieur à celui d’avant la crise de 2008.

Mieux encore, avec la mise en œuvre, en 2017, de la dernière phase du pacte de responsabilité, qui prévoit la suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés et la réduction de l'impôt sur les sociétés, auxquelles s'ajoutent les remboursements liés au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la fiscalité des entreprises devrait baisser de 10 milliards d'euros, ce qui ramènera leur taux de Prélèvement Obligatoire à un plus bas historique depuis le début des années 2000. Rarement, dans l'histoire récente, les entreprises auront enregistré une telle décrue de leurs charges alors que les ménages, eux, auront été très largement mis à contribution.

L'étude de l'OFCE procède à un découpage précis des prélèvements sur les ménages et sur les entreprises. Elle regroupe, pour les premiers, les prélèvements directs (impôts, sur le revenu, CSG, CRDS, taxe d'habitation), les impôts indirects (TVA, TICPE...), les impôts sur le capital (ISF, taxe foncière...) et les cotisations sociales. Sont considérés comme prélèvements pour les entreprises les impôts sur la production, les impôts sur les salaires et la main-d'oeuvre, les impôts sur les sociétés et les cotisations sociales patronales.

Choc fiscal

Globalement, les taux de prélèvements obligatoires ont fortement augmenté sur la période 2010-2013 : de 3,7% de PIB (2,4 % pour les ménages et 1,3 % pour les entreprises). C'est après que les choses se gâtent. En 2014, sous l'effet de la mise en place du CICE (6,4 milliards d'€), les PO des entreprises se sont réduits de 0,2 % de PIB tandis que ceux des ménages, en raison de la hausse de la TVA (5,4 milliards), de l'augmentation de la fiscalité écologique (0,3 milliards) et de la hausse de la contribution au service public de l'électricité (1,1 milliards) ainsi que de l'accroissement des cotisations sociales (2,4 milliards) ont continué à augmenter de 0,4 % de PIB.

La tendance s'accélère en 2015. Grâce à la montée en charge du CICE (6 milliards), aux premières mesures du pacte de responsabilité (5,9 milliards), même si d'autres mesures comme celles issues de la réforme des retraites pèsent en sens inverse pour 1,7 milliards au total, les prélèvements sur les entreprises baisseront de 9,7 milliards d'€. A l'inverse, ceux des ménages augmenteront de 4,5 milliards d'euros, soit 0,2 % de PIB, malgré la suppression de la première tranche d'impôt sur le revenu.

Et cela devrait se poursuivre en 2016, avec une baisse des PO de 5,9 milliards pour les entreprises et une hausse de 4,1 milliards pour les ménages, malgré une nouvelle baisse de 2 milliards sur l'impôt sur le revenu, qui ne permet pas de compenser la hausse des autres mesures fiscales. Car ces mesures d'allègement des impôts tant vantées par le gouvernement paraissent finalement bien faibles au regard du choc fiscal encaissé par les ménages.

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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 15:03

Dans l’Humanité d’hier, un entretien avec Joseph Stiglitz qui remet les pendules à l’heure ! « 99% de la croissance est capturée par 1% en haut de l’échelle »

Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, de passage à Paris pour la sortie de son dernier ouvrage, La grande fracture. Photo : Francine Bajande

 De passage à Paris pour la sortie de son dernier ouvrage, le prix Nobel d’économie relève que les inégalités sont au cœur de l’instabilité économique mondiale et développe ses positions alternatives. À l’heure où François Hollande confesse un renoncement majeur en déclarant « assume(r) pleinement », dans un livre à paraître demain, son « acceptation du traité européen » Sarkozy-Merkel, le prix Nobel d’économie américain Joseph Stiglitz dresse un réquisitoire des politiques d’austérité. Dans l’entretien qu’il a accordé à l’Humanité à l’occasion de sa visite en France pour promouvoir son nouveau livre, la Grande Fracture (éditions Les Liens qui libèrent), l’économiste dénonce une Europe engluée dans l’austérité, dans laquelle « la France a peur » d’affronter l’Allemagne, comme on l’a vu lors de la crise grecque, cet été. Un problème économique qui devient un problème démocratique, souligne le prix Nobel, quand « les électeurs se disent partout : (…) les gouvernements ont trahi ». « C’est une autre logique qu’il faut suivre », affirme encore Joseph Stiglitz à propos du pacte de responsabilité de François Hollande, qui distribue des aides sans contreparties aux entreprises. Tirant enseignement de l’exemple grec, le prix Nobel, qui a soutenu le non d’Alexis Tsipras au référendum grec de juillet, se prononce pour une réforme de la zone euro, dans un sens plus « démocratique » et « solidaire », et dit l’espoir que suscite en lui l’essor des luttes des mouvements citoyens contre les inégalités aux États-Unis.

 La démocratie, arme contre la crise

Les inégalités que vous évoquez dans votre livre furent déjà le principal ingrédient du krach de 2007-2008. Est-ce que cela veut dire qu'aucun enseignement n'en a été vraiment tiré depuis et que de nouvelles crises du même type vont surgir?

JOSEPH STIGLITZ Je ne pense pas que nous avons résolu le problème de 2007-2008. Il y aura, il y a déjà une autre crise. Une des raisons sous-jacentes du krach fut la croissance des inégalités et la baisse de la demande. Parce que les personnes qui sont en haut de l'échelle dépensent finalement moins que ceux qui sont en bas.

Cela a débouché sur une faible dynamique économique. La Réserve fédérale (la banque centrale des États-Unis) a décidé, à l'époque, de contrebalancer cette faiblesse en créant une bulle financière.

Celle-ci a permis à 80 % des citoyens des États-Unis de dépenser 110 % de leurs revenus. Mais ce n'était pas durable. Et finalement la bulle a explosé. Les dégâts restent considérables. Les inégalités se sont accrues. Les personnes qui ont été les plus affectées sont celles qui figurent au milieu et au bas de l'échelle sociale. Ainsi entre 2009 et 2012, 91 % de la croissance a été capturée par les 1 % les plus riches. Le reste des gens, les 99 %, n'ont pas vu la couleur de la reprise.

Est-ce qu'il n'y a pas de nouvelles bulles, Wall Street a battu à nouveau des records ces derniers mois…

JOSEPH STIGLITZ Il y a une forte probabilité de présence d'une nouvelle bulle. Le gouvernement a refusé de soutenir l'économie avec des politiques fiscales favorisant la demande. Il a privilégié la politique monétaire (l'abaissement des taux d'intérêt et l'injection de liquidités bon marché) tout en échouant sur la réglementation du secteur financier. L'objectif déclaré était de stimuler l'activité et l'investissement. Mais dans les faits les prêts aux PME-PMI sont restés en dessous du niveau de 2007. L'argent ainsi déversé n'a pas conforté l'économie, si ce n'est à la marge. Car la plupart des crédits bon marché ont été aspirés par les marchés financiers, avec, donc, la probable création d'une nouvelle bulle.

Vous vous êtes fortement engagé contre l'austérité en Europe et le creusement des inégalités, vous avez soutenu publiquement Alexis Tsipras et le non au référendum grec. Quelles seront les conséquences du diktat du 13 juillet imposé aux dirigeants grecs?

JOSEPH STIGLITl Une récession plus dure et plus longue. Même le FMI dit que l'économie grecque va de nouveau se contracter. Elle se situe déjà 25 % sous son niveau d'avant la crise. Le paquet de mesures exigées risque d'être particulièrement funeste à l'économie grecque. La chose étrange c'est que très normalement, quand quelqu'un prête de l'argent, il met des conditions. Celles-ci permettent de s'assurer que celui qui emprunte puisse rembourser. Mais dans le schéma retenu, les Européens et la troïka ont imposé des conditions qui rendent le remboursement quasi impossible. Aujourd'hui l'Allemagne veut que le FMI soit présent dans ce programme, mais le FMI ne veut pas en faire partie s'il n'y a pas de restructuration de la dette. Le FMI et l'Allemagne font partie de la troïka mais avancent des logiques opposées. Si vous êtes un électeur grec vous ne pouvez pas savoir quoi faire. On peut prier, espérer que l'Allemagne va finir par comprendre, va voir la lumière, et qu'il y aura des révisions. On peut espérer gue le FMI convainque l'Allemagne de changer les termes du contrat. Les Grecs ont signé l'accord sur cette base.

Ce qu'il s'est passé en Grèce n'illustre-t-il pas une crise qui est, comme vous le dites, avant tout démocratique ?

JOSEPH STIGLITZ Je crois que l'euro, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, a créé un déficit de démocratie. Pas seulement en Grèce, mais à travers toute l'Europe, les peuples ont voté pour des gouvernements qui étaient contre l'austérité. Mais le Conseil des ministres de l'économie et des finances (Ecofin) leur a imposé l'au5térité. Les gouvernements qui ont été élus pour lutter contre l'austérité ont dû céder. Les électeurs se disent partout: mais que se passe-t-il avec notre démocratie. Nous pensions que nos élections avaient un sens. Les gouvernements ont trahi.

Un autre fonctionnement de la zone euro est-il possible ?

JOSEPH STIGLITZ Il faudrait rendre l'euro fonctionnel pour qu'il engendre moins de divisions. Mais cela nécessiterait des réformes très importantes : une union bancaire, une coopération fiscale, et surtout un soutien aux pays qui ont des problèmes.

Les blocages contre ce type de réformes sont énormes. L'Allemagne refuse une « union de transferts ». Seulement pour que l'euro fonctionne, tout le monde en est d'accord, il faut une Europe plus forte. Ce qui signifie que celle-ci doit comprendre un degré minimum de solidarité. Lorsque la Californie a eu un problème aux États-Unis, tous les autres États ont aidé la banque de Californie, nous avons un certain niveau de solidarité. Cette solidarité n'existe pas en Europe.

La France est un membre important de la zone euro. Est-ce que Paris n'aurait pas pu mieux faire valoir cette solidarité? Paris a-t-il été à la hauteur face à Berlin?

JOSEPH STIGLITZ L'interprétation la plus évidente est que la France a eu peur. Peur que si elle titille trop l'Allemagne, et qu'à l'avenir, au cas où des investisseurs se mettent à quitter la France, ils retirent leur argent du système financier et qu'elle ait besoin de ses voisins d'outre-Rhin, l'Allemagne refuse de l'aider. L'Italie, l'Espagne, la France, tous intimidés de la même façon, ont rendu les armes. Bien que tous les économistes disent que l'Allemagne a eu tort, il ne s'est trouvé aucune personnalité politique pour contester ces choix. Pas même la France, qui possédait pourtant, sur le papier, la dimension la plus appropriée pour« convaincre» Berlin. Tout le monde a cédé à la peur.

François Hollande affirme qu'il ne fait pas d'austérité…

JOSEPH STIGLITZ Tout est une question de définition. Mais les chiffres sont là. On a aujourd'hui un demi-million d'employés en moins qu'avant 2008. C'est cela l'austérité. En fait une bonne politique économique suppose qu'en cas de récession, vous augmentiez le budget de l'État pour stimuler l'activité. Mais si vous coupez dans le budget, eh bien vous déprimez l'économie. Et cela s'appelle l'austérité.

Le gouvernement Hollande a décidé d'offrir 40 milliards d'euros de baisses d'impôts aux entreprises pour stimuler l'économie. Qu'en pensez-vous?

JOSEPH STIGLITZ François Hollande fondait son espoir sur un regain d'investissements. Or il n'existe aucune preuve qu'un allégement des impôts sur les entreprises conduise mécaniquement à plus d'investissements. Il y a d'autres mesures que de faire un cadeau aux entreprises, ce qui revient à jeter de l'argent par les fenêtres et accroître l'inégalité. Si vous dites que vous investissez et que vous créez des emplois en France, à ce moment, vous pouvez avoir une réduction d'impôts. Mais si vous n'investissez pas en France, il faut que vous soyez imposé plus fortement. C'est une autre logique qu'il faut suivre, celle d'une incitation à la création d'emplois. Je l'ai dit, en son temps, au gouvernement français, mais je n’ai pas été entendu ...

Vous faites la démonstration que des décisions politiques sont à l'origine des dysfonctionnements du système et vous dites que les solutions sont également politiques. Mais aux États-Unis, Wall Street bénéficie d'une législation qui lui permet de financer de façon illimitée les campagnes électorales. Est-ce que les dés ne sont pas fondamentalement pipés parce que Wall Street est ainsi, de fait, quasiment juge et partie?

JOSEPH STIGLITZ C'est ce qui, à vrai dire, entame mon optimisme Mais c'est aussi ce qui me renforce dans la conviction que l'on ne peut agir strictement sur le terrain des réformes économiques. Il faut promouvoir d'un même mouvement des changements dans la sphère politique. Une réforme de la loi électorale sur le financement des campagnes par exemple. D'autres choses cependant me remplissent déjà d'espoir. Il y a eu des mouvements de citoyens qui ont réussi à surmonter ces terribles handicaps. Il y a eu des hausses du salaire minimum dans certaines grandes villes comme New York, Los Angeles ou Seattle, en dépit de l'influence des banques qui y étaient totalement opposées. Et à New York, où se trouve le cœur financier du pays, on a même pu même élire un maire, Bill de Blazio, qui a mené campagne contre les inégalités.

Précisément en termes d'espoirs concrets, comment analysez-vous le phénomène Bernie Sanders, le candidat à la primaire démocrate qui se réclame du socialisme?

JOSEPH STIGLITZ L'aspect positif du débat aux États-Unis, c'est que dans les deux partis, il y a une reconnaissance du problème des inégalités. Et au sein du Parti démocrate, tous les candidats sont en faveur de réformes pour réduire les inégalités et mettre une muselière aux banques. Il y a ici et là des différences sur ce qu'il faudrait privilégier, s'il faut mettre davantage l’accent sur l'éducation ou sur autre chose, mais il n’y a aucun désaccord entre les candidats sur cette philosophie contre les règles actuelles du capitalisme. Par exemple, Hillary Clinton veut responsabiliser les entreprises sur leurs résultats à long terme. Il y a sur ce point unanimité en faveur des solutions progressistes. C’est sans doute aussi un reflet de la désillusion par rapport à la politique menée par Barack Obama et la montée de la conscience des dégâts occasionnés par les inégalités.

Quant à Bernie Sanders, c'est celui qui milite sur ces questions depuis le plus longtemps. I' ai travaillé à plusieurs reprises  avec lui notamment sur les questions de la couverture santé. ce qui est intéressant, c'est qu’aujourd'hui, il n'est plus isolé. Il est écouté dans le pays. Il ne faut pas se cacher cependant que si la grande fracture produit cette intéressante évolution au sein du Parti démocrate, elle génère aussi une réaction totalement opposée, ultra-conservatrice dans le Parti républicain.

Aux États-Unis, pour renverser la situation et créer un nouveau New Deal, vous proposez une réforme fiscale d'ampleur en taxant les entreprises en fonction de leur effort d'investissements et de leur politique sociale. Pouvez-vous nous préciser les contours de la réforme que vous proposez ?

JOSEPH STIGUTZ Le principal problème pour la fiscalité sur les entreprises, c’est la mondialisation. Car celle-ci a décuplé les possibilités d' évasion fiscale. Apple soutient ainsi que ses bénéfices sont réalisés dans une entreprise de 300 personnes en Irlande. Je ne sais pas si vous connaissez cette expression : « Le double jeu irlandais et le sandwich hollandais. » C'est une manière imagée de caractériser certains des instruments très complexes destinés à échapper à l'impôt. Mais, en fait, Apple ou Google n'existent qu'en raison des investissements de l'État. Dans ces recherches dans l'électronique, par exemple, qui ont mené à la création de l'Internet; ou encore dans les écoles qui ont permis de former ces ingénieurs très qualifiés, capables de mettre au point des produits extrêmement brillants. Et cette même intelligence qui leur permet 1'élaboration de productions les plus sophistiquées que tout le monde veut acheter, ils la mettent au service de l' évasion fiscale. Les entreprises discourent parfois volontiers sur leur responsabilité sociale. Moi je dis que la plus importante des responsabilités sociales, c'est de payer l'impôt. Et quand elles ne le font pas, elles sont socialement irresponsables. La question, c'est est-ce que l'on peut réformer le système ?

Je fais partie d'une commission internationale indépendante de réforme de la fiscalité des multinationales. Les principes fondamentaux sont très clairs. Il faut que l'on puisse imposer ces sociétés sur une base globale avec une imposition des bénéfices dont une fraction revient dans chaque pays à proportion des revenus qui y sont réalisés. Nous savons comment créer ce type de modèle. Il ne permettra pas un fonctionnement parfait mais constituerait déjà une amélioration considérable. Il faut prévoir un impôt mondial minimum afin que ces sociétés ne puissent éviter de payer à un État ou à un autre. Très récemment, je me suis rendu à Addis-Abeba pour une conférence de l'ONU sur le financement du développement. Tout le monde est d'accord sur le fait que le développement a besoin de financement. Tout le monde dit que les promesses du G7 (0,7 % du PIB des pays riches consacré au développement – NDLR) sont vides de sens. Mais les pays en développement ont ouvert leur marché aux multinationales comme l'Occident l'a demandé. Et maintenant ces pays disent que ces compagnies qui sont venues s'installer chez eux doivent y payer des impôts.

Et là nous avons eu un débat très chaud à Addis-Abeba. Les États-Unis se sont opposés bec et ongles aux réformes réclamées par l'Inde et les pays en développement et l'Europe malheureusement les a suivis. Une grande déception pour moi.

Est-ce que le ralentissement chinois ne peut pas être l'ébauche d'une nouvelle phase d'instabilité?

JOSEPH STIGLITZ Je crois qu'il constituera une nouvelle phase de l’affaiblissement de l'économie mondiale. La période après 2008 a vu la Chine devenir le moteur de la croissance économique. Ce pays a fourni une part énorme de l'accroissement du PIB mondial. Il a provoqué par contrecoup une croissance en Afrique, en Amérique latine. Aux États-Unis et en Europe, nous avons ainsi bénéficié de la croissance chinoise de manière directe mais aussi indirecte. Ce ralentissement aura donc des répercussions du même type. Ainsi par exemple un grand pays comme le Brésil est entré en récession. Pour plusieurs raisons. Mais l'une d'entre elles c'est que les exportations vers la Chine sont plus faibles. Nous savions tous que la Chine allait ralentir et que le passage d'une économie tournée vers les exportations à une économie davantage centrée sur la demande intérieure serait difficile. Mais ce ralentissement a été plus rapide que celui auquel on s'attendait. De plus, les gens n'avaient pas tout à fait compris ce que signifiait le changement de la structure de l'économie chinoise et qu'il y aurait bien une plus forte demande intérieure, mais d'abord dans les services, comme l'éducation, la santé. Or une grande partie de ces activités-là ne génèrent pas de demande vers les autres pays. •

Entretien réalisé par Clotilde Mathieu et Bruno Odent.  

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16 novembre 2013 6 16 /11 /novembre /2013 11:07

parue le 14 novembre dans Libération, une tribune d'Alain Lipietz, Jérôme Gleizes, Anny Poursinoff et Lucile Schmid


Standard & Poor’s vient de dégrader la note de la France. Rien de surprenant. La politique économique est en échec car l’austérité ne permet ni de relancer l’activité économique ni de baisser la dette. Depuis l’élection de François Hollande, la part de la dette dans le PIB est passée de 87,8% à 93,4% et la prévision 2014 est de 95,1%. Au niveau trimestriel, le PIB n’a jamais dépassé ceux de 2007. Nous sommes passés de 3,6 millions de chômeurs à 5,4 millions. Sur la même période, les inégalités ont progressé avec des pauvres plus pauvres, des riches plus riches. Les 10% de personnes les plus modestes ont un niveau de vie inférieur à 10 430 euros annuels en 2010 contre 10 460 en 2007 tandis que les 10% les plus aisées disposent d’au moins 36 270 euros contre 35 420 en 2007, les 5% les plus riches 46 140 contre 44 800.

La grande réforme fiscale promise est enterrée. La fiscalité française reste peu redistributive. Les impôts progressifs, mités par les niches fiscales ne pèsent que 8% des prélèvements obligatoires ! Le gouvernement comptait taxer l’épargne, concentrée sur les ménages aisés, mais là aussi il recule.

Il faut par conséquent modifier la loi des finances 2014 en deuxième lecture, mettre en place une réelle fiscalité écologique pour financer les emplois verts. Hormis une contribution climat énergie homéopathique modifiant l’ancienne assiette de la TCIPE (ex-TIPP) en équivalent CO2, aucune avancée majeure n’est à constater. La baisse de la TVA sur la rénovation thermique ne permet que de retrouver le niveau de 2011. Les budgets sur la rénovation thermique ont été réduits de 30% à 50% entre 2012 et 2014, et même de 70% entre 2010 et 2014.

Avec le recul sur la taxe poids lourd, le retard français sur le ferroutage est confirmé. Une solution intermédiaire aurait pu être prise en la limitant aux camions dépassant les 12 tonnes, comme en Allemagne. Mais le lobby productiviste a imposé sa vision. A l’inverse, la TVA sur les transports en commun de voyageurs a été augmentée de 7% à 10%, au détriment des classes populaires et de l’empreinte écologique du secteur des transports. La hausse de la TVA va réduire le pouvoir d’achat des plus pauvres. La gauche avait pourtant promis de ne pas recourir à cet impôt injuste.

Le navigue à vue cédant alternativement aux intérêts privés les plus conservateurs et à l’idéologie de rigueur de la Commission européenne. Les rares marges de manœuvre budgétaires permises par l’austérité ont été gaspillées pour financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), accordé aux entreprises sans critère social ou environnemental. Et que dire du retrait de l’amendement du rapporteur socialiste Christian Eckert prévoyant l’élargissement du champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions «intra-day» sous pression de Bercy ? Cette mesure créait pourtant une réelle taxe Tobin prévue par l’accord EE-LV - PS et défendue par le candidat Hollande. De nombreuses niches fiscales anti-écologiques persistent et encouragent ainsi la consommation de kérosène ou de diesel. Quant aux bureaux vides, ils ne sont toujours pas taxés malgré les promesses réitérées.

Le gouvernement privilégie cette année la baisse des dépenses (15 milliards) sur l’augmentation des impôts des ménages (12 milliards de TVA pour 9 milliards de baisse de prélèvements sur les entreprises, dont le CICE). Le ministère de l’Ecologie n’est pas épargné. Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste au Sénat, déclarait le 26 septembre : «Nous ne sommes pas en situation de voter le budget du ministère de l’Ecologie et pour le budget général, par définition, vu que c’est un des postes budgétaires qui nous importe le plus.» In fine, la réduction sera de 522 millions, soit une baisse de 6,78%, et près de 1 000 emplois détruits. A cela, il va falloir ajouter les 700 à 800 millions de manque à gagner de taxe poids lourd et le 1,5 milliard de réduction de la dotation de l’Etat aux collectivités territoriales. Voter une loi pour encourager l’économie sociale et solidaire est inutile si les collectivités ne peuvent plus financer ce secteur. Sur un autre secteur essentiel, le logement, la désindexation de l’inflation pour les aides à la personne est un coup porté au pouvoir d’achat. Quant à l’aide publique au développement, elle baisse de 6%. Pour l’assurance maladie, enfin, les conséquences de l’austérité sont la hausse des déremboursements, les dépassements d’honoraires généralisés et la privatisation rampante de notre protection sociale. Les économies sont plutôt à chercher du côté des 23,3 milliards consacrés à la mise en œuvre et au renouvellement des forces nucléaires sous-marines et aériennes, les 20 du CICE ou les grands projets inutiles comme Notre-Dame-des-Landes ou la ligne Lyon-Turin que l’Assemblée nationale vient de valider ce 1er novembre.

Qu’est-ce que la gauche a changé ? Presque rien. Au contraire, selon l’OFCE, pour la seule année 2013, cette stratégie budgétaire aura amputé l’activité de 2,4 points de PIB, détruit des centaines de milliers d’emplois.

Ce budget ne va rien régler au déficit qu’il prétend combattre. Le haut conseil des finances publiques menace quand il «constate un dérapage du déficit par rapport à la loi de programmation ce qui pourrait entraîner l’activation du mécanisme de correction en avril-mai 2014». L’austérité est inefficace et dangereuse. Elle accentue la récession sans régler le problème de la dette qui augmente par la simple mécanique des intérêts. Nous ne pouvons continuer comme cela, il faut modifier ce budget 2013.

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